SAILLANT André

Par Roger Pierre

Né le 10 octobre 1883 à Étoile (Drôme), mort le 19 juin 1935 à Valence (Drôme). Ouvrier des Cuirs et Peaux ; militant syndicaliste et de la Libre pensée socialiste.

André Saillant joua pendant plus de vingt ans un rôle de premier plan dans l’histoire du syndicalisme drômois. Issu d’une famille paysanne enracinée au bourg d’Étoile, proche de Valence, il vint y travailler comme ouvrier cordonnier. En 1903, il était adhérent, ou au moins sympathisant du petit groupe guesdiste ; son nom est l’un des premiers inscrits sur la liste de souscription destinée à financer une tournée de propagande de Lucien Roland.

En janvier 1905, il devint secrétaire de la section de l’Association internationale antimilitariste (AIA) qui fut alors constituée à Valence, diffusa clandestinement journaux et brochures, afficha des placards appelant les jeunes recrues à la désobéissance et à la révolte ; il appartenait aussi à la Libre pensée socialiste. En 1909, il remplaça à la direction de la chambre syndicale des ouvriers en Cuirs et Peaux de Valence, Henri Métral*, frappé par la répression. Représentant le courant syndicaliste révolutionnaire, il succéda au socialiste Jules Magnan* au secrétariat de la Bourse du Travail, le 4 septembre 1912, puis lorsqu’enfin se constitua cette même année, le 13 octobre, l’Union interdépartementale des syndicats ouvriers Drôme-Ardèche, il en fut le premier secrétaire.

Mobilisé en 1914, André Saillant fut, comme il le dit par la suite, écœuré par l’attitude des dirigeants de la CGT, dans lesquels il ne reconnaissait plus « les hommes qui, au congrès de Marseille en 1908, soutenaient et faisaient voter les motions antimilitaristes et antipatriotiques ». Il exprima aussi « le dégoût » qu’il avait éprouvé en lisant les résolutions adoptées en décembre 1917 par la conférence nationale de la CGT à Clermont-Ferrand, « où des discours d’un chauvinisme exalté furent prononcés, alors que nombreux étaient ceux qui comme lui souffraient dans les tranchées des horreurs de la guerre » (registre des procès-verbaux de l’Union des syndicats, 11 septembre 1921).

Démobilisé, adhéra-t-il à la section socialiste de Valence acquise au courant révolutionnaire ? Sa signature figure avec celles de Pierre Semard*, Jules Blanc*, etc. au bas de la motion dite « d’unanimité » proposée en 1920 par ce groupe au congrès fédéral, et préconisant l’adhésion à la IIIe Internationale. Mais, comme beaucoup de syndicalistes révolutionnaires, André Saillant éprouvait trop de méfiance à l’égard des partis et des « politiciens » pour s’engager vraiment dans l’action politique. De 1920 à 1923, d’abord adjoint à Victor Laquet*, puis lui succédant au secrétariat général de l’Union des syndicats ralliés à la CGTU, il s’affirma « adversaire de l’introduction de la politique au sein des organisations syndicales », consacra tous ses efforts à limiter les effets de la scission, à combattre « les luttes fratricides » et à maintenir l’unité syndicale dans la Drôme. Cependant la rupture ne put être évitée. Il démissionna du secrétariat en novembre 1923 et quitta l’année suivante l’Union des syndicats unitaires.

Il rejoignit par la suite l’organisation confédérée dont il fut secrétaire adjoint avant que son fils (voir Louis Saillant*) n’en prît la direction ; il se consacra plus particulièrement à la question des assurances sociales, à la création et au fonctionnement de la caisse mutuelle « Le Travail », et continua à rencontrer ses camarades unitaires au conseil d’administration de la Bourse du Travail. Il fut aussi secrétaire du conseil des prud’hommes et secrétaire général de la Libre pensée socialiste de la Drôme jusqu’à sa mort.

Sans être encore achevée, l’unité syndicale, pour laquelle le vieux militant ouvrier avait toujours combattu, était en bonne voie lorsqu’il mourut ; à ses obsèques, au milieu d’une grande affluence de travailleurs, les militants unitaires et confédérés se mêlèrent.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article130218, notice SAILLANT André par Roger Pierre, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 6 mars 2019.

Par Roger Pierre

SOURCES : Arch. Dép. Drôme, 80 M 7, 10 M 23. — Arch. Com. Valence, 19 F 2. — Registres des procès-verbaux de l’Union des syndicats de la Drôme, 1919-1924 ; de l’Union confédérée, 1928-1933. — Le Prolétaire. — Le Socialiste de la Drôme. — La Volonté socialiste, 22 juin 1935. — Le Travailleur alpin, 30 juin 1935. — La Démocratie de la Drôme, 11 octobre 1903. — R. Pierre, Les origines du syndicalisme et du socialisme dans la Drôme, op. cit. [Icon.].

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