REBEYROL Raoul [REBEYROL Auguste, Raoul]

Par Jean Gaumont, Claude Pennetier, François Ferrette

Né le 8 avril 1870 à Sainte-Bazeille (Lot-et-Garonne), mort le 2 février 1945 à Sainte-Bazeille ; instituteur, puis avocat ; syndicaliste ; socialiste puis communiste ; coopérateur.

Raoul Rebeyrol fut nommé instituteur adjoint à Bourg, puis Le Bouscat et enfin à Bordeaux en 1893. Il avait obtenu une Licence de Droit juste avant la Grande Guerre et sa femme dirigeait l’école maternelle de Talence. Militant socialiste et syndicaliste, membre de la coopérative des Familles, de Bordeaux, partisan de l’unité coopérative en 1912, il fut l’un des fondateurs et l’un des administrateurs de l’Union coopérative du Sud-Ouest en septembre 1912. Il dirigeait la Revue du Sud-Ouest, organe régional de la Fédération des amicales d’instituteurs du Sud-Ouest. Il fut élu au conseil d’administration de la Fédération nationale au titre du secrétariat de la fédération régionale du Sud-Ouest. Il démissionna en février 1922.

Avant-guerre, Rebeyrol était socialiste et secrétaire départemental du syndicat des instituteurs de la Gironde.

Il fut mobilisé peu après le début de la Première Guerre mondiale. Rallié à l’Union sacrée, il évolua du soutien à la condamnation. En octobre 1916, partisan de la majorité jusqu’au-boutistes, Rebeyrol fit une conférence pour démontrer l’erreur de la minorité qui demandait l’arrêt des combats et il félicitait l’action d’Albert Thomas au service des munitions. En 1917, alors qu’il était caporal fourier (grade militaire attribué au chargé de l’intendance), il se rallia aux pacifistes. Ainsi, le 7 février 1917, il tenait alors une position intermédiaire, à la fois pour une paix immédiate et pour l’écrasement des Alliés de l’Allemagne, ce pays qu’il considérait comme trop puissant pour être battu. Il condamnait la note du président des États-Unis parue en décembre 1916 sur les buts de guerre et Rebeyrol plaidait pour la réunion de l’Internationale afin, avec l’appui des pays neutres, de préparer la paix. Enfin, il accusait la direction socialiste de n’avoir rien tenté pour faire cesser la guerre. Rebeyrol détenait un indéniable poids dans la fédération et son ralliement au pacifisme modifia les rapports de force interne à la fédération de la Gironde. Elle fut en proie à de grands conflits et Arthur Gibaud en réponse aux propos de Rebeyrol demandera l’exclusion des kienthaliens du parti. Cela dut radicaliser encore plus Rebeyrol qui fit quelques mois plus tard une conférence le 16 mai 1917 devant une soixantaine de socialistes de la section de Bordeaux où il défendit notamment la révolution russe et fit le procès du gouvernement et des socialistes majoritaires « à qui incombaient la responsabilité de cette affreuse boucherie ; les poilus du front en ont assez ». Il réclamait une paix sans annexion ni indemnité. Il critiquait l’intervention possible des États-Unis qui n’aurait comme conséquence que de prolonger la guerre. Rebeyrol préconisait la révolution comme moyen rapide de la faire cesser. Il n’aura de cesse de dénoncer la classe capitaliste comme responsable de la guerre et d’en exiger l’affranchissement pour la classe ouvrière.

Ancien conseiller municipal du Bouscat, il fut candidat socialiste SFIO aux élections législatives de 1919 en Gironde : il recueillit 24 192 voix sur 235 247 inscrits. En juin 1920, R. Rebeyrol fut élu secrétaire de la Fédération de la Gironde du Parti socialiste SFIO. Devenu directeur d’école, il appartenait en 1921 au groupe « Clarté » local. Élu au conseil d’administration de la Fédération nationale coopérative, il démissionna en février 1922.

La situation ne cessa d’être confuse au sein de la fédération socialiste de Gironde. Si la tendance « socialiste de guerre » était majoritaire, elle perdit du terrain. Au congrès d’avril 1919, Rebeyrol appella à voter pour la motion Loriot qui était celle du CRRI.

Au congrès fédéral du 31 août 1919, Rebeyrol était favorable à la coalition avec les partis bourgeois. Il était écartelé entre les anciennes pratiques, sous la pression des amis de Marquet, et ses amis pacifistes qui avaient pris la voie de l’adhésion à la Troisième Internationale. Malgré leur importance nationale, les longuettistes n’eurent pas d’espace politique pour se développer, l’opposition se limitant à une confrontation entre les thèses du CRRI et des jusqu’au-boutistes. Mais les ex-socialistes de guerre, habiles tacticiens, reprirent les thèses longuettistes en 1920 pour la Reconstruction de l’Internationale tout en lui apportant des amendements.

C’est alors que le courant pacifiste-révolutionnaire se scinda en deux avec une politique particulière de Rebeyrol qui déposa une motion lors du congrès fédéral des 14-15 février 1920. Celle-ci ne refusait pas l’adhésion à la 3e Internationale mais donnait jusqu’au 1er juin 1920 pour parvenir à unifier les partis sortis de la 2e et ceux déjà adhérents à la 3e. Ce délai passé, le parti français adhérerait à la 3e Internationale, l’objectif étant d’unir les gauches de la SFIO.

Gaye continua d’appeler à voter pour la motion Loriot comme il l’avait fait avec Rebeyrol dix mois plus tôt au congrès précédent. Marquet, ex-socialiste de guerre, défendit alors la motion de la Reconstruction de l’Internationale (longuettiste) dont il apporta un amendement et obtint 94 mandats alors que la motion Loriot en eut 52 et la motion Rebeyrol en regroupa 81. Les « rebeyroliens » étaient coincés entre une aile droite qui inclinait vers une synthèse avec les longuettistes et le Comité de la 3e Internationale incarné par Gaye. Fondamentalement, Marquet restait extrêmement modéré et ce n’était que tactique de sa part de chercher à se lier aux longuettistes. Rebeyrol était hésitant entre son attrait pour la 3e Internationale et ses anciennes amitiés qui le maintenaient aussi dans un certain respect de la politique antérieure. Ces nuances et ces confusions allaient se clarifier par la suite.

Le 17 février 1920, la commission administrative élut Graëlls secrétaire adjoint de la fédération avec Camescasse ; Rebeyrol devint secrétaire général après la démission du bureau fédéral de l’ex-majorité. Si le bureau fédéral reflétait la majorité forgée entre Rebeyrol et Gaye, le conseil fédéral restait proche de Marquet. Face à cette contradiction intenable, au conseil fédéral du 20 juin, Rebeyrol annonça sa démission du poste de secrétaire général ainsi que celles de Graëels et Camescasse. Cayrel, ex-socialiste de guerre, proposa au nom de ses amis de la droite le bureau suivant : Marquet, secrétaire général, secrétaire adjoint Laporte, trésorier, Larroque, trésorier à l’emprunt Pinèdre. Cette proposition fut adoptée par 21 voix contre 11 et 2 abstentions. Marquet lut une déclaration politique qui entérina la défaite des révolutionnaires à la direction de la fédération.

La situation bascula dans le dernier semestre 1920. Si on ne sait pas à quel moment exact Rebeyrol emboita définitivement le pas au Comité de la 3e Internationale, il n’en demeura pas moins un partisan de l’adhésion à l’Internationale communiste depuis longtemps. Il fallut attendre le 2 décembre 1920 pour que Gaye anime une réunion en vue de constituer un comité local de la 3e Internationale à Bordeaux. Une centaine de participants préparèrent le congrès de Tours en organisant notamment un meeting avec Cachin. Graells, secrétaire de séance, informa qu’il avait été sollicité pour venir à Bordeaux et il lui sera demandé de rester pour le congrès fédéral. Rebeyrol fut désigné comme président du meeting et Graells en était le secrétaire.

Dès le lendemain du congrès de Tours, inscrit au Carnet B comme individu dangereux, Rebeyrol milita aussitôt au Parti communiste dans la ville de Talence. En 1922 il devint avocat et s’inscrivit au Barreau pour défendre les communistes poursuivis par la Justice. Il fut membre de la Ligue des droits de l’Homme. La même année, Rebeyrol défendit le front unique, tactique alors rejetée majoritairement par la direction du PC. En février 1924, à Bordeaux, il fit l’éloge de Lénine qui venait de mourir le 21 janvier.

Ses relations avec le Parti communiste furent compliquées au point où, en 1925, il ne reprit pas sa carte. Malgré cela, et à cause de sa notoriété, une délégation de la fédération de Gironde essaya de le convaincre, en vain, de se présenter aux élections municipales. Il restait proche des organisations communistes. En 1926, il était un des avocats du Secours rouge international. Lors des élections, il critiquait la tactique électorale consistant à présenter des candidats inconnus sur des listes homogènes socialement mais incapables de capter les voix au-delà des rangs des sympathisants communistes. Il semble qu’il ait convaincu des dirigeants nationaux du parti qui lui confièrent la charge d’étudier les modalités de la campagne en Gironde, ce qui signifie par ailleurs qu’il était membre du Parti communiste en 1926.

En 1929, il envoya une lettre de démission du Parti communiste pour un différend qui l’opposait avec la Fédération des locataires. En tant que propriétaire de logements, des locataires l’avaient trainé devant les tribunaux. La police signalait qu’il avait été exclu du Parti communiste sans en déterminer la date. Mais Rebeyrol, toujours selon la police, était disposé à revenir au Parti communiste en 1932 bien qu’il ait demandé à intégrer la SFIO qui lui essuya un refus.

En 1933, il retourna dans la commune de son enfance à Sainte-Bazeille et se fit inscrire au barreau d’Agen. En 1935, Raoul Rebeyrol exerça comme avocat à Marmande (Lot-et-Garonne). Il dirigeait la cellule communiste de Sainte-Bazeille où il mourut le 2 février 1945.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article128314, notice REBEYROL Raoul [REBEYROL Auguste, Raoul] par Jean Gaumont, Claude Pennetier, François Ferrette, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 28 février 2022.

Par Jean Gaumont, Claude Pennetier, François Ferrette

ŒUVRE : Brochure « Faites haïr la haine », discours prononcés par Anatole France et Rebeyrol au congrès de la fédération des syndicats des membres de l’enseignement laïque (8 août 1919).

SOURCES : Arch. Nat., 19940472/65 (dossier 5730). — Arch. Dép. Lot-et-Garonne, Cabinet du Préfet, n° 8. — Arch. J. Gaumont. — Hubert Rouger in Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative de l’Internationale ouvrière, éditions Aristide Quillet, Paris, 1913 et 1921. — Note de Louis Botella. — Le Cri populaire.

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