SAINT-PRIX (de) Pierre (de SOUBEYRAN)

Par Gilles Vergnon

Né le 1er août 1901 à Montélimar (Drôme), mort le 13 avril 1994 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; journaliste et écrivain, résistant, préfet de la Drôme à la Libération, du 31 août au 31 décembre 1944.

Petit-fils du président de la République Émile Loubet par sa mère, Marguerite Loubet (Marguerite de Saint-Prix ), qui épousa le magistrat Humbert de Soubeyran de Saint-Prix, frère de l’écrivain pacifiste Jean de Saint-Prix , disparu prématurément en 1919, le jeune Pierre de Saint Prix, après des études en Sorbonne, embrasse une carrière journalistique. Pierre de Saint-Prix affirmait dans une lettre à Pierre Monatte de juin 1919, ne pas être au "premier rang de la bataille comme Jean". Il était lié à La Vie ouvrière et communiquait à Monatte, par Colliard, des numéros de La Feuille.

Reporter, puis critique d’art et chef de rubrique à Excelsior, il collabore aussi à L’Intransigeant, L’Ere nouvelle, mais aussi Miroir des Sports. Proche du parti socialiste sans y adhérer, il participe à la Confédération des travailleurs intellectuels (CTI) dans les années trente, écrivant dans son journal, Le Cétéiste, rapportant à son congrès de 1937 sur "les centres intellectuels en Province", appartenant à son bureau national en 1940. Réfugié en 1940 dans la maison familiale de la Tour du Vère à Saulce, dans le sud de la Drôme, il entre en contact dès 1940 avec Marius Spezzini, secrétaire de la section SFIO de Montélimar et participe au mois de novembre (dès l’été, et avant le vote du 10 juillet selon sa propre version), chez Marc-Charles Bertrand, ancien chef de bureau au ministère des Anciens combattants, à une première réunion clandestine de socialistes de la Drôme et de l’Ardèche, en présence du député de l’Ardèche Edouard Froment, un des "80". Deux ans et de nombreux conciliabules et réunions plus tard, c’est chez le coiffeur Mirabel que Pierre de Saint-Prix assiste, en août 1942, à Montélimar, à la première réunion drômoise du Comité d’action socialiste (CAS), sous la présidence de Daniel Mayer, avec Edouard Froment (voir ce nom) et Marius Spezzini. Le petit groupe, qui diffuse le Populaire, amené par Raymond Gernez (voir ce nom), mais aussi Combat, s’étoffe de militants locaux et noue des contacts avec d’autres groupes, à Valence et à Crest. Désigné comme préfet de la Drôme par le CFLN, Pierre de Saint-Prix, menacé par la Gestapo, passe les derniers mois de l’occupation au maquis de Mirmande, où plusieurs témoins assurent l’avoir vu exercer les fonctions de cuisinier...

Installé préfet de la Drôme le 31 août 1944, il est confronté aux dossiers de la reconstruction du département et surtout de l’épuration. Il ne peut empêcher l’exécution sommaire le 3 octobre de 6 détenus, enlevés de la prison de Valence et abattus au pont de l’Epervière, au moment même de la visite à Valence du commissaire de la République, Yves Farge*. Ce fait, qui alourdit ses relations déjà notoirement mauvaises avec ce dernier, est-il à l’origine de son éviction et de son remplacement à la préfecture par Lucien Coudor ? Un câble du ministre de l’Intérieur Adrien Tixier (voir ce nom) à Yves Farge précise en tout cas que c’est sur "l’insistance" de ce dernier que la décision fut prise en conseil des ministres sur le motif "d’insuffisance marquée dans l’administration d’un département". La décision soulève de vives protestations, en particulier du CDL de la Drôme, et amène la démission temporaire du conseil municipal de Montélimar et de 13 autres conseils municipaux du sud de la Drôme.

Pierre de Saint-Prix conduit une "liste de la Résistance sociale et antifasciste" aux élections à la Constituante d’octobre 1945, avec le général de Lassus de Saint-Geniès, ancien commandant des FFI de la Drôme, le syndicaliste Charles Jullian (voir ce nom), brièvement en rupture de ban avec la SFIO, et le maire de Mirmande, l’agriculteur Charles Caillet, figure de la Résistance en Drôme provençale. La profession de foi de la liste proclame la nécessité de "refaire l’union autour de la résistance" pour "appliquer, depuis A jusqu’à Z, le programme du CNR, notre programme, à nous, Résistants !" Un autre document électoral incrimine "l’étranglement" de la Résistance, la "combine" et les luttes de partis, ainsi que "l’ignorance" de la Drôme par Paris. Les candidats, qui se prononcent pour le double "Oui" au référendum, insistent surtout sur "l’esprit" qui les anime, "un esprit nouveau, issu du maquis, un esprit de corps franc", selon les propres mots de Pierre de Saint-Prix lors d’une réunion le 17 octobre à Saint-Vallier. La liste, dont les réunions connaissent un certain succès public, inquiète les partis de gauche : une déclaration commune des sections socialiste et communiste de Montélimar condamne "les diviseurs" qui "se servent du mandat qui leur a été confié par l’ensemble des résistants pour jeter le trouble dans leurs rangs". La liste obtient 6287 voix, soit 5,5% des suffrages exprimés, mais 7,1% dans la circonscription de Montélimar.

Cette campagne marque la fin de l’activité politique publique de Pierre de Saint-Prix. En 1949, il préside le comité départemental des cérémonies organisées pour le VI° centenaire du rattachement du Dauphiné à la France. C’est dans ce cadre qu’il accueille la visite officielle du président Vincent Auriol le 12 juin à Valence, et supervise diverses manifestations, dont un "rassemblement de la Résistance dauphinoise" le 19 juin à Crest, et une conférence de Benjamin Malossane (voir ce nom) sur le maquis du Vercors, le 22 juin à Montélimar. Revenu de façon intermittente à son métier de journaliste, il est surtout actif dans le milieu des anciens résistants, fondant en 1959 l’union drômoise des Combattants volontaires de la Résistance (CVR), association dont il est vice-président national dans les années soixante, et assurant (dates) les fonctions de premier correspondant départemental du Comité d’histoire de la deuxième guerre mondiale. Il offre en 1992 au département une parcelle de terre destinée à la construction d’un mémorial de la Résistance drômoise, inauguré le 3 septembre 1995 à Saulce.

Pierre de Saint-Prix avait appelé publiquement au vote pour François Mitterrand, en 1974 et 1981.

Il était chevalier de la Légion d’honneur (1949).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article130254, notice SAINT-PRIX (de) Pierre (de SOUBEYRAN) par Gilles Vergnon, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 27 août 2015.

Par Gilles Vergnon

OEUVRE : Deux enfants, Les Cahiers de Paris, 1925 ; Fêtes et manifestations organisées dans la Drôme en 1949 pour le VI° centenaire du rattachement du Dauphiné à la France, Romans, Domergue, 1949 ; En plein vol. Jean de Saint-Prix-Romain Rolland. Lettres 1917-1919. Textes et documents (Préface et choix de textes par Pierre de Saint-Prix), Cahiers Romain Rolland 25, Paris, Albin Michel, 1980 ;Combats pour le Vercors et la Liberté (avec le général de Lassus Saint-Geniès), Valence, Peuple libre, 1982.

SOURCES : Arch. Dép. Drôme, Fonds Pierre de Saint-Prix J 680 7, 8,15. — Arch. Dép.Rhône, 283 W 25 ;La Tribune de Montélimar et du Tricastin, 20 janvier et 20 octobre 1945. — Le Dauphiné libéré, 13 avril 1994. — Peuple libre, 21 avril 1994. — Combats pour le Vercors et la liberté. — Alain Chatriot, La notion de chômeur intellectuel et l’action de la CTI dans les années trente, maîtrise, Paris I, 1996. — Antoine (Régis), La Littérature pacifiste et internationaliste française : 1915-1935, l’Harmattan. — Note de Frédéric Castaing (galerie Frédéric Castaing), lettre de Pierre Monatte à Pierre Saint-Prix, 3 juillet 1919.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable