RICHETTA Alexandre, Joseph

Par Maurice Moissonnier

Né le 24 octobre 1896 à Villefranche-sur-Saône (Rhône), mort le 10 décembre 1962 à Villefranche-sur-Saône ; ouvrier du Textile, puis dans la Métallurgie, puis cafetier ; militant syndicaliste ; militant socialiste puis communiste ; conseiller municipal de Villefranche-sur-Saône ; résistant.

Alexandre, Joseph Richetta était le septième enfant d’un travailleur d’origine piémontaise installé depuis 1882 à Villefranche-sur-Saône. Le milieu familial était très favorable, en raison des activités syndicales et coopératives du père, à une prise de conscience révolutionnaire comme le montre le destin de l’aîné des enfants, Claudius Richetta.

A onze ans, le jeune Alexandre commença à travailler, comme son père, dans le textile en tant que coupeur de roquet (manœuvre en filature). Jusqu’en 1914, il occupa, dans la même branche d’industrie, divers postes guère plus qualifiés. Il était employé par la maison de doublure Combet lorsque, le 8 avril 1915, il fut mobilisé (alors que son frère Michel avait été tué en 1914). Soldat dans l’infanterie, il fut blessé le 22 juin 1917 au cours des combats du Chemin des Dames. Rétabli, il termina la guerre dans une section de DCA de l’artillerie.

Après sa démobilisation, Alexandre Richetta travailla dans la métallurgie, prépara en fréquentant les cours du soir son Certificat d’études et devint tourneur. Il s’éveillait à la vie politique et avait donné son adhésion au Parti socialiste SFIO et à l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC). Très influencé par son frère Claudius, il s’engagea dans l’action syndicale, assumant des responsabilités à la CGT dans les différentes entreprises de Villefranche-sur-Saône et de Lyon où il avait successivement travaillé.

En 1924, Alexandre Richetta abandonna le Parti socialiste pour donner son adhésion au Parti communiste dont il fut le véritable constructeur à Villefranche. En 1928, alors qu’il avait trouvé un emploi dans la ville où il résidait, il fut élu conseiller prud’homme, section des Métaux, au moment de la création du conseil caladois. Au début de la crise des années trente, il exerça pendant quelques années la profession de représentant de la distillerie Cherpin avant de reprendre à son compte le petit café que tenait sa mère à Villefranche. Il participa en même temps à la direction de la CGTU locale dont il fut secrétaire de l’Union locale de 1926 à 1928. Le Parti communiste le présenta sans succès aux élections cantonales du 7 octobre 1934 puis, aux municipales de mai 1935, ce fut encore lui qui conduisit la liste du parti.

Lorsqu’au lendemain du succès électoral du Front populaire éclata le mouvement de grève généralisé de juin 1936, Alexandre Richetta se dépensa sans compter pour organiser les occupations d’usines. Il fut ainsi signataire des conventions collectives de la métallurgie du Rhône et, successivement, figura dans la délégation départementale au congrès confédéral d’unité à Toulouse (2-5 mars 1936) et au congrès de la Fédération des Métaux (novembre 1936). Pour son quarantième anniversaire, les trois cellules de Villefranche et la cellule des Jeunesses lancèrent en son honneur une promotion spéciale.

On comprend que dans ces conditions, aux yeux de ses adversaires politiques les plus déterminés, un tel militant fût gênant. Le 23 décembre 1936, après que des émissaires lui eurent proposé de l’argent pour qu’il quitte Villefranche-sur-Saône, deux hommes de main appartenant à un groupe d’extrême droite attaquèrent Alexandre Richetta à son domicile. L’affaire, classée le 27 mars 1937 à la suite d’une ordonnance de non-lieu prise en raison de l’échec de l’enquête, ne fut pas reprise lorsque des témoignages nouveaux des nommés Tarrit et Conjard mirent en cause, avec précision, des instigateurs et des exécutants de l’opération. Le débit de boissons de Richetta n’en continua pas moins à être le siège du rayon communiste de Villefranche-sur-Saône en même temps qu’un relais pour les volontaires des Brigades internationales qui se rendaient en Espagne.

Lorsque survint la guerre, Alexandre Richetta fut mobilisé dès septembre 1939 et, alors qu’en raison de son âge il aurait dû être renvoyé dans son foyer, il fut maintenu d’abord dans le train des équipages, puis dans l’artillerie anti-char. Réformé le 13 décembre 1939, il ne demeura pas longtemps à Villefranche : dix jours plus tard, le 23, il fut mis en état d’arrestation (l’administration le présentait alors comme employé communal), envoyé au fort du Paillet (Rhône). Il fut l’objet d’un arrêté d’internement administratif du préfet du Rhône le 29 février 1940 et fut envoyé à Fort-Barraux (Isère) où il retrouva des dirigeants communistes lyonnais comme Julien Airoldi, le docteur Georges Lévy, Marcel Bertone et quelques-uns de ses camarades caladois comme Marcel Verdot et Louis Dubouis arrêtés pour distribution de tracts clandestins. Il fit partie des internés évacués vers la zone sud devant l’invasion allemande et transférés, via le camp de Carpiagne (Marseille, Bouches-du-Rhône), au centre de séjour surveillé de Chibron (commune de Signes, Var). À la dissolution du camp, il retourna dans celui de Fort-Barraux (Isère) le 14 février 1941. Il fut relâché à la fin de 1942. Interdit de séjour à Villefranche-sur-Saône, il fut à nouveau arrêté au début de 1943 et d’une mise en résidence surveillée dans la Drôme. En dépit de l’étroite surveillance dont il était l’objet, il parvint à collaborer avec la Résistance locale. Dès septembre 1944, malgré une grande fatigue physique, il était de retour à Villefranche pour y retrouver son poste. Il n’assista pourtant pas à la première conférence de section d’après-guerre. Son état de santé s’était aggravé et les délégués réunis le 27 mai 1945 lui rendirent hommage : « Frappé par la réaction dans les jours les plus sombres de l’illégalité, notre camarade Richetta, encore mal remis de sa détention, a tenu à reprendre son poste au sein de notre section, donnant le plus bel exemple de combativité que chaque communiste aura à méditer. »

Aux élections municipales de 1947, il fut élu au conseil municipal de Villefranche et on lui confia le poste de second adjoint au maire. Il ne conserva pas longtemps ce dernier poste. Le Parti communiste demanda en effet à ses élus de démissionner des bureaux municipaux où figuraient des représentants du RPF, et c’était le cas à Villefranche-sur-Saône. Pendant toute la durée de la IVe République, Alexandre Richetta fut réélu conseiller municipal et ne connut l’échec qu’en 1959 dans les conditions nouvelles créées par les débuts de la Ve République.

Il participa jusqu’à la fin de sa vie à l’activité syndicale, notamment par son rôle au conseil des prud’hommes où il avait été réintégré après en avoir été chassé en application des décrets du 29 novembre 1939 et du 29 avril 1940. Il assuma à plusieurs reprises la présidence de ce conseil.

Il était en outre conseiller juridique de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC) organisation à laquelle il consacrait encore une partie de son activité militante.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article128881, notice RICHETTA Alexandre, Joseph par Maurice Moissonnier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 17 septembre 2021.

Par Maurice Moissonnier

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, série M, non classée. — Arch. Dép. Var, 4 M 291. — La Voix du peuple, 1934-1939. — site Mémoire des hommes SHD Vincennes GR 16 P 510277 (nc). — Documents familiaux. — Informations communiquées par Michel Richetta, fils d’A. Richetta. ⎯ notes Jean-Marie Guillon.

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