Par Pierre Lévêque, Jean Belin
Né le 21 novembre 1896 à Saussey (Côte-d’Or), mort le 21 août 1942 à Auschwitz (Allemagne) en déportation ; fonctionnaire des finances ; syndicaliste CGT et militant communiste de Côte-d’Or ; résistant.
Fils de Jacques Repiquet, cultivateur maréchal-ferrant socialiste et de Marie Bussière, une catholique pratiquante, Ernest Repiquet fut le dernier d’une fratrie de quatre enfants. Il poursuivit ses études jusqu’à l’âge de dix-sept ans. Lors du conseil de révision, Ernest Repiquet habita Saussey (Côte-d’Or) et exerça le métier de cultivateur. Il fut incorporé par anticipation le 12 avril 1915 au 56e Régiment d’Infanterie. Il passa ensuite dans deux régiments engagés sur la ligne de front : les 29e et 157e Régiments d’Infanterie. Il fut blessé par balle à l’œil droit le 28 août 1916 et perdit la vision, lors des combats dans la tranchée d’Ailly pour le ravin du bois Mullot (dans la forêt d’Apremont, secteur de Saint-Mihiel), ce qui l’empêcha d’aller à l’école des Beaux-Arts comme il en avait eu l’intention. Il reçut la Médaille militaire et la Croix de guerre avec palme.
Ernest Repiquet se maria le 29 février 1920 à l’Abergement-Saint-Jean (Jura), avec Léa, Marie, Louise Rabut, sans profession avec laquelle il eut trois enfants, Jacques, Jacqueline et Huguette. Par décrets des 20 octobre 1920 et 6 janvier 1921, Ernest Repiquet fut admis à un emploi réservé aux mutilés de guerre, comme préposé de 3e classe, aux contributions indirectes. Il s’engagea à la CGT et fut membre du bureau du syndicat des contributions indirectes jusqu’à la déclaration de guerre.
En 1923, il adhéra au Parti communiste et milita à Dijon (Côte-d’Or) où il rédigea des articles pour l’hebdomadaire Le Travailleur de l’Yonne—Côte-d’Or—Hte-Marne, hebdomadaire du Bloc ouvrier et paysan (PC). Il fut secrétaire de rayon, membre du comité de quartier à Chenôve (Côte-d’Or) et trésorier de la Fédération de Côte-d’Or. Participant aux grèves de juin juillet 1936 et aux manifestations, il fut membre du Secours rouge en 1936 et organisa des soupes populaires. Il s’occupa aussi de l’accueil et de l’hébergement des réfugiés espagnols dans Dijon et le département. En 1939, après l’interdiction du Parti communiste, il fut présent avec Marcel Caignol dans les locaux de la Jeunesse communiste lors d’une perquisition. Il rompit avec le Parti communiste en 1939, mais participa à sa reconstitution en octobre 1940 et à la Résistance à partir d’avril 1941. Contrôleur principal des Contributions Indirectes avant la guerre, il fut arrêté à son logement de fonction de Saint-Seine-l’Abbaye (Côte-d’Or) en tant que communiste le 21 juin 1941. Sa fille Jacqueline fut présente. Elle se souvient que des soldats allemands sont venus arrêter son père, qu’ils lui ont ordonné de faire une valise et l’ont emmené.
Interné au camp allemand (Frontstalag 122) de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht avec Gabriel Lejard, Jean Bouscand, Paul Leblanc et d’autres militants de la CGT et du PCF jusqu’au 4 juillet 1942. Ernest Repiquet reçut dans ce camp le matricule "1108". Selon Gabriel Lejard, il y aurait été surnommé « Le Percepteur ». Il fut déporté ensuite à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 ». Ce convoi d’otages composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes, responsables politiques du parti et syndicalistes de la CGT et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Ernest Repiquet fut enregistré à son arrivée au camp d’Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro "46051". Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz. Elle a été identifiée par Gabriel Lejard, lors d’une séance d’identification à la FNDIRP.
Après l’enregistrement, il passa la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous furent conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il fut interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers furent sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi). Les autres, restèrent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. Ernest Repiquet fut désigné pour des kommandos de terrassement extrêmement durs. Rapidement épuisé, il mourut le 21 août 1942. Domicilié pendant la guerre au 5 rue Nicéphore Niepce à Dijon.
Son engagement dans la Résistance fut reconnu après guerre, comme en témoigna cette citation pour l’attribution à titre posthume de la Croix de guerre avec étoile de vermeil : "Dès l’Occupation a lutté de toutes ses forces et de tous ses moyens contre l’ennemi. Propagande anti-allemande, aide aux prisonniers et aux patriotes pourchassés par l’ennemi. A organisé des groupes, qui par la suite sont devenus des groupes de combat" (document ministériel, 5 septembre 1950)
Sur proposition du gouvernement provisoire (le 15 décembre 1945), il reçut, à titre posthume la Médaille de la Résistance (24 avril 1946) et la Légion d’honneur. Il fut élevé au grade de lieutenant au titre de la Résistance Intérieure Française (le 28 août 1947". Il fut déclaré "Mort pour la France", et fut homologué comme Déporté politique le 19 juillet 1954.
Le nom d’Ernest Repiquet est inscrit sur le monument aux morts de Saint-Seine-l’Abbaye et sur une stèle pas très loin de son domicile dijonnais.
Par Pierre Lévêque, Jean Belin
SOURCES : Arch. Secrétariat Ministère des Anciens combattants. — Rens. de sa veuve et ses deux filles. — RGASPI, dossier du Komintern au nom de Ernest Repiquet (495 270 4226). — Résistance en Côte-d’Or, Gilles Hennequin, tome 1 et 4, éditions de 1985 et 1997. — Collection mémoire vive, convoi des 45 000, témoignage de Gabriel Lejard*. — Arch. Dép. de Côte-d’Or, état civil, fiche de recrutement militaire. — Les communistes dans la Résistance en Côte-d’Or, édition de 1996. — Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, Claudine Cardon-Hamet, édition de 2005. — Arch. fonds de Marcel Caignol*. — Le Travailleur, édition de 1931 à 1938. — Témoignage de sa fille Jacqueline en mars 2019.