Par Antoine Olivesi
Né le 28 juillet 1873 à Bastia (Corse), mort le 27 juillet 1938 à Cassis (Bouches-du-Rhône) ; dirigeant du syndicat CGT des inscrits maritimes de 1908 à 1925 ; fondateur en 1927 des « Laboureurs de la Mer ».
Intelligent, énergique et doué d’une grande facilité d’élocution, Ange Rivelli, militant des Inscrits maritimes, fit ses débuts d’agitateur en 1901 à Marseille lors d’un mouvement ayant pour but d’empêcher le départ de l’Isaac Péreire. Depuis lors, et jusqu’en juillet 1911, il fit partie de tous les conseils d’administration de l’UCSO (Union des Chambres syndicales ouvrières) des Bouches-du-Rhône. En 1902 et 1903, il en fut le secrétaire (Cf. L’Indicateur marseillais de ces mêmes années).
Du 26 novembre au 18 décembre 1902, il dirigea la grande grève des Inscrits maritimes de Marseille déclenchée pour obliger les armateurs à respecter la convention signée en 1900. Mais la CGT n’intervint pas, les Inscrits maritimes n’étant pas confédérés, et la grève échoua. Ange Rivelli assista cette même année au XIIIe congrès national corporatif — 7e de la CGT — tenu à Montpellier (Hérault) du 22 au 27 septembre. En juin 1906, il fit adhérer à la CGT les Inscrits maritimes dont l’organe était Le Travailleur de la mer. Une nouvelle grève éclata à Marseille en 1907 qui dura du 30 mai au 4 juin. Ange Rivelli y participa activement, fut critiqué, mais obtint un ordre du jour de confiance au 15e congrès des Inscrits tenu le 2 septembre à Dunkerque. L’année suivante, il devenait secrétaire général du syndicat.
Prénommé Ange et non Louis, Rivelli s’appelait en réalité Ange Rivello. Il est possible que Rivello ait été d’origine italienne et qu’il ait voulu « corsiser » son patronyme. Cette attitude expliquerait, entre autres, la susceptibilité de Rivelli provoquant en duel Léon Bailby qui l’accusait, en 1912, à l’occasion d’une grève des marins de Marseille, d’être « vendu aux Italiens » et de favoriser, par les grèves, le port de Gênes et la marine italienne. Syndicaliste révolutionnaire, Ange Rivelli se rapprocha du Parti socialiste SFIO. Il dirigea le syndicat national CGT des Inscrits maritimes de 1908 à 1925, date à laquelle il fut remplacé par Eugène Ehlers de Dunkerque.
Le 1er décembre 1908, la Confédération générale des syndicats maritimes était créée à Paris ; elle ne se confondait cependant pas avec la Fédération nationale des Inscrits maritimes dont Rivelli était le secrétaire. En 1909, Ange Rivelli démissionna du secrétariat de l’union générale des marins de commerce de Marseille et s’efforça de créer une interfédération de tous les syndicats de gens de mer, marins de commerce, pêcheurs, officiers de la marine marchande, etc. Il dirigea en cette année 1909 une grève des Inscrits maritimes à Marseille qui dura du 24 mai au 6 juillet et se termina, après arbitrage, en faveur des Inscrits.
Le 16 décembre 1911, le congrès de Paramé de la Fédération nationale des syndicats maritimes déplaça son siège social de Marseille à Paris, le comité exécutif se trouvant à Marseille. Rivelli, de Marseille, en fut le secrétaire, Henri Gautier, de Saint-Nazaire, le trésorier.
Ange Rivelli, très actif en toutes régions, participa en octobre 1908, octobre 1910 et septembre 1912, aux XVIe, XVIIe et XVIIIe congrès nationaux corporatifs — 10e, 11e et 12e de la CGT — tenus respectivement à Marseille, Toulouse et Le Havre. Autoritaire et violent, il entra en conflit d’influence à cette époque avec Manot et ses amis, militants des dockers, lorsqu’il fut question de constituer une interfédération regroupant inscrits et dockers.
Pendant la guerre, Ange Rivelli mit ses « qualités d’énergie et d’intelligence remarquables » [...] au service du pays (Le Petit Provençal, 29 juillet 1938). Au début de la Première Guerre mondiale, Rivelli fut mobilisé dans l’armée de terre. En 1916, il fut placé en sursis d’appel pour lui permettre de s’occuper de la corporation des marins. De retour à Marseille en février 1916, il recensa les marins mobilisés dans l’armée de terre et les signala aux autorités militaires afin qu’ils puissent reprendre leur poste sur les navires.
Délégué des Inscrits maritimes au XXe congrès de la CGT (Lyon, 15-21 septembre 1919), s’il appuya la résolution confédérale appelant à refuser tout transport d’armes contre la Russie soviétique, Ange Rivelli resta très proche collaborateur de Jouhaux et demeura à la CGT lors de la scission. Il vint souvent à Marseille, notamment en octobre 1919, juin 1921 et surtout en octobre 1922, soutenir les marins en grève, ou négocier en leur faveur. Cette même année 1922, il avait soutenu les candidats socialistes et notamment Paul Blanc, aux élections cantonales. Dès le 18 janvier 1921, il adhéra à la SFIO reconstituée.
En 1920 et 1921, aux congrès d’Orléans et de Lille, il prit violemment position contre la IIIe Internationale. Après la scission, il reconstitua l’UD-CGT des Bouches-du-Rhône, réunissant dans un congrès quarante-deux délégués représentant trente-trois syndicats.
En avril 1927, Ange Rivelli créa à Bordeaux la Fédération des « Laboureurs de la Mer », dirigée à la fois contre Ehlers, la direction syndicale à Paris et contre Martres à Marseille qu’il jugeait trop timorés. Il en fut le président, Durand étant secrétaire général. Il déclara qu’il n’agissait pas ainsi contre la CGT dans un esprit de scission, mais contre des dirigeants incapables. Il luttait aussi, à la même époque, contre le syndicat des marins communistes et favorisa à Marseille, à la fois contre ces derniers et contre les confédérés, l’avènement de Pierre Ferri-Pisani. Les communistes condamnèrent, bien sûr, cette nouvelle fédération baptisée, par dérision, fédération des « fossoyeurs de la Mer ». En décembre 1933, Rivelli adhéra au Parti socialiste de France et fut trésorier du bureau provisoire des Bouches-du-Rhône.
Après 1928, Ange Rivelli se tint à l’écart des luttes et querelles syndicales. Il mourut le 27 juillet 1938 à Cassis où il s’était retiré. L’avis de décès indique qu’il présidait le syndicat des Inscrits maritimes et ADSG de Bordeaux. Le Petit Provençal évoqua son passé de militant, son action syndicale de 1904 à 1926 : « On lui doit l’organisation de la Fédération et l’unification des gens de mer [...], le repos hebdomadaire en 1908, l’amélioration des salaires et, plus tard, la loi de huit heures dans la marine marchande. » Il fut inhumé à Marseille. Rivelli était chevalier de la Légion d’honneur.
Par Antoine Olivesi
SOURCES : Arch. Nat. F7/ 13 758 à 13 768. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M 6/4833 bis, 8340, 10806, 10827, 10828 ; XIV M 25/69. — La CGT et le mouvement syndical en France, Paris, CGT, 1925, p. 404. — Robert Brécy, Le Mouvement syndical en France, 1871-1921. Essai bibliographique, Paris, La Haye, Mouton, 1963. — La Bataille syndicaliste, 18 septembre 1912. — P. Barrau, Le Mouvement ouvrier à Marseille, 1900-1914. Thèse de doctorat en droit, Aix-Marseille, 1971. — Danielle Moulinard, Le Parti communiste à Marseille. Naissance et débuts, 1919-1925, Aix-Marseille, 1972. — Marseille-Matin, 28 juillet 1938. — Arch. Com. Marseille. — Le Peuple, 1921, 1923 et 1929. — Le Travailleur de la Mer, 1921. — Le Maritime, n° 1, mars 1929. — Le Petit Provençal, 18 janvier 1921, 28 octobre 1922 (photo), 19 décembre 1933, 28 et 29 juillet 1938 (photo et nécrologie). — Provence ouvrière et paysanne, avril 1927. — Marseille-Matin, 28 et 29 juillet 1938. — B. Georges et D. Tintant, Léon Jouhaux. Cinquante ans de syndicalisme, tome I, Des origines à 1921, Paris, PUF, 1962, p. 48-49. — Véronique Avellan, Le syndicat des marins de Marseille 1919-1938, Mémoire de Maîtrise, Aix, 1978. — Le Mémorial des Corses, t. 6, p. 469. — Jacques Bonnabel, Le Mouvement ouvrier à Marseille de 1914 à 1920. Mémoire de DES d’Histoire du Droit (dactylographié), Aix, 1973. — Rens. de J. Vaucoret.