SAMPAIX Lucien

Par Nathalie Viet-Depaule

Né le 13 mai 1899 à Sedan (Ardennes), fusillé comme otage le 15 décembre 1941 à Caen (Calvados) ; ajusteur-mécanicien puis journaliste ; secrétaire du rayon de Sedan puis secrétaire de la région Nord-Est du Parti communiste, directeur de L’Exploité, secrétaire de rédaction à l’Humanité puis secrétaire général de l’Humanité.

Lucien Sampaix
Lucien Sampaix

Fils d’un ouvrier tisseur, cinquième enfant d’une famille de sept, Lucien Sampaix entra, à l’âge de douze ans, en apprentissage dans une usine de métallurgie, où il acquit la qualification d’ajusteur-mécanicien. Pendant l’exode de 1914, il se loua chez des paysans de la Marne, puis travailla dans une brasserie à Rouen, jusqu’à sa mobilisation, en avril 1918. Démobilisé en 1921, il revint à Sedan et s’embaucha dans le textile, notamment chez Monnet, Grosselin, puis dans la métallurgie, aux Aciéries de Longwy (Meurthe-et-Moselle).
Ce fut à partir de ce moment que Lucien Sampaix commença à militer, adhérant d’abord au syndicat Confédération générale du travail unitaire (CGTU) de la métallurgie, puis, en 1923, au Parti communiste. Rapidement, il devint secrétaire à la fois du syndicat local des Métaux et du rayon de Sedan. Il participa dès lors à toutes les luttes, comme celles de la Ruhr en 1923 ou de la guerre du Rif en 1925, animant des réunions ou organisant des grèves dans le Sedanais et à Raucourt (Meurthe-et-Moselle). Son activité militante (il était également membre de l’Association républicaine des anciens combattants [ARAC] et du Secours rouge international [SRI]) et ses articles économiques, sociaux et politiques sur la situation à Sedan, qu’il publia en 1927 dans L’Exploité, organe de la région de l’Est du Parti communiste, amenèrent Jacques Bozzi dans Le Socialiste ardennais, qui aimait railler les communistes ardennais, à les appeler « les Sampaix ». Cela lui valut aussi d’être mis à la porte non seulement des Aciéries de Longwy en 1926, mais aussi par maints autres employeurs des Ardennes.
Désigné en 1929 comme secrétaire général de la région Nord-Est (Aisne, Ardennes, Marne) du Parti communiste, Lucien Sampaix s’installa à Reims (Marne) et débuta sa vie de permanent. En avril, il dirigea la grève de la serrurerie Borderel avec Gabriel Diné, secrétaire de la deuxième Union régionale des syndicats unitaires, réussit le 1er mai à débaucher les ouvriers de l’usine Laval, organisa le 11 mai un meeting auquel plus de 1 600 grévistes assistèrent, fut l’instigateur en novembre de la grève des métallurgistes de Guise (Aisne). Faisant partie du nouveau bureau de l’Union régionale unitaire (URU) en 1930, il continua à inciter des mouvements revendicatifs, notamment, en juillet et en août, dans l’industrie textile de Saint-Quentin ou, en septembre, dans le secteur vinicole de Reims-Épernay (Marne).
Lucien Sampaix n’avait cessé de collaborer régulièrement à L’Exploité. Il en devint le directeur et publia de nombreux articles, dont certains appelaient à la fraternisation des soldats et des ouvriers. Ayant été à l’origine du parrainage du 106e Régiment d’infanterie par les ouvriers du syndicat du Bâtiment, il fut arrêté, le 12 avril 1930, après perquisition à la Maison du Peuple, inculpé, puis relâché. Condamné à six mois de prison puis, en mai 1931, à dix mois de prison et cinq cents francs d’amende, il entra dans la clandestinité, mais fut à nouveau arrêté à Charleville (Ardennes) en novembre 1931. Confirmée par la cour d’appel, sa condamnation le conduisit aux prisons de Reims et de la Santé (Paris, XIVe arr.) puis à la centrale de Clairvaux (Aube). Après neuf mois de détention, il fut libéré à la faveur d’une amnistie présidentielle. Pendant son incarcération, où il avait obtenu le statut de détenu politique, Lucien Sampaix avait été, à titre de protestation, deux fois candidat : aux élections cantonales d’octobre 1931 dans le canton de Sedan-Nord et aux législatives de 1932 dans la circonscription de Sedan, où il avait obtenu 2 213 voix sur 15 772 inscrits.
Lucien Sampaix fut alors appelé à la rédaction de l’Humanité pour s’occuper de la rubrique « informations politiques ». Côtoyant Gabriel Péri, Paul Vaillant-Couturier et Louis Aragon, il devint, en juillet 1936, secrétaire général de l’Humanité sous la direction de Marcel Cachin. Membre du rayon des Ier et IIe arrondissements, il avait été présenté aux législatives de 1936 dans la deuxième circonscription du Xe arrondissement (porte Saint-Martin, porte Saint-Denis), où il avait recueilli 2 305 voix sur 14 740 inscrits, soit 15,6 %, et s’était désisté en faveur de Lucien Bossoutrot, radical-socialiste qui avait été élu.
À l’Humanité, Lucien Sampaix utilisa sa plume pour défendre les soldats et mener des campagnes notamment contre les « cagoulards » ou les agissements de la 5e colonne. Marcel Cachin, dans un article de l’Humanité du 15 décembre 1948, rappela qu’il « démasqua sans se lasser les Abetz, les Bonnet, les Dusseigneur, les de Brinon, les Doriot... Sa campagne trouvait dans le pays une telle résonance que ceux qu’il marquait au fer rouge le traînèrent, dans les débuts de juillet 1939, devant la 12e chambre correctionnelle de Paris. » Défendu par Me de Moro-Giafferi, il fut acquitté.
Il fut affecté dans une usine de Levallois (Seine, Hauts-de-Seine) en 1939, mais le directeur refusa de le prendre malgré son ordre de mobilisation. Lucien Sampaix participa alors à la parution de l’Humanité clandestine, ce qui lui valut d’être arrêté le 19 décembre. Transféré de camp en camp, il réussit à s’évader le 25 décembre 1940 et à gagner Paris. Il reprit contact avec le Parti communiste clandestin, mais fut très vite à nouveau arrêté, le 27 mars 1941. Détenu à la Santé, condamné le 27 août aux travaux forcés à perpétuité, il fut conduit à la centrale de Beaulieu, à Caen, et fusillé le 15 décembre avec treize autres otages.
Sa femme, Yvonne Sampaix, et sa fille, Simone Sampaix, furent aussi des militantes communistes et résistantes. Il avait un fils qui mourut en 2016.
Comme Gabriel Péri, fusillé le même jour que lui, Lucien Sampaix fut traité en héros après son exécution. Leurs noms furent toujours associés dans les luttes patriotiques que le Parti communiste français mena et dans les hommages qu’il leur rendit. Ils furent donnés à de nombreuses rues ou places dans toute la France.


La lettre de Lucien Sampaix ne figure pas dans le premier recueil de Lettres de fusillés, Éditions France d’Abord, 1946. Elle apparaît dans la brochure Lettres de fusillés de 1958, préface de Jacques Duclos, Éditions sociales, p. 25 et est reprise dans l’édition de 1970, p. 39-40,

Extrait d’une lettre adressée pur Lucien Saimpaix à sa femme le 15 septembre 1941, au moment de quitter la prison via Fresnes pour le bagne de Beaulieu, près de Caen. où il allait être fusillé, comme otage le 15 décembre 1941.

Quant à moi, dans mon nouveau domaine, quel que soit le sort qui m’attend, je ne faiblirai pas, sois sûre. Mon idéal, que j’ai défendu jusque devant la mort, me soutiendra. D’autres choses aussi, je l’espère. Tout ce petit monde qui croit nous abattre a bien tort de penser que prison, bagne ou guillotine peuvent faire reculer une idée et faire barrage à des événements inéluctables. La prison, le bagne, ça se supporte et tu me croiras si tu veux même la mort n’apparaît pas si terrible quand on la sent comme je l’ai sentie. C’est sûrement plus terrible pour ceux qui restent et qui pleurent que pour ceux qui partent avec le sentiment du devoir accompli jusqu’au bout...

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article130394, notice SAMPAIX Lucien par Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 4 mars 2022.

Par Nathalie Viet-Depaule

Lucien Sampaix
Lucien Sampaix
Tract clandestin du PCF annonçant l’exécution de Gabriel Péri et Lucien Sampaix.

SOURCES : Fonds Lucien Sampaix, Arch. Dép. de Seine-Saint-Denis (459 J), inventaire en ligne. — RGASPI, 495 270 7063. — Dominique Pierre, La CGT à Reims de 1918 à 1936, MM, Reims, 1976. — L’Exploité, 23 avril 1932. — Le Cri de Saint-Quentin, 1930-1931. — « Plaidoirie pour Lucien Sampaix prononcée au procès du 28 juillet 1939 », supplément à l’Humanité, 5 août 1939. — L’Humanité, 15 décembre 1948, 15 décembre 1953, 17 décembre 1961, 15 décembre 1966, 15 décembre 1969, 16 décembre 1971. — Cahiers de l’Institut Maurice Thorez, no 25, janvier-février 1972.

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