SAINT-JACQUES Camille, Eugène

Par Julien Chuzeville

Né le 10 janvier 1902 à Neuilly-sur-Seine (Seine, Hauts-de-Seine) de parents antillais, mort le 16 juin 1986 à Paris ; ingénieur ; militant du Parti communiste et de l’Union intercoloniale ; anticolonialiste, militant de la cause des noirs, communiste oppositionnel.

D’origine haïtienne, Camille Saint-Jacques passa une partie de son enfance en Tunisie. Militant communiste à Paris, il était en 1924 membre de la Commission coloniale du PC, où il représentait les Antilles. Saint-Jacques était également membre de la Commission exécutive de l’Union intercoloniale. Il prit la parole au nom des Antilles lors d’un meeting organisé le 11 septembre 1924 à Paris par la Commission coloniale du PC, puis lors de la manifestation communiste du 28 septembre 1924 à Courbevoie au nom « des exploités coloniaux », ainsi que lors d’un meeting de l’Union intercoloniale le 29 mars 1925 (L’Humanité indiquant, peut-être par erreur, qu’il s’exprimait au nom de Madagascar), et de nouveau lors d’un meeting contre l’impérialisme le 12 avril 1925 à Paris.
Opposant à la « bolchevisation », il signa le 30 juillet 1925 une lettre collective avec Fernand Loriot, Amédée Dunois, Marthe Bigot, etc., dénonçant le « bureaucratisme tapageur, autoritaire et sectaire » de la direction du PC. Le 9 août, il était de nouveau parmi les signataires d’une lettre de l’opposition communiste, qui se solidarisait notamment avec les militants exclus en 1924 (Boris Souvarine, Pierre Monatte, etc.). En octobre 1925, il signa la lettre de l’opposition à l’Internationale communiste, dite Lettre des 250. Il figura également parmi les signataires d’un texte des communistes oppositionnels daté du 20 janvier 1926, se déclarant « tous solidaires des exclus ».
Saint-Jacques critiqua aussi la politique du parti sur la question marocaine : il défendait « l’indépendance du Rif » tout en critiquant le « chef féodal » Abd-el-Krim. Le n° 13 du Bulletin communiste (15 janvier 1926), signale son entrée au comité de rédaction de la revue relancée par Boris Souvarine. Il y donna deux articles sur la question syrienne, en parlant de « mépris des peuples coloniaux » de la part des nouveaux dirigeants du PC. Il envoya aux Cahiers du bolchevisme des articles critiquant la politique du Parti communiste, dénonçant en particulier l’incompétence de Jacques Doriot en matière coloniale. Saint-Jacques défendait par ailleurs le front unique. Il intervint le 9 janvier 1926 lors d’une Assemblée d’information de la région parisienne du PC, déclarant que « la direction du Parti a été au-dessous de sa tâche en face du problème colonial » (il était désigné comme « Saint-Jacques, camarade indigène » par L’Humanité du 11 janvier).
Le 20 avril 1926, il signa – aux côtés notamment de Mahmoud Ben Lekhal, Henri Sarotte et Ahmed Bourahla – une lettre de « camarades coloniaux » demandant à la direction du PC « de convoquer une assemblée des coloniaux de la R.P. [Région parisienne] ». En février 1927, Saint-Jacques participa au congrès de fondation de la Ligue contre l’impérialisme et l’oppression coloniale (« Ligue anti-impérialiste ») à Bruxelles. Le 20 mars 1927, il prit la parole au cours d’une des dernières réunions de l’Union intercoloniale, et y dénonça l’arrestation de Lamine Senghor.

Camille Saint-Jacques fit en juin 1927 une déclaration de gérance pour un journal intitulé Le Courrier des noirs, qui semble n’avoir eu qu’un seul numéro (non-retrouvé). Selon des rapports de police, il se serait éloigné de l’action militante à partir de 1929, mais ses sympathies seraient restées « acquises aux partis d’extrême-gauche ». Il participa en 1935 à la création de la Société Chantereine, qui avait pour but de commercialiser ses brevets, notamment un four à turbulence dit « système Saint-Jacques ». Il fut mobilisé en 1939 au sein de la 17e compagnie auxiliaire du Génie. Réfugié en Algérie pendant l’Occupation, il revint à Paris en 1945.
Il publia en septembre 1959 un article dans la revue La Révolution prolétarienne, intitulé « Des hauts-fourneaux en Afrique du Nord » ; il y dénonçait en conclusion « l’esprit impérial ».

Il s’était marié en décembre 1927 avec Lucienne Texier, avait trois enfants en 1939, puis se remaria en août 1977 avec Léonie Leray.
L’ingénieur Camille Saint-Jacques a déposé plusieurs brevets. Il a été l’inventeur du fourneaux-broyeur et a amélioré le silencieux pour pistolet.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article130241, notice SAINT-JACQUES Camille, Eugène par Julien Chuzeville, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 18 mai 2020.

Par Julien Chuzeville

SOURCES : Arch. Nat. 19940475/1 et 20010216/8. — Arch. PPo 1W1689 (dossier n° 97245). — RGASPI 517/1/241 et 517/1/407. — État civil de Neuilly. — État civil de Paris. — L’Humanité. — Bulletin communiste, n° 10, 25 décembre 1925 ; n° 14, 22 janvier 1926 ; n° 15, 29 janvier 1926. — Cahiers du bolchevisme, n° 52, 30 juin 1926 ; n° 54, 31 juillet 1926. — Claude Liauzu, Aux origines des tiers-mondismes, colonisés et anticolonialistes en France (1919-1939), L’Harmattan, 1982. — Michael Goebel, Anti-Imperial Metropolis, Interwar Paris and the Seeds of Third World Nationalism, Cambridge University press, 2015. — Notes de Andrée-Luce Fourcand.

ICONOGRAPHIE : Michael Goebel, Anti-Imperial Metropolis, op. cit., p. 204.

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