ROTH Robert

Par Claude Cuenot

Né le 16 mai 1919 à Beaucourt (Territoire de Belfort), mort le 18 septembre 1995 à Seloncourt (Doubs) ; tourneur sur métaux puis permanent syndical ; militant syndicaliste CGT ; militant communiste ; secrétaire de l’Union départementale CGT du Doubs, membre de la commission exécutive de la Fédération des métaux, membre du bureau de la Fédération du Doubs du PCF.

Fils de Joseph Roth et de Marthe Dubois, ouvriers de la société Japy à Beaucourt, Robert Roth perdit son père très jeune et passa son enfance dans les cités ouvrières de l’usine dite Terre-Blanche à Hérimoncourt (Doubs), le berceau de la famille Peugeot. Il assista ici aux harangues de Roger Vermot-Desroches* et d’Edgar Ferrand* lors des tentatives d’extension de la grève de la société des automobiles Peugeot en juillet 1929. Il fît aussi la connaissance de son voisin Gaston Genin*, alors entrepreneur en outillage, qui eut une influence durable sur lui. A douze ans, après le certificat d’études, il commença à travailler comme gardien de troupeau, puis à l’usine Peugeot de Terre-Blanche comme ébarbeur d’outils agricoles. Mais après bien des efforts, sa mère réussit à le faire entrer à l’école pratique Peugeot dont il sortit tourneur-outilleur.

Embauché en août 1935 à l’usine d’outillage forge-emboutissage de la société des automobiles Peugeot à Sochaux (Doubs), Robert Roth adhéra à la CGT après la grève de juillet 1936. Il rejoignit parallèlement les Jeunesses socialistes de Seloncourt dont il devint le secrétaire de section en août 1937. Licencié pour avoir participé à la grève du 30 novembre 1938, il travailla ensuite dans une petite usine d’Hérimoncourt.

Mobilisé en novembre 1939, l’armée allemande démobilisa Robert Roth lors de l’occupation de la zone sud. Revenu dans le Doubs en novembre 1942, il échappa au STO, caché par le directeur de sa dernière usine. En août 1944, membre des FFI, il rejoignit le maquis du Lomont, organisé par le Secrete operation executive et l’Organisation civile et militaire. Devant la dureté des combats et la stabilisation du front à une vingtaine de kilomètres de Montbéliard, les directions des différentes usines Peugeot encouragèrent les populations à fuir vers cette zone de refuge afin d’échapper aux déportations massives.

Au début de l’année 1945, Robert Roth adhéra au Parti communiste français et reconstitua le syndicat des métaux CGT de Seloncourt regroupant six usines métallurgiques de quarante à cent quarante ouvriers. Formé par Gaston Genin, il lui succéda rapidement comme secrétaire permanent de l’Union locale d’Audincourt et ne retravailla plus en usine. Il accéda en avril 1946 à la commission administrative de l’Union départementale du Doubs, renforçant ainsi le courant ex-unitaire resté minoritaire ici puisque la direction demeurait aux ex-confédérés. Au début de l’année suivante, il dirigea l’Union des syndicats de travailleurs de la métallurgie de la région Montbéliard-Territoire de Belfort et l’Union départementale des syndicats des métaux après la généralisation de cette structure au congrès fédéral de mars 1946. La première organisation correspondait à une unité brisant le cadre départemental pour se rapprocher des réalités de l’emploi dans ce bassin de 30 000 métallurgistes. Dans la seconde Union, il se heurtait aux ex-confédérés très influents dans le sud du département et opposés à la représentation proportionnelle des syndicats, notamment à Louis Clerc*. Il suivit l’école fédérale en 1947 avec les cours de Jourdain* et Bretheau*.

A partir de la scission syndicale, Robert Roth joua un rôle majeur dans le Pays de Montbéliard. Il dirigeait avec Louis Lacaille* les délégations de la CGT lors des négociations avec la Chambre patronale de la métallurgie de la région Montbéliard-Territoire de Belfort. Bon orateur, il conduisit de nombreuses grèves de la métallurgie : Ornans, Colombier-Fontaine, Sochaux en septembre 1948 (au début car il fut ensuite victime d’un très grave accident de vélomoteur) et surtout en février-mars 1950. Il devint membre de la commission exécutive de la fédération des métaux de 1948 à 1952. Plusieurs délégués de Sochaux le critiquèrent sur ses directives pour l’appel de Stockholm ou la grève du 28 mai 1952, suivie seulement par soixante travailleurs sur 13500. Robert Roth, Pierre Rizzi* et Oreste Pintucci* (voir ces noms) assuraient ensemble l’essentiel de la direction des syndicats du Pays de Montbéliard pour les années 1950-1960.

En 1957, Robert Roth remplaça Robert Charles* comme secrétaire permanent de l’Union départementale. Ce qui ne devait être qu’une période d’intérim dura jusqu’en 1966. Il n’avait pas encore été confronté au syndicalisme interprofessionnel et la tâche fut difficile pour lui. Besançon comptait en effet des catégories professionnelles beaucoup plus diverses que dans la région de Montbéliard : employés, fonctionnaires, ouvriers du bâtiment, du textile ou de l’horlogerie, métallurgistes aussi mais bien différents de ceux du Pays. De même, alors qu’il s’était confronté aux représentants de grandes firmes comme Peugeot ou Alsthom, il se retrouvait ici souvent face à de petits patrons que les militants tutoyaient parfois depuis la Résistance ou dans le cadre d’entreprises familiales, et son intransigeance ne suffisait pas toujours lors des négociations. Secondé à Besançon par Yvonne Bulher*, Robert Roth resta avant tout le dirigeant de la métallurgie du Pays de Montbéliard. Lors des grèves de 1968 par exemple et notamment le 11 juin au moment des affrontements avec les CRS à Sochaux, il ne prit pas soin de garder une liaison avec ses camarades bisontins alors qu’il était toujours membre du bureau de l’Union départementale. Lorsqu’il cessa d’être permanent départemental, il fut embauché par le comité d’entreprise de la société Peugeot de Sochaux.

Domicilié à Seloncourt (Doubs), Robert Roth représenta le PCF lors de plusieurs élections municipales et cantonales. Il fut adjoint au maire socialiste de sa commune de 1971 à 1983. Membre du bureau fédéral du PCF, il le quitta à la fin des années 1960, tout en restant au comité de la fédération jusqu’aux années 1980. En 1984-1985, lorsque la majorité du comité fédéral commença à contester le fonctionnement du parti, Robert Roth ne prit pas position dans les débats. Mais il resta ensuite fidèle à la direction et combattit ces tendances. La rupture fut dès lors complète avec plusieurs anciens camarades et amis dont Robert Charles. La dissolution en octobre 1988 de la fédération du Doubs se traduisit par un très net affaiblissement du Parti communiste dans le Pays de Montbéliard.

Dans son activité syndicale et politique, Robert Roth eut le souci de conserver beaucoup d’archives, qu’il ouvrit facilement à des historiens et à des journalistes. L’écrivain Jean-Paul Goux l’interviewa longuement pour son ouvrage sur la mémoire ouvrière du Pays de Montbéliard et il participa au documentaire Avec le sang des autres en 1975.

Il épousa une ouvrière seloncourtoise le 26 décembre 1942 et elle partagea les aléas de cette vie militante et fut licenciée d’ailleurs en raison des responsabilités de son mari. Ils eurent deux enfants, dont un milite aujourd’hui à la CGT EDF. Un cancer foudroyant emporta Robert Roth en septembre 1995.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article129692, notice ROTH Robert par Claude Cuenot, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 4 septembre 2015.

Par Claude Cuenot

SOURCES : Arch. Dép. Doubs, fonds CGT, commission administrative et bureau de l’Union départementale. — Arch. privées Robert Roth. — Témoignages d’Yvonne Bulher, de Robert Charles, de Charlotte et Robert Roth. — Jean-Paul Goux, Mémoires de l’enclave, Paris, Editions Mazarine, 1986. — Claude Cuenot, La CGT dans le Doubs : l’Union départementale de 1944 à 1950, mémoire de maîtrise Besançon, 1990.

ICONOGRAPHIE : Bruno Muel, Avec le sang des autres (France, 1975), film 16 mm, couleurs, 80 mn.

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