SARDA Henri, Jules, Clément

Par Jacques Girault, Loïc Le Bars, François Roux

Né le 10 décembre 1904 à Avignon (Vaucluse), mort le 16 février 1996 à Avignon ; instituteur dans la Vaucluse ; militant de la FUE puis du SNI ; membre du dernier bureau fédéral de la FUE (1935) et du bureau national du SNI (1951-1957) ; directeur-gérant de L’École émancipée (1948-1960).

Quatrième fils de Pierre Sarda, forgeron au quartier Saint-Ruf, et de Célina Champetier, sans profession, future femme de ménage, Henri Sarda fut marqué par la Première Guerre mondiale : son frère aîné, Auguste, fut tué au front en 1915, ses deux autres frères en sortirent grièvement blessés. Élève de l’École normale d’instituteurs d’Avignon en 1921, il prit la tête du mouvement d’opposition à la préparation militaire obligatoire.

Il fut nommé en 1926 instituteur à Caseneuve, dans le Lubéron. Il créa en 1928, avec un collègue de promotion, Albert Miquel, un groupe de jeunes instituteurs et institutrices rattaché à la Fédération unitaire de l’enseignement (FUE). L’année suivante, ces deux militants furent à l’origine, avec Ernest Denante, membre du Parti communiste, de la fondation du Syndicat de l’enseignement laïc du Vaucluse, affilié à la FUE, dont il devint le secrétaire corporatif. En avril 1929, ce tout nouveau syndicat présenta des candidats, parmi lesquels il figurait en compagnie de Denante, aux élections au conseil départemental de l’enseignement primaire contre ceux du Syndicat national ; contre toute attente, ils obtinrent près d’un quart des suffrages.

Dans la crise qui secoua la FUE cette année-là, il se rangea, de même que Denante, aux côtés de la « Majorité fédérale » qui refusa d’appliquer l’orientation “ultragauchiste“ que la direction du PC voulait lui imposer. En août 1930, il fut délégué au congrès de Marseille où la « Minorité oppositionnelle révolutionnaire », regroupant les instituteurs et les institutrices restés au PC, et la Majorité fédérale s’affrontèrent durement.

Henri Sarda se maria en septembre 1931 à Marseille avec Édith, Jeanne, Antonine Risse, institutrice, née le 19 mars 1905 à Cusset (Allier), fille d’un répétiteur devenu professeur de mathématiques, et d’une institutrice. Elle partageait ses engagements. Ils eurent un fils, Louis Sarda. Elle décéda le 6 mars 2003 à Tarascon (Bouches-du-Rhône).

Henri Sarda, nommé en 1932 à Althen-des-Paluds, fut un des pionniers du mouvement Freinet dans son département et employa l’imprimerie dans sa classe. En août 1934, au congrès de la FUE à Montpellier, il intégra le nouveau conseil fédéral en tant que représentant de la Majorité fédérale. Participant, en août 1935, au congrès d’Angers, le dernier avant la réunification syndicale, il fut mandaté, avec Jean Aulas et Paul Bouthonnier, pour aller apporter le salut de la FUE aux congressistes du Syndicat national réunis au même moment à Paris. Il fut le secrétaire pédagogique du dernier bureau fédéral dont Marcel Valière était le secrétaire général. Après la réunification syndicale, qui, dans l’enseignement, se traduisit par la fusion des syndicats de la FUE dans le Syndicat national des instituteurs et la FGE-CGT, Henri Sarda milita dans la section du Vaucluse du SNI et y défendit l’orientation des "Amis de L’École émancipée". Avec quelques autres instituteurs vauclusiens, il suivit le mot d’ordre de grève générale le 30 novembre 1938, et fut sanctionné comme les autres grévistes.

Mobilisé le 3 septembre 1939 comme lieutenant de réserve du service de santé, il fut dénoncé par la droite cléricale de son village, arrêté le 30 septembre 1939 « pour activités communistes » et pour avoir tenu des propos « violemment antigouvernementaux et défaitistes ». Incarcéré au Fort Saint-Nicolas à Marseille et déféré en conseil de guerre, le 30 novembre 1939, il fut acquitté et rejoignit son corps. En réponse au questionnaire qui lui fut adressé le 13 mars 1940, il n’eut pas de peine à démontrer qu’il n’avait jamais appartenu au Parti communiste et qu’il n’avait pas approuvé le Pacte germano-soviétique. Révoqué par un arrêté du 22 février 1941, il fut réintégré en octobre 1941 et déplacé en Isère, avec son épouse.
Après la Libération, le couple revint dans le Vaucluse où lui fut nommé à l’école des Ortolans à Avignon, tandis que son épouse enseigna en classe unique à l’école de la Courtine, près d’Avignon, où la famille habitait.

Henri Sarda fit partie des signataires du « Manifeste des Amis de L’École émancipée » publié en juillet 1947. Membre du conseil syndical de la section départementale du SNI du Vaucluse, secrétaire aux affaires corporatives, suppléant à la commission administrative paritaire départementale, il figura sur la liste "d’indépendance et d’action syndicale" présentée par les “Amis de l’École émancipée“, à l’élection au bureau national du SNI le 28 décembre 1947. En octobre 1948, il devint directeur-gérant de la revue L’École émancipée. De nouveau candidat à l’élection du BN du SNI en décembre 1949, Henri Sarda fut l’un des deux élus de L’École émancipée. Il en fut de même en 1951. Le BN le désigna le 9 janvier 1952 pour participer aux commissions chargées des questions sociales, internationales, pédagogiques, de l’Union française, des œuvres et des réalisations syndicales. Tête de liste de sa tendance, il fut réélu au BN en décembre 1952 et de nouveau en décembre 1953. A nouveau réélu au BN en décembre 1955, il fut le seul élu de sa liste, en décembre 1956.

Membre suppléant de la commission administrative de la Fédération de l’Éducation nationale de 1951 à 1956, il siégea à la commission corporative et, à partir de 1953, aux commissions internationale et de la jeunesse. Il fut aussi le secrétaire de la section du Vaucluse de la FEN.

Henri Sarda figura parmi les seize candidats du SNI élus à la commission administrative paritaire centrale, le 29 avril 1952. Il fut élu, le 14 juin 1954, membre du Conseil de l’enseignement du premier degré, dans le collège des instituteurs adjoints des écoles primaires, et le 5 novembre 1954, comme membre de la commission paritaire centrale.

Lors des réunions statutaires du SNI, Henri Sarda intervint souvent. Par exemple lors de la réunion du conseil national, dans le débat sur l’action revendicative, il se prononça contre une grève partielle, mais favorable à une grève de la fonction publique et de la classe ouvrière, position habituelle de sa tendance. Il s’exprimait fréquemment dans la presse syndicale pour exposer ses prises de position. Il le faisait souvent en cosignant des articles avec un de ses camarades. Ainsi, il critiqua les propositions d’un dirigeant « cégétiste » de constituer des listes uniques pour les élections des conseils syndicaux dans une tribune libre, intitulée « Y a-t-il une union à renforcer ? », publiée dans L’École libératrice du 7 mars 1952 et qui portait aussi la signature d’Yvonne Issartel. Il cosigna avec Gaston Diot un article intitulé « Le problème algérien. Notre opinion », paru dans L’École libératrice du 22 mai 1955, et dans lequel ces deux responsables de L’École émancipée s’en prenaient aux positions de la majorité nationale du SNI : « Le glas du colonialisme a sonné […] Il ne faut pas que l’Afrique du Nord devienne le théâtre d’une nouvelle guerre d’Indochine. Le peuple algérien doit pouvoir élire au suffrage universel une Assemblée constituante souveraine qui décidera du sort et du régime de l’Algérie. » Cet article suscita de vives protestations de la part des sections du SNI d’Algérie qui fustigèrent ses « exagérations grotesques et mensongères » et menacèrent de démissionner du SNI si sa presse continuait à publier « des nouvelles tendancieuses ».

Henri Sarda écrivait régulièrement dans la revue de sa tendance L’École émancipée. Il fut poursuivi devant les tribunaux à plusieurs reprises pour leur contenu. Ainsi, lors de la réunion du BN du 4 mai 1961, Paul Duthel demanda-t-il à ses membres de soutenir Sarda dans une procédure judiciaire en cours (inculpation pour incitations de militaires à la désobéissance et condamnation par les tribunaux d’Avignon et de Nîmes en appel).

Conformément à la limitation du nombre des mandats électifs qu’un militant de L’École émancipée pouvait accomplir, Henri Sarda figura en dernière position de la liste présentée par celle-ci aux élections au BN du SNI de décembre 1957 et ne fut donc pas élu. En 1960, peu de temps après avoir pris sa retraite, il demanda à être déchargé de la responsabilité de la revue L’École émancipée qui fut alors confiée à Louis Bocquet. Il n’en continua pas moins à jouer un rôle actif dans sa tendance où il fut, dès 1965, l’un de ceux qui s’opposèrent aux militants trotskystes de l’OCI accusés de vouloir « imposer des mots d’ordre, des faits accomplis et des actions extérieures à l’ensemble d’un regroupement syndical de révolutionnaires d’origines bien diverses ». Il fut l’un des premiers à demander la rupture avec ces militants qui furent exclus au début de l’année 1969. Il signa alors, de même que les anciens secrétaires de la FUE et les responsables de la tendance depuis 1945, un texte intitulé « Fidèle à son passé, l’École émancipée poursuit sa route » (L’École émancipée du 28 juin 1969), qui rejetait la responsabilité de la crise et de son dénouement sur l’organisation trotskyste.

Henri Sarda s’installa après sa retraite à Villeneuve-lès-Avignon. Secrétaire fédéral de la Libre Pensée de 1967 à 1984, il lutta pour l’école publique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article130490, notice SARDA Henri, Jules, Clément par Jacques Girault, Loïc Le Bars, François Roux, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 5 août 2020.

Par Jacques Girault, Loïc Le Bars, François Roux

SOURCES : Arch. Dép. Vaucluse, 1 M 825, 1 M 842. — DBMOF, notice par F. Roux (comprenant un témoignage du militant). — Témoignage (enquête de J. Girault). — Renseignements fournis par son fils Louis Sarda (transmis par Gérard Leidet). — Louis Bouët, “Le Syndicalisme“ dans Le Syndicalisme dans l’enseignement. Histoire de la Fédération de l’enseignement des origines à 1935, t. II, Présentation et notes de P. Broué, Grenoble, Institut d’études politiques, 1966. — L’Ecole libératrice. — L’Ecole émancipée.

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