ROCHEBILLARD Marie-Louise, Bernardine

Par M. L. et Joceline Chabot

Née le 17 mai 1857 à Lyon (IIe arr.), morte le 30 janvier 1936 ; fondatrice du premier syndicat féminin chrétien.

Mlle Marie-Louise Rochebillard n’est pas à proprement parler une militante ouvrière. Cependant son nom mérite d’être mentionné dans le cadre d’un dictionnaire du mouvement ouvrier français pour la raison essentielle qu’elle fut l’inspiratrice du premier syndicat féminin chrétien.

Originaire d’une famille ruinée de la petite bourgeoisie lyonnaise, elle avait dû trouver un emploi dès l’âge de seize ans. Profondément marquée par son milieu primitif dont elle avait conservé une certaine culture et par le traumatisme qu’avait constitué pour elle l’insertion brutale dans la vie active, M.-L. Rochebillard avait résolu ses problèmes en plaçant toute sa confiance dans les solutions préconisées en 1891 par le pape Léon XIII dans l’Encyclique Rerum novarum. « L’éminente dignité des travailleurs » avait à coup sûr été pour elle une formule d’un grand réconfort. Il se peut cependant qu’elle ait connu un temps d’hésitation, car la « citoyenne Rochebillard » — il y a très vraisemblablement identité — représenta, en compagnie de la « citoyenne Fontana », les dames employées de commerce de Lyon au XIIe congrès national corporatif — 6e de la CGT — tenu à la Bourse du Travail de Lyon en septembre 1901.

Quoi qu’il en soit, en 1899, M.-L. Rochebillard avait fondé ses premiers cours professionnels localisés dans deux quartiers ouvriers de l’agglomération lyonnaise et deux syndicats, l’un ouvert aux employées du commerce, l’autre aux ouvrières de l’aiguille. L’originalité de ces syndicats tenait au fait qu’ils n’étaient pas une fin en soi, mais se combinaient à des cours professionnels pour constituer des centres de formation d’une élite ouvrière qui traduirait dans les faits les enseignements théoriques de l’Encyclique Rerum novarum. La structure des syndicats n’était pas, au demeurant, franchement démocratique. Le conseil du syndicat comportait un tiers de membres élus au moment de la fondation du syndicat, mais qui n’étaient pas, par la suite, soumis à réélection. Il s’agissait de membres qui étaient plus particulièrement destinés à s’occuper des cours professionnels, et cette absence de soumission aux suffrages des syndiqués avait pour but de maintenir une certaine continuité dans l’organisation de l’enseignement professionnel.

Les autres membres du conseil syndical, soit les 2/3, étaient rééligibles, mais c’étaient les « inamovibles » qui établissaient les listes de candidature.

Ces syndicats atteignirent le chiffre modeste de cinq cents membres (pour l’ensemble des syndicats). Ils publièrent un bulletin intitulé : Travail de la femme et de la jeune fille, qui tirait à deux mille exemplaires.

Tout un ensemble d’institutions annexes entourait les syndicats : bureau de placement, maison de repos, maison de retraite, etc.

Ces organisations qui apparaissent comme fort peu révolutionnaires étaient cependant distinctes de l’ouvroir, de la simple œuvre de charité. Aucune dame de la bonne société n’y avait pouvoir de décision. D’autre part, aucun patron ne pouvait y exercer une influence quelconque. Rien ne rappelait la tendance du syndicat mixte. Cette ferme séparation entre milieu syndical ouvrier et milieu patronal provoqua l’hostilité de nombreux directeurs d’usines qui ne comprenaient pas qu’une chrétienne catholique romaine s’employât à « dresser les uns contre les autres les patrons et les travailleurs ».

Mlle Rochebillard considéra toujours les syndicats qu’elle avait fondés comme son oeuvre propre, sa chose, quasiment sa propriété. Aussi fut-elle contrariée dans sa vocation profonde par la nécessité d’organiser un peu mieux l’ensemble des syndicats féminins peu avant 1914. Les syndicats féminins qu’avait fondés Mlle M.-L. Rochebillard devaient participer à la formation de la CFTC en 1919.

A partir des années 1910, l’activité syndicale de Marie-Louise Rochebillard se ralentit beaucoup. Après des années de militantisme marquées par la fondation des syndicats féminins lyonnais (1899) et de tous les services qui s’y rattachaient, elle décida de se consacrer désormais aux seuls cours professionnels. En 1913, elle acheta en partie l’ancien domaine des sœurs du Sacré-Cœur en tant que mandataire d’une société immobilière. Les locaux furent réaménagés pour l’accueil de jeunes travailleuses de la région ne disposant pas d’un salaire suffisant pour se loger convenablement. Pendant la Première Guerre mondiale, l’établissement fut transformé en hôpital. Toutefois, Marie-Louise Rochebillard continua a assumer la tâche de directrice. En 1919, les locaux retrouvèrent leur première vocation, l’œuvre du « Bon Abri » recevant les jeunes filles isolées. Elle consacra ainsi les dernières années de sa vie au « Bon Abri » qui, en 1925, fut transformé en clinique pour cancéreux.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article129312, notice ROCHEBILLARD Marie-Louise, Bernardine par M. L. et Joceline Chabot, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 8 mars 2019.

Par M. L. et Joceline Chabot

ŒUVRE : Le Travail de la femme à Lyon, monographie de syndicats de femmes, Paris, 1901. — Syndicats d’ouvrières lyonnaises, Paris, V. Lecoffre, 1904. — « Le Travail de la femme et de la jeune fille », Bulletin des syndicats féminins lyonnais.

SOURCES : A. Brégou, « Une "catholique sociale » : Marie-Louise Rochebillard », La Pensée catholique, n° 238, 1989. — Marie-Hélène Zylbergerg-Hocquard, Féminisme et syndicalisme en France, Paris, 1978.

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