RIGAUDIAS Louis, Jean. Pseudonymes : RIGAL, PICHON, MILNER C.

Par Jean Maitron, Rodolphe Prager

Né le 22 mars 1911 à Constantinople (Turquie), mort le 13 mai 1999 ; membre du Parti socialiste SFIO en 1930 ; militant et dirigeant trotskyste de 1933 à 1948.

Né dans une famille bourgeoise appauvrie — son père exerça des activités financières — et vivant dans le milieu européen d’un pays semi-colonisé, Louis Rigaudias effectua une partie de ses études secondaires en France, entre 1919 et 1923. Retourné en Turquie, il quitta ce pays en 1928 afin de faire ses études supérieures en France. Ses parents traditionnellement catholiques, lui firent faire toute sa scolarité primaire et secondaire dans des établissements confessionnels. Il s’éveilla aux problèmes politiques en suivant les cours de philosophie au lycée Henri-IV, où il connut le trotskyste Yvan Craipeau, puis en préparant une licence de philosophie. Il s’inscrivit en 1929 aux Étudiants socialistes et en 1930 à la Ve section socialiste. L’arrivée d’Hitler au pouvoir et le besoin pressant d’unité d’action entre les partis ouvriers devant le péril fasciste contribuèrent à une évolution rapide qui le décida à donner, fin octobre 1933, son adhésion à la Jeunesse léniniste. Cependant il avait certaines réserves à l’égard de l’organisation trotskyste adulte, la Ligue communiste. Pendant les journées de février 1934, il déploya une grande activité visant à réaliser le Front unique des organisations ouvrières.

Membre du Bureau politique de la Jeunesse léniniste, il rejoignit la Ligue communiste et souscrivit à la proposition d’entrer à la SFIO pour y construire une tendance révolutionnaire. La décision ayant été prise en août 1934, Louis Rigaudias fut élu à la direction du Groupe bolchevik-léniniste de la SFIO et à son bureau politique, en janvier 1935. Militant dans le XIIIe arr., il consacra les plus grands efforts aux Jeunesses socialistes. Il devint avec David Rousset l’un des principaux porte-parole du courant trotskyste. A ce titre, il fut élu à la commission exécutive des JS de la Seine. L’action politique lui fit interrompre ses études et renoncer à préparer l’agrégation de philosophie. L’influence des Jeunesses léninistes et la progression des courants révolutionnaires dans la Fédération de la Seine, incita la direction nationale des JS, encouragée par la direction de la SFIO, à hâter l’exclusion des principaux animateurs et à prononcer la dissolution de l’Entente de la Seine. Elle eut lieu fin juillet 1935, au congrès national de Lille. Louis Rigaudias fut parmi les exclus et se dépensa pour maintenir, néanmoins, un maximum de militants trotskystes dans les Jeunesses socialistes. Exclu de la SFIO également en octobre, il participa, en janvier 1936, à la fondation de la Jeunesse socialiste révolutionnaire dont il fut l’un des principaux dirigeants et à la création, en juin, du Parti ouvrier internationaliste, bien qu’il ait exprimé des réserves sur cette initiative.

En octobre 1935, Louis Rigaudias épousa Hilda Weiss, sociologue et militante allemande ayant fui le nazisme en 1933. Ils divorcèrent en 1939. Hilde Weiss, se fit notamment connaître en France pour sa thèse sur les Enquêtes ouvrières entre 1830 et 1848, sous la direction de Célestin Bouglé.

Longtemps sursitaire, Lucien Rigaudias effectua son service militaire en 1936-1937. Il travaillait dans des cours privés comme professeur ou comme instituteur. Une leçon sur les chômeurs entraîna sa révocation, à la suite d’une campagne menée contre lui par la section locale des Croix-de-Feu, alors qu’il enseignait dans une école d’Asnières.

Louis Rigaudias joua un rôle important, à la tête du Parti ouvrier internationaliste, à son retour du service militaire. Il s’opposa résolument à l’entrée des militants trotskystes dans le Parti socialiste ouvrier et paysan de Marceau Pivert proposée par Trotsky et les instances de la IVe Internationale, au début de 1939. Le congrès du POI, du 14-15 janvier, qui eut à trancher sur cette question, rejeta finalement cette solution. Louis Rigaudias présenta au congrès le rapport moral de la direction sortante. A ses yeux, la proximité de la guerre commandait d’assurer l’homogénéité du mouvement trotskyste et de le préparer à la clandestinité.

Une affaire d’action antimilitariste dans laquelle il n’avait pas été réellement impliqué, entraîna, en mai 1939, son arrestation, après celles de Lucien Schmitt et de Isaac Bloushtein et son incarcération à la prison de Metz. L’instruction s’éternisa pendant près d’un an en raison de l’entêtement du juge d’instruction militaire qui voulait à tout prix bâtir une inculpation d’espionnage. Comparaissant, enfin, en mars 1940, devant le tribunal militaire de la VIe région, à Châlons-sur-Marne, pour « menées communistes », les inculpés furent condamnés à la peine maximum : 5 ans de prison et 15 ans d’interdiction de séjour. L’évacuation des prisons en juin 1940, devant l’avance allemande, offrit l’occasion à Louis Rigaudias et ses camarades de s’échapper. Revenu à Paris, il œuvra à la reconstitution de l’organisation trotskyste clandestine dont il fut l’un des dirigeants jusqu’à son départ pour Marseille, fin juillet 1941, en compagnie de Pietro Tresso. Il contribua à l’élaboration d’une nouvelle ligne politique imposée par les circonstances, ligne teintée de nationalisme selon certains militants. Muni de faux papiers, il parvint, en accord avec ses camarades, à s’embarquer le 2 janvier 1942 à destination de Cuba. Le tribunal militaire de Marseille le condamna, le 30 septembre, aux travaux forcés à perpétuité par contumace sous son nom d’emprunt, Pichon.

Pendant les années de la guerre, il milita dans l’organisation trotskyste cubaine. Marié à une militante américaine, il obtint, en octobre 1945, l’autorisation de séjourner aux États-Unis. Il résida dans ce pays jusqu’en août 1963. A son arrivée à New York, il s’associa aux efforts de la minorité de l’organisation trotskyste, le Socialist Workers Party, dirigée par Félix Morrow et Albert Goldman, en désaccord sur des points politiques importants et écrivit certains textes de cette minorité, signés C. Milner. Félix Morrow ayant été exclu par le congrès du SWP d’octobre 1946, Louis Rigaudias s’éloigna peu à peu du trotskysme qui, estima-t-il, « avait fait son temps » considérant que sa perspective de « réforme du régime russe et des Partis communistes » s’était « avérée inadéquate ». Il ne s’engagea dans aucun groupe à son retour en France en 1963, suivant pourtant attentivement les problèmes contemporains.
Parvenu à des « positions presque identiques à celles des Communistes des conseils », il adhéra en 1968 à l’éphémère Comité d’initiative pour un mouvement révolutionnaire et à partir de 1975 collabora à la revue Spartacus de René Lefeuvre. Il y signait ses articles : Louis Rigal.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article128979, notice RIGAUDIAS Louis, Jean. Pseudonymes : RIGAL, PICHON, MILNER C. par Jean Maitron, Rodolphe Prager, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 23 août 2019.

Par Jean Maitron, Rodolphe Prager

SOURCES : La Vérité, 15 décembre 1934, 2 août 1935. — Révolution, 15 avril 1935. — La Lutte ouvrière, 25 novembre 1937, 17 mars 1938. — J. Rabaut, Tout est possible ! Denoël, 1974. — Bulletins intérieurs du POI, 13 et 23 décembre 1938, 5 février 1939. — Rens. recueillis par J.-M. Brabant. — Témoignage autobiographique de L. Rigaudias (1979). — Hilde Rigaudias-Weiss, Detlef Garz Hilda Weiss, Soziologin, Sozialistin, Emigrantin : ihre Autobiographie aus dem Jahr 1940, Hamburg, Kovač, 2006.

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