Par Gérard Leidet
Né le 17 mai 1892 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 4 février 1945 à Dachau (Allemagne), en déportation ; instituteur ; militant syndicaliste des Bouches-du-Rhône ; secrétaire général de la Fédération unitaire de l’enseignement (1932-1935) ; secrétaire de rédaction de L’École émancipée ; résistant.
Fils d’un tailleur d’habits, Jean Salducci sortit de l’École normale d’instituteurs d’Aix-en-Provence en 1912. En stage à Port-Saint-Louis du Rhône, il perdit sa délégation de stagiaire à la suite d’un conflit avec le maire de cette ville, au sujet du service scolaire. Nommé à Mallemort (Bouches-du-Rhône) en mai 1913 puis appelé au service militaire, il fut décoré de la Croix de guerre et démobilisé le 30 septembre 1919.
Nommé aussitôt instituteur adjoint dans la banlieue ouvrière de Saint-André à Marseille où il résida jusqu’en 1940, Jean Salducci fut tout de suite attiré par l’action syndicale. « Syndicaliste fervent », selon un rapport préfectoral, il fut secrétaire du Syndicat unitaire de l’enseignement laïque (SEL), affilié à la Fédération unitaire de l’enseignement (FUE-CGTU), jusqu’en octobre 1929. Il avait été, en avril 1929, candidat de son syndicat au conseil départemental de l’enseignement primaire. Il devint en juin 1929, gérant de L’Émancipation, « Bulletin du sindicat des institutrices et des instituteurs sindiqués et sindicalistes de la région du Sud-Est » (en "ortographe simplifiée" élaborée par Jean Barès qui subventionnait les publications utilisant ce procédé), bulletin dont le sous-titre était Bulletin mensuel des syndicats des membres de l’enseignement laïque des Basses-Alpes et des Bouches-du-Rhône. Il succédait à cette fonction à Édouard Labeille (1927-1929) qui fut de nouveau responsable-gérant du bulletin en 1933. Salducci fut délégué, en juillet, au congrès de Besançon. À partir de mai 1930, et jusqu’en novembre 1932, il se chargea de l’administration de L’Émancipation.
A la rentrée scolaire 1932, Gilbert Serret qui s’efforçait de trouver un successeur qui puisse le remplacer au poste de secrétaire général de la Fédération de l’enseignement ne voyait guère que Salducci qu’il avait pu apprécier en tant que secrétaire corporatif du bureau sortant. Celui-ci, dans un premier temps, déclina l’offre qui lui était faite car, expliquait-il, la Majorité fédérale de son département, les Bouches-du-Rhône, s’estimait trop faible pour assumer la direction de la Fédération ; et ce, d’autant plus que beaucoup de ses membres, tentés de rejoindre le syndicat national (CGT), n’appréciaient pas tellement la présence du bureau fédéral, dans leur département. Par ailleurs « l’affaire Mayoux » François Mayoux n’avait toujours pas reçu de solution et constituait un contentieux entre la direction fédérale et les militants marseillais. Salducci craignit de se retrouver dans une position délicate s’il était désigné pour diriger la fédération et contraint de prendre des mesures contre son propre syndicat coupable d’indiscipline. Ses camarades de tendance parvinrent cependant à le convaincre qu’un refus de sa part précipiterait la Fédération dans une crise sans doute fatale. Il accepta donc, en désespoir de cause, de succéder à Gilbert Serret comme secrétaire général de la Fédération de l’enseignement et le demeura jusqu’en 1935. Mais il fut obligé de faire appel à sept militants de l’Ardèche et du Vaucluse pour compléter le nouveau bureau fédéral où ne figuraient que trois membres de son syndicat. Un noyau dirigeant informel qui n’avait rien de statutaire, et dont les membres se consultaient par correspondance avant chaque décision importante que devait prendre la FUE, s’était constitué vers 1926. Il regroupait à l’origine Louis Bouët, Maurice Dommanget et Joseph Rollo, sorte de trio dirigeant qui contrôlait en quelque sorte la direction élue par les instances du syndicat. Salducci n’en fit partie qu’à partir du moment où il devint secrétaire général de la Fédération, dès 1932. Le 9 novembre 1932 parut un décret-loi qui faisait passer les instituteurs du cadre des fonctionnaires actifs (B) à celui des personnels sédentaires ; ce qui revenait à leur supprimer le droit de prendre leur retraite à cinquante-cinq ans. En réaction, le cartel confédéré de la Fonction publique, décida, pour la première fois dans l’histoire de cette branche du syndicalisme, d’appeler ses adhérents à une grève de durée limitée. Jean Salducci ne croyait pas que le cartel confédéré était vraiment décidé à mettre ses menaces à exécution. Cependant il lui fallut faire face à toute éventualité quand le SN fit savoir que la grève, dans l’enseignement primaire, prendrait la forme d’une rentrée retardée d’une demi-heure : « Je ne voulais pas par ailleurs qu’on puisse dire qu’après avoir préconisé l’action nous nous dégonflions avant d’y passer ». Il envoya donc une circulaire fédérale dans laquelle il appelait, contraint et forcé, les syndicats unitaires à participer à l’action préconisée par le SNI. Les responsables du SN ayant décidé de ne dévoiler la date prévue pour la grève qu’au dernier moment, le bureau fédéral de la FUE n’étant pas dans la confidence, Salducci et ses camarades ne purent que constater leur incapacité à peser réellement sur les événements. Par l’intermédiaire de la fédération autonome, ils apprirent, le 16 février 1933, que le cartel confédéré et le SN avaient fixé la date de la grève pour le 20 février à l’occasion de la rentrée de l’après-midi. Salducci envoya une deuxième circulaire invitant les syndicats unitaires à appliquer le mot d’ordre lancé par le SN malgré son caractère insuffisant. Le front unique qu’il préconisait se réalisa dans quelques départements comme les Bouches-du-Rhône, l’Ardèche, les Alpes-Maritimes.
Lors de « l’affaire Freinet » Célestin Freinet qui débuta au mois de décembre 1932, le bureau fédéral se retrouva dans une position délicate, Salducci se plaignant en particulier de ne pas avoir été informé par le principal intéressé - ou par son syndicat - des événements à l’origine de l’affaire. L’amertume de Salducci fut d’autant plus grande que le SN, lui, avait été alerté dès le premier jour et put intervenir ainsi immédiatement. Au mois d’avril, par la presse il apprit la tenue à Nice d’un meeting de soutien à Célestin Freinet. On pouvait imaginer quelle fut sa réaction lorsqu’il lut dans le bulletin du mois de juillet du syndicat des Alpes-Maritimes que celui-ci déplorait que seul le SN avait défendu le militant. Avec ses camarades de la Majorité fédérale (MF), il n’apprécia visiblement pas certains procédés utilisés par Freinet dans cette affaire. Ainsi quand les parents d’élèves favorables à Freinet envoyèrent à l’inspecteur d’académie une lettre dans laquelle ils se plaignaient de l’enseignement dispensé par le remplaçant de l’instituteur déplacé à Bar-sur-Loup. Persuadé, comme Serret, que Freinet était à l’origine de cette démarche, il eut une réaction encore plus virulente que celui-là : « Freinet en arrive à commettre les pires “saloperies“- le mot n’est pas assez fort - pour satisfaire son orgueil ».
Dans la période qui précéda celle du congrès fédéral de Reims (août 1933), le climat au sein de la Fédération ne cessait de se détériorer. Les débats qui concernaient la situation en URSS, les « responsabilités » du Parti communiste allemand dans l’accession d’Hitler au pouvoir évoquées par Jean Prader*, entraînèrent de violentes altercations entre militants de la MF et de la Ligue communiste aux partisans de la Minorité oppositionnelle révolutionnaire (MOR) organisée par les partisans de la direction de la CGTU dans la fédération depuis 1929. Dans un tel contexte qui laissait présager une ambiance tendue pour le congrès fédéral, Salducci écrivit à Louis Bouët qu’ « il [viendrait] à Reims avec un solide nerf de boeuf ». S’il ne mit pas, bien évidemment, sa menace à exécution- « ce qui n’était guère dans son tempérament » (Loïc Le Bars)- les orateurs de la MOR le prirent souvent pour cible, réitérant les reproches des mois précédents, parmi lesquels, celui « de ne pas être à la hauteur ». Selon ces partisans du Parti communiste regroupés dans la MOR, une « direction occulte » au premier rang de laquelle figurait Serret, était à la tête de la Fédération, et le secrétaire fédéral, Salducci, lui servait de paravent.
Un autre débat agitait la Fédération, celui de « l’évidence à rejoindre », selon certains militants de la FUE, la CGT et le SN dans le cadre de la réunification syndicale CGT-CGTU. Cette thèse était défendue notamment par Joseph Rollo - alors encore secrétaire du SEL du Morbihan qui n’allait pas tarder à rejoindre le SNI - à laquelle Salducci et les autres dirigeants de la MF décidèrent de répondre collectivement. Le 2 juillet 1933, parut dans L’École émancipée une « réponse du bureau fédéral et de la MF au syndicat du Morbihan ». Salducci et ses camarades réaffirmèrent la nécessité de l’unité syndicale « nationale et internationale ». Mais celle-ci n’avait de valeur que si « elle [était] au service du prolétariat ». La centrale unique devrait donc reconnaître la lutte des classes, « œuvrer dans le sens révolutionnaire » et être dirigée par des révolutionnaires… Autant de préconisations, parmi d’autres, qui réduisaient considérablement la portée de la prise de position de Salducci et des responsables de la MF.
Jean Salducci assista au congrès confédéral de la CGTU qui se tint du 23 au 29 septembre 1933 et qui fut en partie consacré à la dénonciation des agissements de la direction de la Fédération de l’enseignement accusée d’être devenue un « parti-syndicat contre-révolutionnaire ». Avec ses camarades Bouët et Serret, il eut le plus grand mal à se faire entendre ; les trois dirigeants de la Fédération furent l’objet de railleries, d’injures et même de menaces. Dans ce contexte très difficile, le bureau fédéral proposa de nouveau, en octobre, le front unique au SN visiblement décidé à entamer une épreuve de force avec le gouvernement sur la question des retraites. A cet effet, Salducci envoya le 15 octobre, au SN, une « lettre ouverte » dans laquelle il proposait « l’action commune « par la constitution de comités inter-syndicaux incluant les problèmes de retraites et de salaires. Le SN répondit qu’il entendait décider seul de la manière dont devaient être appliquées dans l’enseignement primaire les consignes du cartel confédéré des fonctionnaires. Il repoussa donc, officiellement pour des raisons d’efficacité, les suggestions de Salducci, s’engageant simplement, afin de prouver sa « bonne volonté », à lui communiquer les modalités d’action qu’il déciderait.
Le 12 février 1934, pour la première fois, les fonctionnaires, et en particulier les enseignants, furent appelés à cesser le travail pour vingt-quatre heures. Devant la réaction très rapide et unilatérale du SNI, Jean Salducci ne put que demander à Pierre Boursicot, secrétaire du Syndicat autonome des contributions indirectes, de lui communiquer les décisions prises par la Fédération confédérée des fonctionnaires. Le 8 février, il reçut coup sur coup deux télégrammes. Le premier envoyé par Boursicot, l’informa de la prise de position de la CGT ; le deuxième lui annonça la décision de la CGTU d’appeler elle aussi à la grève du 12. Les dirigeants de la MF donnèrent l’impression d’être contraints d’appeler à l’action et insistèrent, notamment lors de la réunion exceptionnelle du Conseil fédéral du 11 février, sur ce que Jean Salducci appela « les dessous du mouvement » (allusion au fait que les dirigeants de la CGT n’avaient lancé le mot d’ordre de grève qu’après avoir reçu l’assentiment de Paul Doumergue, nouveau président du Conseil). Or selon Salducci toujours, « la masse croit dur comme fer faire une action importante…il faut lui présenter la vérité avec habileté » sans heurter de front ses illusions. Sa correspondance (et celle de Bouët) soulignait la facilité avec laquelle, en province, l’unité s’était imposée le 12 février ; le front unique entre la Fédération et le SN s’était spontanément réalisé. Or les fonctionnaires allaient être les principales victimes des mesures prises par le gouvernement (Décrets-lois de P Doumergue). Salducci fit alors une déclaration « contre ces mesures qui [allaient] aggraver fatalement la crise économique et hâter l’instauration du fascisme » et proposa de nouveau au SNI de préparer ensemble « l’action directe de masse ». Il dirigea la délégation fédérale qui rencontra André Delmas, secrétaire général du SN, qui lui confirma que ni la CGT ni sa fédération des fonctionnaires n’envisageaient cette éventualité. Aux propositions de front unique de la Fédération unitaire, ce dernier répondit par la nécessité de réaliser au plus tôt l’unité corporative.
La Fédération devait-elle dans ces conditions, lancer seule un mot d’ordre de grève pour le 1er mai ? Jean Salducci fit part à Bouët de ses hésitations et de son désarroi : « Si nous étions suivis même partiellement, j’irais de bon cœur. Mais… personnellement je suis prêt à prendre mes responsabilités. Seulement, il y a la poignée de copains qu’on envoie à l’abattoir. Louvoyer ? ». A la mi-avril il envoya une circulaire « volontairement imprécise » qui soulignait le manque de clarté du mot d’ordre de la CGTU et avoua implicitement qu’il fallait attendre de connaître les intentions des confédérés avant de prendre une décision définitive. Le 27 une deuxième circulaire invita les responsables des syndicats à appeler à la grève, à la condition néanmoins que le SNI en fît de même. Aucun arrêt de travail n’eut donc lieu le 1er mai 1934 dans l’enseignement. Par ailleurs, la question de la succession de Jean Salducci vint rappeler aux responsables de la MF « l’insuffisance dramatique » du vivier militant de la Fédération. Salducci, dont la femme se remettait très difficilement d’une tentative de suicide, repoussa l’éventualité d’une prolongation de son mandat. Or les dirigeants des syndicats de la Mayenne et de la Sarthe, les anciens secrétaires fédéraux n’étaient pas prêts à prendre la relève ; ils firent pression sur lui afin qu’il revienne sur sa décision. En juin 1934, alors qu’on semblait s’acheminer vers l’entrée en bloc de la CGTU dans la CGT, Salducci, à l’image de beaucoup de militants de la MF, ne parvenait que très difficilement à envisager la disparition de « son » organisation : « Même avec les avantages qui en résulteraient( ?!) pour l’action de masse, ce sera dur de sacrifier la Fédération. Si la fusion globale se réalisait un jour, nous serons contraints de disparaître et ce sera avec mal au cœur, tu peux le croire. » Lors du congrès de Montpellier (août 1934), Salducci, qui avait finalement accepté de prolonger son mandat d’un an, continua de diriger le bureau fédéral en partie renouvelé. A ce titre, il fut le seul secrétaire général qui demeura en fonction pendant une année supplémentaire- la décision d’inclure dans les statuts fédéraux la possibilité pour un bureau fédéral de voir son mandat prolongé d’un ou deux ans avait été prise lors du congrès de 1928. A la rentrée d’octobre, lorsque Joseph Rollo fit entériner par référendum la fusion de son syndicat du Morbihan avec la section locale du SN, Salducci, qui n’eut pas de mots assez durs pour fustiger l’attitude de son « ex-camarade », considéra que « Rollo se [conduisait] comme un dégoûtant ».
La rencontre, début janvier 1935, de la Fédération de l’enseignement et du SN se déroula dans une ambiance assez tendue. Salducci se heurta à plusieurs reprises à Delmas qu’il trouva « suffisant, sectaire, tranchant ». La perspective de devoir réaliser l’unité avec de tels partenaires ne l’enchantait guère : « Je ne regrette pas d’avoir pris contact avec ces gens-là ; ils sont au-dessous de ce que j’aurais imaginé…et il y a entre nous des incompatibilités irréductibles. » De leur côté, les syndicats tenus par la MOR proposèrent aux sections du SN la constitution de listes communes sur la base de trois confédérés pour un unitaire. Pour Salducci, leur attitude prouvait que cette tendance « [voulait] la rentrée dans le SN même si ses responsables [n’osaient] pas encore le dire ouvertement. » En mai 1935, à la suite de la signature du pacte d’assistance mutuelle entre la France et l’URSS et du discours de Maurice Thorez (dont l’Humanité rendit compte le 24), il exprima avec force son indignation : « C’est ignoble toute cette comédie » s’écria-t-il dès la signature du pacte. Les déclarations de Staline le persuadèrent que la marche vers l’Union sacrée et son corollaire, l’unité syndicale, ne pouvait que s’accélérer. Dans ces conditions, il alla même jusqu’à se demander s’il ne fallait pas maintenir « à n’importe quel prix la Fédération » : « Il vaut mieux, puisque nous sommes condamnés à être écrasés en restant nous-mêmes. » Ces prises de positions ne passaient pas inaperçues et les relations entre les partisans de la MF et les militants « orthodoxes » du Parti communiste devinrent de plus en plus tendues : « Ici nous nous faisons traiter de réactionnaires » déplora-t-il. En juin, lorsque la CGTU reprit les pourparlers avec la CGT, Salducci estima qu’en octobre tout serait joué et que l’unité serait réalisée. Le maintien de la fédération, qu’il avait un temps envisagé, lui sembla désormais irréaliste. Il fallait donc se résoudre à disparaître, même si le SNI n’accordait pas le droit de tendance réclamé jusqu’au bout par la fédération. Ce climat annonçait-il les critiques concernant le Front populaire en gestation lorsque Salducci nota avec amertume « les perles de l’Huma sur le drapeau tricolore » ?
Le 17 novembre 1935, une commission mixte (FUE et Fédération générale de l’enseignement, FGE-CGT) définit les points litigieux que le congrès de fusion, dont la date fut fixée au 27 décembre 1935, devrait régler : « La fusion c’est la rentrée pure et simple dans les syndicats de catégorie », regretta Salducci. Avec Serret, Bouët et quelques autres, il vit à sa grande surprise son nom figurer sur une liste de candidats au conseil national du SN que la direction de cette organisation comptait présenter au congrès de fusion. Il dénonça avec ses camarades ce procédé et fit savoir qu’il n’accepterait de siéger dans cet organisme qu’en tant que représentant élu de sa tendance et librement désigné par elle. La dernière circulaire de la MF annonça la constitution de groupes des amis de L’École émancipée s’appuyant sur la coopérative du même nom. Salducci redevint ainsi responsable de la tendance qui entendait devenir l’axe du futur regroupement syndicaliste révolutionnaire du SN. Il se consacra alors à l’organisation des groupes des « Amis de L’École émancipée » qui, dans le SNI, continuèrent à se comporter comme une tendance de fait sinon de droit. Responsable de ces groupes avec Gilbert Serret, ainsi que des militants plus jeunes comme Marcel Valière et Henri Féraud, il resta le principal porte-parole de la « minorité révolutionnaire » de la CGT pendant les années 1936-1939. Il fut donc partie prenante de toutes les tentatives de regroupement de cette minorité depuis la constitution en 1937 des « cercles syndicalistes lutte de classe » jusqu’à la publication du Réveil syndicaliste à partir de juin 1938.
En novembre 1935, Jean Salducci fit partie du bureau provisoire du syndicat unique (section départementale du SNI) en qualité de secrétaire administratif pour les Bouches-du-Rhône.
Lors du congrès départemental de juillet 1938, il évoqua la question de La Terre Libre, l’hebdomadaire dont s’était doté le SNI. Il rappela la résolution du CN demandant 3 fr par syndiqué afin de combler le déficit du journal et regretta que la question ne fût pas posée lors des AG précédant le congrès. Nivière*, trésorier de la section lui expliqua que la CE avait décidé de ne rien donner, puis que celle-ci avait changé d’avis. Le 12 novembre 1938, Salducci écrivit un long article dans L’université, bulletin du syndicat départemental de l’enseignement des Bouches-du-Rhône (section de la FGE), intitulé « Si j’étais inspecteur… ». Il y dénonçait les pratiques émanant de « comités » qui impulsaient des souscriptions, en vue de cadeau collectif, lors du départ de tel inspecteur d’Académie ou inspecteur primaire. Il fit la grève du 30 novembre 1938 et fut sanctionné par une retenue de huit jours de traitement. Lors de l’assemblée générale de la sous-section marseillaise du 13 décembre 1938, Millet, secrétaire de la commission pédagogique de la CE, proposa de ne prononcer aucune exclusion et de n’accepter aucune démission à l’encontre des instituteurs non-grévistes du 30 novembre. Salducci se demandant « si l’on [était] au syndicat ou à l’armée du salut », fut favorable à une sanction envers les militants « fautifs » mais non contre les syndiqués de base. Lors de la réunion de la CE du 19 janvier 1939 qui examinait le « cas Roubaud » (professeur aux cours professionnels de la Bourse du Travail), il demanda ce que ferait la commission administrative pour « ce camarade qui n’avait pas participé à la grève ». Après un débat au cours duquel Nivière*, trésorier du SNI, proposa que la commission se mette en rapport avec Varèse et la CA de la Bourse du Travail, Salducci approuva la démarche de la CE, résumée par la motion d’Irma Rapuzzi qui désapprouvait l’attitude du militant et envisageait son exclusion par le Conseil syndical. Enfin, il assista au conseil syndical du 30 mars 1939 qui entérina les suites de la grève de novembre : devait-on exclure les syndicalistes non-grévistes de la CE, tels Léonce Michel*, qui avaient refusé de démissionner ? Il estima que le Conseil syndical de décembre s’était prononcé sur cette question et qu’il n’y avait qu’à confirmer la décision. Le CS valida l’exclusion ; une voix se prononça contre. Lors de ce même CS, il demanda la discussion d’une proposition de représentation proportionnelle au bureau national. Le débat qui suivit, défavorable à sa demande, fut conclu par un vote afin de savoir si ce projet, défendu également par Pascal Léna et Ernest Margaillan devait être discuté devant le CS (pour :14 ; contre :13 ; abstentions : 9). À la veille de la guerre, il était considéré à Marseille comme le porte-parole de L’École émancipée dont il était le secrétaire de rédaction.
Pendant l’Occupation, Salducci fut le chef du mouvement « Combat universitaire ». Il éditait, rédigeait et distribuait le journal clandestin Combat du Sud-Est. En février 1942, il entra dans les Forces françaises de l’intérieur. Il fut arrêté à Marseille le 28 avril 1943 avec plusieurs autres membres du réseau « Combat », après la trahison de Jean Multon. Lors de son arrestation, les archives fédérales, conservées par celui qui fut l’avant-dernier secrétaire de la Fédération de l’enseignement, furent saisies puis détruites par la Gestapo. Interné à la prison Saint-Pierre puis à Fresnes, déporté en Allemagne le 15 novembre 1943, il fut successivement captif dans les camps de Neue Bremm, Buchenwald, Natzweiler-Struthof et Dachau où il mourut.
Jean Salducci fut décoré de la médaille de la Résistance le 27 mars 1947. Un boulevard de Marseille (16e arrondissement), situé dans le quartier de Saint-André où il avait été nommé instituteur et vécu jusqu’à la guerre, porte le nom de Jean Salducci.
Par Gérard Leidet
SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M 6/10808, XIV M 25/134. — Arch. Com. Marseille. — François Bernard, Louis Bouet, Maurice Dommanget, Gilbert Serret, Le syndicalisme dans l’enseignement, Histoire de la Fédération de l’enseignement des origines à l’unification de 1935, Présentation et notes de Pierre Broué, Grenoble, Institut d’études politiques, 1966, 3 vol. — L’Émancipation, avril, juin, juillet 1929, mai, octobre 1930, novembre 1932, novembre 1935. — Bulletin des amis de l’École émancipée (Bouches-du-Rhône), 3 juillet 1945. — Rens. de Madeleine Baudoin et P. Giraud. — Loïc Le Bars, La Fédération unitaire de l’enseignement (1919-1935) : Aux origines du syndicalisme enseignant, ed Syllepse, 2005. — Lettre du 28 mai 1933, IFHS, F. Bouët, 14 AS 482. — Circulaire fédérale, n°11, 26 janvier1933, ibid. — Lettre du 17 juin 1933, ibid. — Lettre du 16 avril 1934, ibid. — Lettre du 20 juin 1934. Ibid. — Lettre du 12 janvier 1935, IFHS, F. Bouët,14 AS 487. — Lettre du 19 mars 1935, ibid. — Lettre du 4 mai 1935, ibid. — Lettre du 15 mai 1935, ibid. — Lettre du 7 juillet 1935, ibid. — Lettre du 29 octobre 1935, ibid. — L’École émancipée, n° 39, 2 juillet 1933. — L’Ecole émancipée, n°6, 5 novembre 1933. — Notes de Loïc Le Bars. — Fondation pour la mémoire de la déportation - Livre mémorial. — Notice Jean Salducci in DBMOF par Antoine Olivesi.