RAUX Lucien

Par Yves Le Maner

Né le 18 janvier 1897 à Fresnes-sur-Escaut (Nord) ; mort le 10 novembre 1959 à Lyon (Rhône). Ouvrier mineur ; secrétaire général du syndicat CGTU des mineurs du bassin d’Anzin ; maire communiste d’Onnaing, conseiller d’arrondissement, député du Nord.

Lucien Raux descendit comme galibot à la fosse Lagrange dès l’âge de douze ans et demi et y travailla pendant neuf ans, tout en parvenant à étudier la comptabilité aux cours du soir et obtenant finalement, un certificat de « teneur de livres ». Membre du Parti communiste dès sa création, il fut l’un des premiers éditorialistes du Prolétaire avant sa transformation en l’Enchaîné du Nord. Secrétaire de la section, puis cellule locale d’Onnaing pendant plusieurs années, il fut également secrétaire du sous-rayon communiste centré sur cette ville au début des années trente ; ce sous-rayon était rattaché au rayon de Valenciennes. Voir Cher Edmond*.

Lucien Raux fut le véritable leader des mineurs unitaires du Valenciennois, de la scission à la réunification de la CGT. En 1922, il fonda la section CGTU des mineurs de Fresnes-Trieux-Escampont dont il fut secrétaire jusqu’à la fusion de 1935. Lors du congrès constitutif du syndicat unitaire des mineurs du bassin d’Anzin en 1923, il fut nommé trésorier adjoint aux côtés de Delfosse et Dupilet et, après le départ de ces derniers pour Paris en 1924, il accéda aux fonctions de secrétaire général du syndicat, fonctions qu’il conserva jusqu’en 1932. Un Raux suivit les cours de l’École léniniste de Bobigny en 1924, selon Albert Vassart* ; s’agit-il de Lucien Raux ?

Élu délégué mineur suppléant de la fosse Bleuse-Borne en 1926, puis titulaire en 1929, il s’attacha particulièrement à développer le thème de la lutte contre la rationalisation. Son action syndicale l’amena à plusieurs reprises devant les tribunaux : condamné en 1925 à trois mois de prison et 300 francs d’amende par le tribunal d’Avesnes (Nord) pour avoir distribué des tracts contre la guerre du Maroc, il se vit infliger six mois de prison et 1 000 F d’amende pour « entraves à la liberté du travail » à l’issue de la grève du 1er août 1929. La peine fut cependant ramenée à trois mois et 50 F, en appel. Licencié après ce jugement, révoqué de son poste de délégué-mineur, il fut facilement réélu et obtint sa réintégration au bout de quelques jours. Mais une violente altercation avec un garde de fosse lui coûta quinze nouvelles journées de prison et 25 F d’amende.

Élu délégué de la fosse Cuvinot en 1932, il subit un nouveau licenciement à la fin de cette même année et, se trouvant dans l’incapacité d’obtenir un emploi aux mines du fait des consignes des compagnies, dut se résoudre à abandonner son travail de mineur et devint marchand des quatre saisons. Il quitta son poste à la direction du syndicat d’Anzin pour se consacrer essentiellement à l’action politique ; lors de la réunification syndicale de 1935, il se contenta du secrétariat de la section de la fosse Cuvinot.

Dès 1921, Lucien Raux avait été considéré comme l’un des grands « espoirs » de la Fédération communiste du Nord et, en 1924, il fut l’un des candidats malheureux de la liste du Bloc ouvrier et paysan présentée aux législatives dans le département du Nord où il recueillit 64 888 voix sur 507 546 inscrits. Si sa candidature ne fut pas retenue en 1928, il fut par contre choisi pour défendre les couleurs du PC aux législatives de 1932 dans la 1re circonscription de Valenciennes mais, il subit un nouvel échec, recueillant 4 899 voix au 1er tour puis 4 142 au second sur 21 212 inscrits. Il faisait alors figure de militant discipliné, appliquant à la lettre les directives de la direction nationale ainsi qu’il l’avait déjà démontré en 1929 lorsqu’il avait été chargé d’éliminer le « doriotiste » Hurez du secrétariat des Métaux de Valenciennes-Maubeuge. L’abandon de la tactique « classe contre classe » par le PC, jointe à la forte popularité personnelle de Raux lui permirent de réaliser une spectaculaire percée électorale dans le difficile contexte de la crise économique.

Déjà maire d’Onnaing depuis 1929, il entra au conseil d’arrondissement du canton de Valenciennes et, en 1934 et 1936, il enleva le siège de la 1re circonscription de Valenciennes. Il avait devancé au 1er tour le député socialiste sortant, Pierre Delcourt*, de huit voix seulement, mais ce dernier s’était désisté en sa faveur pour le second tour, en application des accords de Front populaire et Raux l’emporta finalement avec 10 291 voix contre 6 915, au conservateur Coquelet. À l’Assemblée nationale, Lucien Raux siégea à la commission des Douanes et des conventions commerciales, à la commission de l’Administration générale, départementale et communale et à celle des Mines et de la Force motrice ; il déposa plusieurs propositions de loi en faveur du personnel municipal et des mineurs.

L’année 1939 marqua une brutale rupture dans la vie de Lucien Raux. Dès les premiers mois de l’année, il fut l’objet d’une violente campagne émanant de la tendance « Syndicats » de la CGT qui l’accusa de cumuler les fonctions politiques dans un but lucratif et de ne pas assurer son travail de délégué à la sécurité. Mais, ce fut en août que se produisit ce qui allait être pour lui un véritable drame. Dès l’annonce de la signature du Pacte germano-soviétique, il se désolidarisait du PC en compagnie de Sulpice Dewez* (voir ce nom) et en était exclu quelques jours plus tard. Le 11 décembre 1939, Raux figurait parmi les fondateurs de l’Union populaire française qui regroupait les députés communistes en rupture avec leur parti ; cette orientation lui évita la déchéance de son mandat lors du vote du 20 février 1940 et, le 10 juillet 1940, il se prononça en faveur de l’attribution des pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Rallié au régime de Vichy, il donna son approbation à la Deuxième lettre ouverte aux ouvriers communistes au nom du comité central du Parti ouvrier et paysan français. Voir Gitton Marcel*.

Réfugié dans le Sud à la Libération, Lucien Raux revint dans le Valenciennois en 1945 pour tenter de s’expliquer sur son attitude. Menacé d’une exécution sommaire, il quitta définitivement la région pour Lyon où il mourut en 1959.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article128189, notice RAUX Lucien par Yves Le Maner, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 30 novembre 2010.

Par Yves Le Maner

SOURCES : Arch. Nat. F7/13117. — Arch. Dép. Nord, M 35/8, M 37/76 (photographie de 1924), M 37/90 B, M 37/94, M 154/191, M 154/195 et M 595/69. — M. Iéria, MM, Lille III, 1974, op. cit. — J. Jolly, Dict. parl., op. cit. — Mémoires inédites d’Albert Vassart*.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable