Par Nadia Ténine-Michel
Né le 14 septembre 1876 à Beaumont-sur-Oise (Seine-et-Oise), mort le 24 juillet 1952 à Beaumont-sur-Oise ; directeur d’école à Paris ; président de la Fédération des amicales d’instituteurs ; secrétaire général du Syndicat National des instituteurs [SN puis SNI] (1920-1932) ; secrétaire de la Fédération générale de l’Enseignement ; maire socialiste de Beaumont (1935-1952) ; membre du Conseil national économique (1925-1933).
Petit-fils de cordonnier et fils d’instituteur, Louis Roussel fut élève de l’école primaire supérieure de Versailles puis de l’École normale de la Seine et fut durant trente-sept ans instituteur puis directeur d’école à Paris. Dès 1898, il adhéra au Parti socialiste à Paris (XVe arr.)
Le 26 novembre 1905, Louis Roussel, Émile Glay et Pierre Dufrenne, conseillers départementaux, lancèrent le Manifeste des instituteurs syndicalistes qui réclamait la pleine capacité syndicale, le droit d’entrer dans les Bourses du Travail et d’appartenir à la CGT.
Louis Roussel, président de l’Amicale des Normaliens de la Seine, devint secrétaire de la commission permanente de la Fédération des Amicales d’instituteurs à son congrès de Nancy (9-12 août 1909). Il appartenait au Parti socialiste SFIO.
Marthe Pichorel, qui a bien connu Louis Roussel, l’a ainsi caractérisé : « Ennemi des outrances verbales et des gestes spectaculaires susceptibles d’effrayer les esprits insuffisamment avertis, il voulait, dans le coude à coude quotidien, dans le contact permanent, expliquer et convaincre. Les trois qualités maîtresses du militant, que Roussel disait être "la sincérité, l’irrespect des hommes en place et la flamme révolutionnaire", il les possédait au plus haut degré. »
Dans les conflits qui opposèrent alors le jeune syndicat au gouvernement, Louis Roussel apparut comme un des modérateurs, soucieux de ne pas se couper de la masse des instituteurs restés dans les amicales. Il était en 1909 secrétaire de la Fédération des amicales et préférait retarder l’adhésion du syndicat à la CGT, contrairement aux éléments les plus avancés qui devaient constituer le noyau de la Fédération unitaire de l’enseignement puis de l’École émancipée. L’après-guerre vit se multiplier les syndicats départementaux qui restaient toujours illégaux. Mais les mentalités avaient changé et le recrutement s’élargit beaucoup tandis que s’affirmaient les revendications contre l’arbitraire auquel était trop souvent soumise la carrière des instituteurs.
Ce fut pourquoi, en 1920, la Fédération des amicales se transforma en syndicat national dont Louis Roussel devint secrétaire général et qu’on appelait le « syndicat Glay-Roussel ». En 1925, le syndicat put adhérer à la CGT dans un climat qui n’avait plus rien à voir avec celui des débuts et qui n’empêchait pas l’amorce d’une concertation avec le ministère. Dès 1924, ses représentants avaient une rencontre hebdomadaire avec l’administration. Ces orientations devaient beaucoup à Louis Roussel qui présida régulièrement les congrès du syndicat et fut délégué de 1925 à 1933, à tous les congrès nationaux de la CGT. Pour lui, les instituteurs n’avaient pas besoin d’aller au peuple, ils en étaient. À partir de 1929, il occupa les fonctions de secrétaire de la Fédération générale de l’enseignement.
Peu amateur de polémiques ou de débats doctrinaux, Louis Roussel dirigeait le syndicat plus en président qu’en secrétaire général selon son successeur, André Delmas qui estimait qu’il avait une « conception anarchisante de l’activité syndicale ». En effet, il ne fut jamais permanent, laissant cette tâche à Émile Glay, et venait au siège du syndicat chaque jour après sa classe. Il préférait la réflexion et la parole à l’écriture. Il ne voulait pas alourdir les structures syndicales dans la crainte que leur pouvoir ne devienne exorbitant.
Son action avait pris également une dimension internationale. Il fonda le Secrétariat international professionnel des syndicats d’instituteurs et professeurs au sein de la Fédération syndicale internationale d’Amsterdam. Il collabora aussi aux études du Conseil économique.
En 1929, Louis Roussel fut élu par 98 voix sur 135 votants au conseil départemental de l’enseignement de la Seine dans la 2e* circonscription (Ve-VIIIe arr.). La même année, il présida le congrès national du SNI à Paris (4-6 août 1929).
Militant de la 10e section de la Fédération de la Seine du Parti socialiste, il prit sa retraite en 1932 dans son pays natal, militant désormais dans la vie locale. Candidat en 1934 au conseil général dans le canton de L’Isle-Adam, il mena la liste SFIO aux élections municipales de 1935 avec une profession de foi d’une tonalité très politique contre le fascisme et la guerre, pour le désarmement. C’était loin d’être le cas de tous les candidats socialistes, soucieux d’apparaître comme « gestionnaires ».
Il fut élu maire de Beaumont en 1935, comme l’avait auparavant été son père. Grâce au grand respect que lui vouait une population où l’on comptait de nombreux cheminots, il fut réélu en 1945 face aux communistes et en 1947. Il resta maire jusqu’à sa mort.
Par Nadia Ténine-Michel
SOURCES : Arch. PPo. 306. — Arch. Dép. Seine-et-Oise, 2 M 16/19, 17, 30/52, 30/59, 1 W 683, 1029, 1056. — Le Travailleur de Seine-et-Oise, octobre 1934. — Le Populaire, 25 juillet 1952. — Le Peuple, 1929. — François Bernard, Louis Bouet, Maurice Dommanget, Gilbert Serret, Le Syndicalisme dans l’enseignement, Histoire de la Fédération de l’enseignement des origines à l’unification de 1935, Présentation et notes de Pierre Broué, Grenoble, Institut d’études politiques, 1966, 3 vol.. — A. Delmas, Mémoires d’un instituteur syndicaliste, Albatros, 1979. — La Révolution prolétarienne, novembre 1955 (témoignage de M. Pichorel). — Guy Putfin, « De l’amicalisme au syndicalisme : la création de la Fédération générale de l’Enseignement dans la CGT (1919-1929) », Cahiers du Centre fédéral (de la FEN), n° 6, juin 1993