Né à Tours (Indre-et-Loire) le 8 décembre 1846, mort à Auxerre (Yonne) le 30 mars 1925 ; publiciste. Albert Richard appartint, dès 1865, à l’Internationale.
Fils d’Honoré Richard et de Marie de Sachet, Albert Richard fit ses études chez les Frères de la Doctrine chrétienne, rue Prouteau, et à l’École de La Martinière à Lyon où son père s’était installé en 1850, quai de Serin.
Albert Richard commença à militer aux côtés de son père, Honoré Richard. Vers 1867, il était secrétaire du groupe lyonnais de l’AIT dit groupe du quai de Serin (siège, 4 quai de Serin) dont son père était président et Garin trésorier et qui comptait 21 à 24 membres parmi lesquels Gleppe et Streen. Avec André Blanc, Jean-Baptiste Doublé, Louis Faure, Louis Palix et Adrien Schettel, il fit partie de la Commission exécutive de la première section lyonnaise de l’Internationale 1866-1868 (Testut, Arch. PPo., B a/439 et L’Internationale, p. 167). Il demeura le principal dirigeant de l’Internationale à Lyon jusqu’à la Commune. Le Conseil général, à l’unanimité, lui donna pleins pouvoirs le 27 juillet 1869 (Cf. Arch. Mun. Lyon I 2/55, pièce 133).
Le préfet de Lyon le jugeait ainsi en 1869 : « Un jeune homme de vingt-trois ans, très intelligent, très socialiste » (Arch. Mun. Lyon I 2/55, pièce 31). Et le journal conservateur lyonnais Le Salut public écrivait à son sujet le 18 mars 1870 : « [il] n’est pas le premier venu, ni comme orateur, ni comme théoricien. M. A. Richard trouve l’expression juste, son langage est élégant, correct, parlementaire [...] Ses théories ne sont pas de la rengaine, elles procèdent de l’étude, d’une étude mal dirigée, peut-être, à laquelle nous n’envions rien, mais enfin, M. Richard a lu, il a appris, il sait... ».
En 1868, Albert Richard écrivit dans Démocratie, mais il cessa sa collaboration à la suite des différends intervenus après le IIIe congrès de l’Internationale tenu à Bruxelles où il représenta les sections de Lyon (avec Jean Aimé Grinand) et de Neuville sur-Saône. Il y lut les conclusions de la commission chargée d’étudier la question du crédit mutuel entre travailleurs, mais son rôle, si l’on en juge par le compte rendu des débats du congrès, demeura assez modeste. Peu après, au congrès de Berne de la Ligue de la Paix et de la Liberté (25 septembre), il appartint à la minorité qui fit sécession et il contribua à la création de l’Alliance internationale de la Démocratie socialiste qui se donna un règlement par lequel elle se constituait en une branche de l’AIT. Selon Nettlau (Michael Bakunin. Eine Biographie, 3 vol. autographiés), il apparaît comme membre fondateur, ainsi que Virginie Barbet, mais à la date du 24 juin 1869.
Lors de la grève des ouvriers puddleurs et chauffeurs de la fabrique de fer de la Société Cockerill à Seraing (Belgique), une intervention de la troupe, 9-12 avril 1869, entraîna des scènes d’émeute. Albert Richard fut un des onze délégués de la section lyonnaise de l’AIT signataires d’une adresse de solidarité aux membres du Conseil général des sections belges de l’Internationale. Cette adresse soulignait qu’il n’y aurait « pas de liberté, pas de fraternité, pas de paix possibles sans l’extirpation des racines mêmes du mal social, sans l’établissement de la solidarité humaine dans l’égalité économique » (Adresse publiée dans l’Internationale du 2 mai 1869 et dans Testut, L’Internationale, p. 239-240). Voir Honoré Richard.
Il prit position en faveur de l’abstention lors des élections législatives des 23 et 24 mai 1869, entraînant ses amis de l’AIT lyonnaise.
Le 6 juillet 1869, Albert Richard fut chargé de transmettre l’adhésion à l’Internationale de la Commission des ovalistes de Lyon et des 8 000 membres de la corporation alors en grève (cf. L’Internationale, 11 juillet). Puis, en septembre, il assista au 4e congrès de l’Internationale tenu à Bâle, deuxième congrès auquel il participait en tant que délégué. Représentant les corporations des ovalistes et des passementiers, il lut le rapport élaboré par André Bastelica pour Marseille, puis exposa la situation dans sa région : « Lyon compte maintenant, affirma-t-il, dix mille adhérents de l’Internationale » (Compte rendu du IVe Congrès international tenu à Bâle en septembre 1869). Au cours de ce congrès, il s’affirma pour la propriété collective du sol ; membre de la Commission chargée d’étudier la question de l’héritage, il se prononça pour l’abolition, alors qu’une proposition du Conseil général rédigée par Karl Marx demandait seulement une limitation du droit d’ester.
À son retour du congrès de Bâle, Albert Richard fonda une section de l’Internationale à Saint-Étienne (Loire). Mais c’est à ce moment aussi que, en butte à des calomnies, il songea à émigrer en Argentine avec son ami, le dirigeant marseillais de l’AIT André Bastelica, et leurs projets furent poussés assez loin pour les occuper jusqu’en janvier 1870 (Cf. Arch. Mun. Lyon I 2/56 pièce 178, lettre de Bastelica à A. Richard, 8 novembre 1869).
En décembre 1870, à Lyon, Albert Richard reçut la visite de James Guillaume qui lui remit un vocabulaire chiffré élaboré par Michel Bakounine en vue d’assurer le secret de sa correspondance avec ses amis. C’est ce vocabulaire qui fut saisi chez Albert Richard lorsque des perquisitions eurent lieu fin avril-début mai 1870 quelques jours avant le plébiscite, et qu’on arrêta, dans toute la France, les principaux dirigeants de l’Internationale inculpés de complot et de société secrète. Au cours du 3e procès de l’Internationale, en juin, l’avocat impérial ne se fit pas faute d’utiliser cette découverte afin de prouver le caractère secret de l’association. En réalité, le vocabulaire n’avait jamais été employé — ou fort peu — ainsi que l’explique Paul Robin, un des prévenus, membre du cercle des intimes de Bakounine — qui ne l’avait même pas tout copié.
Albert Richard cependant avait été l’objet de plaintes et d’accusations auprès du Conseil général de la part de dissidents de l’Internationale, parmi lesquels Adrien Schettel. Deux jurys d’honneur furent constitués en 1867 et 1869. Le Conseil général se prononça à son tour le 8 mars 1870 et, blâmant Schettel, maintint Richard dans ses fonctions de secrétaire-correspondant de l’AIT (L’Internationale, 27 mars 1870). Dans une lettre qui servit d’attestation, Eugène Dupont affirmait qu’une franche cordialité présida à leurs rapports lors de leur rencontre au congrès de Bruxelles en 1868 (Arch. Mun. Lyon, I 2/56 B, n° 208).
La plupart des sections lyonnaises ayant disparu au cours des années 1868 et 1869, les militants songèrent à réorganiser l’Internationale, et Albert Richard fit partie de la Commission d’initiative constituée à cet effet. Le 25 janvier 1870, il fut désigné avec Gaspard Blanc, Guilaume Chol, Louis Palix et Balthazar Placet pour s’occuper des questions de rédaction et de correspondance. Tous les membres de la Commission d’initiative étaient révocables et rééligibles, mais Albert Richard ainsi que Gaspard Blanc, Victor Bourseau, Guillaume Chol et Louis Martin furent déclarés inamovibles « jusqu’à une décision spéciale et non prévue de la section ».
Le 13 mars, Albert Richard fut nommé membre de la Commission fédérale de quinze militants qui succéda à la Commission d’initiative. Voir Léo Busque. Il était prévu que cette Commission fédérale serait renouvelée annuellement en assemblée générale ; deux délégués par corporation adhérente devaient être adjoints aux quinze membres élus (L’Internationale, 23 et 30 janvier, 27 mars 1870 ; Testut, L’Internationale, p. 170 à 172).
Arrêté le 30 avril 1870, Albert Richard fut relâché peu après, mais, poursuivi, il se réfugia quelques jours à Neuchâtel (Suisse). Bientôt cependant il revint à Lyon, rappelé par ses amis qui souhaitaient le voir comparaître à l’audience du 8 août à laquelle il était convoqué. Mais l’affaire fut renvoyée, non rappelée, et l’amnistie du 4 septembre mit un point final à ces poursuites.
Quel rôle joua-t-il au cours des insurrections lyonnaises de 1870-1871 ? Le 8 septembre, au cours d’une réunion, il fit nommer dix commissaires, dont lui-même, intermédiaires du peuple lyonnais auprès du Comité de Salut public au pouvoir depuis le 4 septembre et composé d’Internationaux, mais aussi de simples républicains. Le 9, il se rendit en délégation à Paris avec Victor Jaclard et Andrieux pour discuter de la levée en masse, avec le gouvernement de la Défense nationale, au nom du peuple lyonnais. Jaclard demeura à Paris où il exerça les fonctions d’adjoint au maire du XVIIIe arr., Andrieux fut nommé procureur de la République à Lyon et Albert Richard revint le 17 en compagnie de Gustave Cluseret. Le 15 septembre, le Comité de Salut public ayant été remplacé par un Conseil municipal élu composé de républicains bourgeois, les révolutionnaires s’agitèrent ; le 17 septembre, ils créaient le comité central de Salut de la France ; Albert Richard en fit partie et fut, le 25 septembre, parmi les signataires de l’Affiche rouge, émanation de ce Comité, qui proposait dans son article Ier l’abolition de « la machine administrative et gouvernementale de l’État » et dans ses articles V et suivants l’instauration de Comités révolutionnaires « qui exerceront tous les pouvoirs sous le contrôle immédiat du peuple » (James Guillaume, L’Internationale, t. II, p. 94-95). Le 28, l’insurrection éclatait et triomphait, mais Richard conseilla de se retirer devant le Conseil municipal élu. « La couardise de l’attitude de Richard, écrira Bakounine, a été une des causes principales de l’échec du mouvement lyonnais du 28 septembre » (lettre à la Tagwacht de Zurich, 14 février 1872, citée par J. Guillaume, L’Internationale, t. II, p. 99). Albert Richard, caché hors de Lyon, fit paraître en décembre 1870 une brochure intitulée Aux Français : simples appréciations d’un révolutionnaire. Il y prônait, dans la France envahie, la guerre au corps à corps « conforme à notre tempérament et à notre caractère » et, ultérieurement, une République latine avec la France, la Belgique, la Suisse romande, l’Espagne, le Portugal et l’Italie dont la capitale serait Marseille.
Le 21 février 1871, Albert Richard était condamné par défaut, par le tribunal correctionnel, pour refus de service dans la Garde nationale mobilisée et il fut absent, du moins à un poste dirigeant, aux insurrections lyonnaises des 22-23 mars et 30 avril-1er mai 1871. « Nous le regardions déjà comme suspect », écrira James Guillaume (L’Internationale, t. II, p. 139, n. 3). Non sans raison, puisque les archives nous apprennent que Richard entretenait alors une correspondance avec le procureur général Andrieux (Arch. Mun. I 2 56 B, pièce 259) et qu’il écrivait au garde des Sceaux Dufaure pour l’assurer qu’il n’était pas « une machine à révolution, mais un homme de cœur qui a fait ses preuves et qu’en cette qualité [il] est maintenant accablé de tristesse et de découragement ». Et il demandait qu’on lui accordât un consulat en Orient, en arguant de « ses études économiques, sa connaissance de l’industrie sericole, son aptitude pour la langue arabe qu’il a commencé d’apprendre, d’un goût particulier pour l’Orient » (Arch. Dép. Rhône, notice individuelle).
Après l’échec de la dernière insurrection, Albert Richard fit encore partie d’un comité central républicain socialiste de la France méridionale, puis à partir de fin mai, il disparut.
Par contumace, le 1er conseil de guerre le condamna, le 13 août 1871, à la déportation dans une enceinte fortifiée ; il dut attendre le 30 mai 1880 pour bénéficier de la remise de sa peine (Arch. Nat., BB 24/870, n° 5835).
Albert Richard s’exila en Angleterre et là, Gustave Blanc et lui eurent « l’idée la plus folle et la plus monstrueuse, la plus bête et la plus scélérate » (J. Guillaume, L’Internationale, t. II, p. 256), celle d’offrir leurs services à Napoléon III installé à Chislehurst, et de lui proposer de le ramener en France comme empereur des ouvriers et des paysans. Après une visite au souverain déchu qui leur remit quelque argent pour publier une brochure, ils se rendirent à Bruxelles où ils firent imprimer l’Empire et la France nouvelle. Appel du peuple et de la jeunesse à la conscience française, janvier 1872. Ils déclaraient que « l’Empire, c’est la Révolution sous sa seule forme possible et durable », et que « la solidarité économique entre tous les producteurs, capitalistes et travailleurs, autant que la solidarité politique entre tous les citoyens, voilà le principe que nous avons montré comme devant être celui qui présidera au mouvement de la nouvelle société française ».
Karl Marx ne se priva pas (cf. lettre à Bolte du 23 novembre 1871 dans Correspondance F. Engels-K. Marx et divers publiée par F.-A. Sorge, t. I), de dénoncer ces bakouninistes, « agents bonapartistes payés ». Ils furent d’ailleurs reniés par leurs anciens camarades ; et le Bulletin de la Fédération jurassienne, n° 1, 15 février 1872, les dénonça dans un article intitulé « Deux traîtres ».
L’année suivante, à Milan, Albert Richard lançait un nouveau manifeste bonapartiste au nom d’une soi-disant « Union française des Amis de la paix sociale » (cf. lettre de J.-P. Becker à Sorge, 21 août 1873, dans Correspondance F. Engels-K. Marx et divers publiée par F.-A. Sorge, t. I).
Albert Richard, cependant, devait revenir à ses conceptions d’antan ; après son retour en France, il collabora à nouveau au mouvement socialiste. « Son erreur fut sincère », estime Albert Thomas (Le Second Empire 1852-1870, t. X de l’Histoire socialiste 1789-1900 publiée sous la direction de Jean Jaurès, p. 337), qui le définit comme « idéaliste ardent et convaincu, peu pratique, esprit cultivé et un peu confus », et écrit à son sujet :
« L’étude détaillée de ses théories et en particulier de sa conception d’un mouvement ouvrier isolé de la politique, dont il discutait avec les amis de Paris ou avec Bastelica, le militant de Marseille, et aussi l’analyse de la psychologie spéciale au milieu ouvrier lyonnais et des sentiments que provoquait l’hostilité constante et sans scrupules de la bourgeoisie lyonnaise, permettent d’expliquer sinon de justifier sa passagère erreur » (loc. cit., p. 337).
James Guillaume, qui le connaissait depuis septembre 1867, le jugea beaucoup plus sévèrement, sans doute parce qu’Albert Richard professait l’idéologie « antiautoritaire » de Bakounine et de ses amis — J. Guillaume était du nombre — et que son ralliement au bonapartisme fut, de ce fait, plus durement ressenti. Il écrivit (L’Internationale, t. II, p. 68), à propos de la connaissance qu’il eut de Richard lors du séjour que celui-ci fit à Neuchâtel, fin juillet ou début août 1870 : « Mon impression défavorable s’était encore accrue : j’avais pu constater en lui, jointes à une profonde ignorance, une présomption enfantine et une préoccupation exclusive de sa personne et du rôle « historique » qu’il se croyait appelé à jouer ».
Les deux jugements ci-dessus, considérés d’un point de vue général, ne sont pas inconciliables et contribuent à expliquer la personnalité d’Albert Richard. (Voir également, à ce sujet, la réponse du procureur de la République Andrieux, 19 juin 1871, à une lettre que lui avait écrite ce militant, et le jugement sévère porté sur A. Richard par Jacques Rougerie (La Première Internationale à Lyon, 1865-1870, in Annali, 1962).
C’est à Tours, son pays natal, qu’Albert Richard reprit contact avec la vie politique française. Le 21 août 1881, il fut candidat à une élection législative dans la 1re circonscription de Tours et il réunit 2 687 voix sur 18 366 votants. Il se fit connaître en donnant de nombreuses conférences, en particulier à la Libre Pensée, et en écrivant des articles dans Tours-Journal. L’une de ces conférences, La politique socialiste et le devoir actuel de la République, prononcée le 20 novembre 1881 et éditée en brochure, fait à la fois la preuve de son ardent féminisme et de son hostilité croissante à toute tactique révolutionnaire, encore que, écrira-t-il, « les socialistes révolutionnaires aient toutes mes sympathies ».
Le 12 août 1883, il était candidat au conseil général pour le siège de Tours-centre. Ses rivaux républicains passèrent alors à l’offensive et révélèrent les compromissions de leur adversaire socialiste avec l’Empereur déchu. Sur 3 233 votants, Albert Richard ne réunit plus que 281 voix et il se retira au deuxième tour. Les révélations des républicains divisèrent profondément les socialistes et les libres penseurs de la ville, une scission s’ensuivit à Tours Journal (création de l’Éclaireur tourangeau où Richard publia, pour se justifier, une série d’articles).
Il semble qu’à la suite de cet essai malheureux, Albert Richard soit retourné pendant quelques années en Italie.
En 1890, des lettres échangées avec Millevoye et le général Boulanger lui-même prouvent que l’exilé eut des contacts avec le boulangisme (Arch. Mun. Lyon, I 2/56 B, n° 308 à 311). Les préventions persistèrent encore, puisque en 1891 le seul nom de Richard soulevait des remous chez les socialistes de Lyon (Arch. Mun. Lyon I 2/56 B n° 315) ; pourtant, en 1892, il collaborait au journal stéphanois La Tribune des Travailleurs.
En 1893, Albert Richard cherchait un éditeur et il écrivit même à Drumont de la Libre Parole pour lui demander de faire paraître un roman en feuilleton. À ce moment, il militait au Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire et remplaçait parfois son chef de file Jean Allemane lors de certaines réunions. En août 1899, il signa pour le POSR une circulaire annonçant la décision de tenir à Paris un Congrès socialiste international. Il participa, du 3 au 8 décembre 1899, au Congrès général des organisations socialistes françaises (voir le compte rendu sténographique officiel, librairie Georges Bellais, 1900, pp. 73 à 81).
En 1900, Albert Richard rédigea un Manuel socialiste qui reçut, non sans réticences et modifications, l’approbation d’une commission de lecture du POSR et qui fut publié par la Société Nouvelle de Librairie et d’Éditions (Librairie G. Bellais). L’inspiration en est largement positiviste et libertaire : la connaissance des « faits sociaux » est la base de l’éducation qui forme les vrais socialistes, c’est-à-dire ceux qui aspirent à se gouverner eux-mêmes et qui se rebellent contre « la politique », art de gouverner les hommes apparu avec la formation des États. Albert Richard représenta encore le POSR au Comité général socialiste chargé de préparer l’unification des partis socialistes et le Congrès international de 1900. Il tira les leçons de cette expérience dans une brochure publiée en 1901, Le sens du conflit socialiste : on y voit poindre les thèses du « socialisme ouvrier » institutionnel qu’Hubert Lagardelle allait bientôt développer : « Tant que le parti socialiste, conclut Richard, ne sera qu’un parti politique, on ne fera jamais de véritable unité ». En 1901, son parti l’obligea à renoncer à sa collaboration au Petit Sou, mais, comme la Petite République avait refusé de l’employer, il fut autorisé à accepter le poste de rédacteur en chef du journal l’Yonne à Auxerre.
C’est alors que commence la dernière partie de sa vie. Albert Richard quitta son logement parisien du 26 rue des Écoles, pour aller s’installer à Auxerre, villa Agnès, rue Jeanne-d’Arc, où il restera jusqu’à la fin de sa vie. L’Yonne appartenait à un député radical, Albert Gallot, de nuance avancée, comme une partie importante des radicaux du département, et qui avait besoin des socialistes pour conserver son siège. Les relations entre Richard et lui furent parfois tumultueuses, moins pourtant qu’on pourrait le penser : Richard ne voyait personnellement pas d’inconvénients à s’allier avec les radicaux au plan électoral, puisque, de toute façon, c’était à ses yeux un domaine de peu d’importance pour les socialistes. Il adhérait à présent à la Fédération des Travailleurs socialistes de l’Yonne et il fut, en 1904, de ceux qui obtinrent qu’elle conservât son autonomie au lieu d’adhérer au Parti socialiste de France. Au moment de l’unité la Fédération le délégua au congrès du Globe. Il y était aimé pour son passé dont les détails étaient mal connus, et pour les nombreuses « conférences éducatives » dont il était le colporteur. Il faut noter aussi que les traditions du POSR restaient extrêmement vivaces dans le département.
De graves divergences l’opposèrent pourtant, dès le lendemain de l’unité, aux dirigeants de la Fédération. Vivement hostile à l’hervéisme, Albert Richard se refusa à l’insurrection en temps de guerre, comme à ce qu’on nommait l’antipatriotisme. La mort de sa femme, en octobre 1906, accentua son isolement : son fils avait trouvé une situation aux colonies et sa fille s’était mariée. Il ne siégeait plus au Comité fédéral et il ne tarda pas, à partir de 1907, à attaquer en permanence, dans l’Yonne, tout le parti, Jean Jaurès comme Gustave Hervé, à l’exception des éléments les plus réformistes.
En 1918, des lettres échangées avec le député socialiste Jean-Baptiste Lavaud montrent que Richard manifestait alors une violente hostilité à l’endroit de la révolution bolchevique.
Collaborateur du Bourguignon de l’Yonne, Albert Richard quitta la section SFIO d’Auxerre en 1919.
Il quitta alors l’Yonne pour devenir rédacteur au Bourguignon, où il resta jusqu’en 1925, année de sa mort.
ŒUVRE : (cotes de la Bibl. Nat.) : Aux Français : simples appréciations d’un révolutionnaire, 4 p. Fol. Lb 57/934. — Essais poétiques en différents genres, avec une ode à la Pologne, Lyon, 1864, in-12, 48 p., Ye 32148. — Le Socialisme, à propos des élections législatives de 1869, Lyon, 1869, 4 p. Fol. Lb 56/2333. — Propagande socialiste. L’Association Internationale des Travailleurs, Neuchâtel, 1870, in-12, 24 p., 8° Lb 56/3136 (extrait du Progrès de Lyon). — L’Empire et la France nouvelle. Appel du peuple et de la jeunesse à la conscience française, janvier 1872, 70 p., 8° Lb 57/3164. Brochure écrite en collaboration avec G. Blanc. — Union française des amis de la paix sociale. Appel au bon sens des travailleurs français, Turin, 1873, Fol. Lb 57/4427. — La Révolution sociale et la guerre européenne, Genève, 1876, in-8°, 19 p. 8° R. Pièce 2770. — La Science de la répression et celle de la révolte, Genève, 1877, in-8°, 29 p. 8° R Pièce 2769. — La Politique socialiste et le devoir actuel de la République, discours prononcé par le citoyen Albert Richard le 20 novembre 1881... à Tours, Tours, 1881, 4 p., Fol. Lb 57/8053. — Bakounine et l’Internationale à Lyon, 1868-1870, paginé 119-160, 8° R Pièce 16881 (extrait de La Revue de Paris, 1er septembre 1896). — Manuel socialiste, Paris, 1900, in-16, 81 p., 8° R 17476. — Le Sens du conflit socialiste, Paris, 1901 in-8°, 30 p., 8° Lb 57/12982.
PRINCIPALES COLLABORATIONS : La Tribune ouvrière, organe du bureau parisien de l’AIT, 4 juin-9 juillet 1865. — La Voix de l’Avenir, journal de l’AIT de la Suisse romande, à partir du 26 mai 1867 (La Chaux-de-Fonds. 31 décembre 1865-8 novembre 1868). — Le Progrès du Locle, 18 décembre 1868-27 novembre 1869. — La Solidarité, continuation du Progrès. — L’Égalité, journal de l’AIT de Suisse romande, Genève 23 janvier 1869-18 décembre 1872. — Revue socialiste, n° 138, juin 1896 : « Les propagateurs de l’Internationale en France ». — Revue politique et parlementaire, janvier 1897 : « Les débuts du parti socialiste français ». — Le Travailleur socialiste de l’Yonne, fondé en avril 1900. — Le Petit Sou, 25 avril, 4, 9, 23 mai 1901.
SOURCES (essentielles) : Arch. Nat., BB 24/870, n° 5835. — Arch. Min. Guerre, 19e conseil, n° 420. — Arch. Dép. Rhône, notice individuelle, n° 143. — Arch. Mun. Lyon I 2/55, pièce 28 et I 2/56 B, n° 588 à 490. — Études et documents sur la 1re Internationale en Suisse, publiés sous la direction de J. Freymond, Genève, 1964, p. 220 (n. 70) et p. 249. — M. Vuilleumier, « Notes sur James Guillaume... » Cahiers Vilfredo Pareto, 7-8, 1965 (sévères appréciations de J. Guillaume sur « trois farceurs, Aubry, Bastelica et Richard » p. 105-106). — Maurice Moissonnier, La Première Internationale et la Commune à Lyon, Paris, Éditions sociales, 1972. — Id., « Les voies du réformisme : le cas d’Albert Richard », in Mélanges d’histoire sociale offerts à Jean Maitron, Paris, Éditions ouvrières, 1976, pp. 145-156. — Jacques Copin, La Presse et la vie politique dans l’Yonne de 1848 à 1914, Auxerre, 1992. — Notes de M. Cordillot et Jean-Pierre Bonnet. — Le Travailleur, 2 février 1918, 9 juillet 1919.