RIMBERT Pierre [TORIELLI Charles, Gaspard dit]

Par Louis Bonnel, Jean-Michel Brabant, Rodolphe Prager, Marie-Cécile Bouju

Né le 7 avril 1909 à Bordighera (Italie), mort le 11 novembre 1991 à Thorailles (Loiret) ; typographe puis linotypiste et correcteur ; syndicaliste ; militant communiste, puis oppositionnel (Groupe Que faire ?), puis socialiste.

Les parents de Charles Torielli vivaient depuis le début du siècle en France et s’étaient mariés à Nice mais sa mère choisit d’accoucher dans sa famille, en Italie, pour revenir aussitôt avec le nouveau-né. Fils d’un manœuvre et éboueur et d’une femme de ménage, Charles Torielli fréquenta l’école primaire publique à Nice jusqu’au CEP. Apprenti typographe à l’âge de quatorze ans, il adhéra au syndicat CGTU du Livre et fut délégué en 1925 au congrès constitutif régional de la CGTU qui se tint à Saint-Raphaël. Au début de cette même année, il adhéra au Parti communiste. Menacé d’expulsion en raison de ses activités, il vint en 1926 habiter à Marseille et prit le nom de Pierre Rimbert qu’il allait garder toute sa vie. Il devint membre du comité fédéral du PC. Subissant à nouveau la pression policière, il gagna Paris, fut accueilli par Jacques Doriot et milita activement tant au VIIIe rayon qu’à la CGTU.

Au cours de la préparation du VIIe congrès du PC (Paris, 11-19 mars 1932), Pierre Rimbert se prononça en faveur du Front unique et de l’unité syndicale. Il préconisait l’entente avec les socialistes pour la future campagne des élections législatives. Il fut pris à partie par Maurice Thorez, qui s’était tu à la réunion, dans un article en première page de l’Humanité du 16 février 1932, intitulé « La voix de l’ennemi ». L’exclusion ne fut qu’une formalité. Gabriel Péri qui l’estimait lui conseilla, en vain, de faire amende honorable pour demeurer dans le parti.

Contacté à l’Imprimerie du Croissant où il travaillait, par Raymond Molinier et Yvan Craipeau, Pierre Rimbert adhéra à la Ligue communiste et entra en mai à sa commission exécutive. Auteur de plusieurs articles sur le Livre publiés dans La Vérité, organe de la Ligue, il participa le 23 octobre 1932 au congrès de son syndicat. Il s’occupait plus particulièrement de la jeunesse. Il fut le 12 janvier 1933 le porte-parole de la Ligue au meeting unitaire des JC, des Jeunesses du PUP, des trotskystes et des Étudiants socialistes dans le XIe arr.

Cependant le passage de Pierre Rimbert à la Ligue fut de courte durée. Il s’en éloigna en mai 1933, après l’échec de la conférence d’unification des groupes oppositionnels. Sa rencontre, le 2 septembre 1933, avec Trotsky aboutit à constater que « les divergences étaient trop importantes pour envisager sa réintégration à la Ligue ». Pierre Rimbert jugeait que « s’engager, dans une période de reflux, dans la voie de nouveaux partis et d’une nouvelle internationale était prématuré et bureaucratique ». Il collabora alors avec la Gauche communiste qui éditait Le Communiste puis participa en octobre 1933 à la création de l’Union communiste, née d’une fusion avec les dissidents de la Ligue qui publiait L’Internationale. Il écrivit dans ce journal et anima des réunions portant, notamment, en janvier 1934, sur les thèmes de la défense nationale et du défaitisme révolutionnaire. Il rejoignit, enfin, le groupe interne-externe de cadres communistes animé par André Ferrat et Georges Kagan, instructeur du Komintern, qui lança en novembre 1934 la revue Que faire ? qui se proposait d’œuvrer à redresser et à unifier le PC.

Au lendemain du pacte Laval-Staline de mai 1935, un débat s’ouvrit dans la revue Que faire ? à propos de la défense de l’URSS et du défaitisme révolutionnaire. André Ferrat pensa que l’accord franco-soviétique entraînerait l’abandon du défaitisme révolutionnaire. Il ne renonçait pas pour autant à une politique révolutionnaire et refusait de verser dans l’Union sacrée comme le PC. S’en tenant strictement aux thèses de Lénine en 1914-1918, Pierre Rimbert répliqua : « La défense de l’URSS n’est que le sous-produit de la lutte pour la révolution mondiale... Organiser l’insurrection armée, lutter pour la prise du pouvoir, en temps de paix comme en temps de guerre, ne peut se faire autrement qu’en provoquant la défaite de la bourgeoisie » (Que faire ? n° 8, août 1935). Tout en poursuivant une collaboration assidue avec Que faire ?, Pierre Rimbert s’était inscrit depuis 1934 au Parti socialiste SFIO et militait à la 21e section des travailleurs de nuit de Paris dont il devint le secrétaire. Il anticipa ainsi sur la décision collective prise par le groupe « Que faire ? » en 1937 d’adhérer à la SFIO où il se lia à la tendance de la « Bataille socialiste » de Jean Zyromski.

En raison d’une infirmité, Pierre Rimbert ne fut pas mobilisé en 1939. Il anima pendant l’Occupation le groupe « Libertés » avec Marcel Fourrier, Léon Boutbien, Jean Meichler, René Lhuillier et quelques membres de la 21e section et du syndicat du Livre. Ce petit groupe publia 43 numéros d’un mensuel clandestin qui modifia parfois son titre pour déjouer la recherche policière (Notre Révolution de janvier à décembre 1941, Nos combats de janvier à avril 1942 et Libertés de mai 1942 à la Libération). Ce journal comportait surtout des articles d’analyses politiques, dans un cadre défini par le texte « Notre position » rédigé par Pierre Rimbert en septembre 1940. L’absence d’un mouvement ouvrier dans les puissances de l’axe Berlin-Rome-Tokyo nécessitait, selon lui, une tactique nouvelle : « Le prolétariat doit considérer le fascisme comme son pire ennemi et doit tout faire pour la défaite et la chute de ces puissances... L’indépendance nationale qui devient le but principal, devra impliquer, également, l’indépendance de l’Indochine, de la Tunisie, de l’Algérie etc... Sans doute faut-il soutenir De Gaulle, qui poursuit d’autres objectifs, mais sans se dissoudre dans ce mouvement. Enfin les travailleurs doivent mettre à profit la crise sociale provoquée par la guerre pour renverser le régime capitaliste, s’emparer du pouvoir et collectiviser les moyens de production. » La fusion du PC et du PS dans un parti unique, démocratique, fut une autre préoccupation centrale de Libertés qui parut à la Libération comme hebdomadaire de septembre 1944 à novembre 1946 sous la direction de Pierre Rimbert. Au cours d’une rafle en 1942, celui-ci fut arrêté et interné pendant quelques mois au camp de Royallieu, proche de Compiègne (Oise).
Rimbert a été typographe à l’imprimerie Simart, rue du Croissant à Paris (IIe arr.), et aux Imprimeries parisiennes réunies (IXe arr.). En juin 1940, il était linotypiste au Petit Parisien.Il était toujours membre de la Chambre typographique parisienne, secrétaire de la section technique des linotypistes. Avec Robert Le Garrec, il composa, y compris à l’atelier même du Parisier Zeitung, plusieurs journaux clandestins : Libération, Franc-Tireur, Front national. Les plombs étaient ensuite transportés par Maurice Leroy vers des ateliers, à Paris (imprimerie Artra dirigée par P. Dillemann) ou à Draveil (Costes et Truphémus). Le Garrec et Rimbert participèrent aux discussions sur l’affectation des imprimeries parisiennes aux journaux de la résistance à la Libération.
Pierre Rimbert réintégra la SFIO reconstituée après la Libération. Il y joua un rôle plus important, en premier lieu, comme membre de la commission exécutive de la Seine de 1946 à 1958. Et aussi, au plan national, en tant que membre du Comité directeur du parti : une première fois en 1947-1948 et une seconde fois de 1954 à 1956. Il fut l’un des signataires de la motion dite de gauche, au congrès d’août 1946, rejetant le rapport d’activité de Daniel Mayer et provoquant son remplacement par Guy Mollet. Il participa, à cette époque, à la création du quotidien Franc-tireur et fut l’un de ses collaborateurs. Avec l’équipe de ce journal, il signa en février 1948, l’appel du comité pour le Rassemblement démocratique révolutionnaire de J.-P. Sartre et David Rousset, dont il dut se retirer sur injonction de la SFIO. Autodidacte, il suivit à l’École pratique des hautes études les cours de Georges Bourgin, d’Édouard Dolléans et d’Ernest Labrousse. Il collabora régulièrement avec ce dernier à la Revue socialiste dont il faisait partie du comité de rédaction. Il fut encore l’organisateur de la Semaine d’études de Meung-sur-Loire en 1947 puis de l’École socialiste avec G. Bourgin et Alexandre Bracke.

L’engagement de Pierre Rimbert en faveur de l’indépendance des peuples colonisés le plaça d’emblée en forte opposition à la politique conduite par Guy Mollet en Algérie. Il s’associa à la tendance animée par Verdier-Depreux qui, hostile à la participation de Mollet au gouvernement De Gaulle, quitta la SFIO au Le congrès du parti, le 13 septembre 1958, et fonda le Parti socialiste autonome. Le congrès du PSA de mai 1959 élut Pierre Rimbert à la commission administrative permanente. Séjournant en Tunisie en qualité d’archiviste au ministère de l’Information de 1959 à 1963, il y participa aux réunions de la section officieuse du Parti socialiste unifié qui se tenaient chez le docteur Élie Cohen-Hadria. Il quitta le PSU peu après son retour en France, en 1964. Durant son séjour en Tunisie, il épousa en 1960, Irène van Meirhaeghe. Membre depuis 1964 de l’équipe rédactionnelle de la Révolution prolétarienne, collaborateur de Socialisme (Bruxelles) et de Critica sociale (Milan), il fut l’animateur depuis sa création par Guy Mollet en 1969 jusqu’à sa retraite de l’Office universitaire de recherche socialiste (OURS).

Dans les années soixante-dix, Pierre Rimbert publia d’importantes études dans les cahiers-revues de l’OURS portant sur l’évolution du capitalisme contemporain que l’on retrouve enrichies dans son ouvrage majeur, couronnant l’essentiel de ses recherches : Du Capital de Marx au socialisme. La conviction de l’auteur est que « la société est enceinte du socialisme. Ou elle accouchera de la société socialiste ou elle dégénérera ». Contrairement à ce que l’on se plaît à affirmer, « la crise n’est pas due aux mutations technologiques, mais à la structure marchande capitaliste de la société ». Et le livre de conclure : « Le capitalisme est une société marchande où tous luttent contre tous, mus par l’appât du gain. Le socialisme est une société associative où tous sont solidaires de tous, mus par la volonté d’assurer le même bien-être à chacun. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article129003, notice RIMBERT Pierre [TORIELLI Charles, Gaspard dit] par Louis Bonnel, Jean-Michel Brabant, Rodolphe Prager, Marie-Cécile Bouju, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 26 avril 2020.

Par Louis Bonnel, Jean-Michel Brabant, Rodolphe Prager, Marie-Cécile Bouju

ŒUVRE : Trois études écrites pendant la guerre et saisies par la Gestapo en 1942 : 1) La politique de bienfaisance pendant la Révolution française. 2) La commission du Luxembourg et Louis Blanc. 3) Los Ejidos da Mexique (le collectivisme agraire des Indiens du Mexique. — Le socialisme, Que sais-je ?, 1950 (avec G. Bourgin). — Jean Jaurès, l’évolution vers le socialisme, Paris 1970. — Les classes sociales, Paris, 1972. — La révolution communaliste, Paris, 1971. — Pour un nouveau manifeste socialiste (avant-propos de G. Mollet), Paris, 1974. — Du Capital de Marx au socialisme, Paris, EDI, 1988.

SOURCES : Arch. PPo 77 W 1584-59028. — Arch. OURS. — La Vérité, 8 avril 1932 et 1933. — L’Internationale, 13 janvier 1934. — L’Humanité, 16 février 1932. — Que faire ?, 1935-1938. — J. Rabaut, Tout est possible ! Denoël, 1974. — Y. Craipeau, Le mouvement trotskyste en France, Paris, 1971. — Communisme, n° 5, Paris, septembre 1984. — J.-J. Thomas, Esquisse de l’histoire du groupe Que faire ?, MM, Rennes, 1975. — Rens. de J.-Raymond et G. Morin.

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