SCHMIERER Paul. Pseudonyme : CANTOR

Par Jean-Louis Panné

Né le 18 juin 1905 à Czernowitz (Russie, aujourd’hui Cernovcy, République d’Ukraine), mort le 9 juillet 1966 à Villacastin (Espagne) ; médecin ; militant de la Ligue communiste puis socialiste ; résistant.

Paul Schmierer refusa de prendre la nationalité roumaine après la Première Guerre mondiale et s’exila à Florence (Italie) où il fit une première année d’études de médecine. Repéré par la police de Mussolini pour ses activités antifascistes, il gagna Paris et fut naturalisé en 1928. Combattant les Camelots du Roi au Quartier latin, il adhéra à l’Union fédérale des étudiants dont il fut exclu à la fin des années vingt. Il rejoignit la Ligue communiste en même temps que Jean Prader (voir Édouard Labin) et Delny (voir Robert Petitgand). Tous trois entrèrent en conflit avec la direction de la Ligue sur la question de l’unité syndicale et publièrent plusieurs articles dans La Vérité, Paul Schmierer utilisant le pseudonyme de Cantor. Avec ses camarades, il forma le groupe dit « des étudiants » qui se rapprocha du Cercle communiste démocratique animé par Boris Souvarine. Contrairement à ses amis Petitgand et Max Petel, il ne put participer à la conférence dite d’unification réunie en 1933 à l’initiative de l’Opposition du XVe rayon, parce qu’il effectuait alors son service militaire.

Docteur en médecine en 1933, Paul Schmierer s’installa comme généraliste dans le XIIIe arr. de Paris et adhéra par la suite à la XIIIe section socialiste. En décembre 1936, il participa à la fondation du Comité d’action socialiste pour la levée de l’embargo (CASPLE) aux côtés de Colette Audry et Michel Collinet, comité né à l’initiative des militants de la Gauche révolutionnaire qui devint ensuite le Comité d’action socialiste pour l’Espagne (CASPE) à la suite de son élargissement à d’autres courants de la SFIO. Paul Schmierer appartint au bureau du CASPE et signa sa motion en vue du congrès socialiste de Marseille (10-13 juillet 1937). Avec Max Petel, il fut l’un des artisans du soutien matériel à l’Espagne républicaine. Labin et lui se rendirent en Belgique avec l’aide d’Édouard Serre pour y rencontrer le ministre belge de la Défense afin d’obtenir des armes. En relation avec Julian Gorkin ainsi qu’avec Jean Cremet*, ils aidèrent le Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM). A Paris, Paul Schmierer joua le rôle d’intermédiaire entre le POUM et les organisations politiques européennes qui le soutenaient tel l’Indépendant Labour Party. A l’automne 1938, il participa à la campagne de défense des leaders du POUM mis en accusation par le gouvernement pro-communiste de Négrin, après les journées de mai 1937 à Barcelone.

Ce fut Paul Schmierer qui permit à Victor Serge* d’obtenir un titre de séjour en France en intervenant auprès de son ami Daniel Bénédite qui travaillait au cabinet du préfet de Police.

Replié à Marseille au début de l’Occupation, Paul Schmierer organisa dès septembre 1940 une filière d’évasion pour officiers et soldats alliés, vers l’Espagne et l’Angleterre. Il collabora avec le fondateur du Centre de secours américain, Varian Fry, aux côtés de Daniel Bénédite puis, à partir de 1941, fut intégré au « staff » de l’organisation de secours qui permit à de nombreux militants et intellectuels ou artistes de quitter la France (Victor Serge*, André Breton*, André Masson, Claude Lévy-Strauss, etc...). Après la disparition du CAS en mai 1942, Paul Schmierer poursuivit une action similaire. Parallèlement, il avait mis sur pied un groupe de résistance (propagande, tracts, journaux) qui se rattacha ultérieurement au mouvement « Franc-Tireur » et collabora au journal du même nom. Il établit une liaison avec les organisations de résistance des PTT de la Seine et de la région méditerranéenne. En octobre 1942, il joua un rôle essentiel dans la création du réseau de renseignement « Tartane-Masséna » qui s’implanta de Marseille à la frontière italienne. Ce réseau devait regrouper quatre cents agents chargés de recueillir des informations de caractère militaire transmises au Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) de la France libre. Fin 1942, il organisa le maquis de la forêt de Régus dans le Var. Début 1944, il rattacha son réseau à celui de Jean Gemähling, le réseau « Kasanga », service de renseignement des Mouvements unis de résistance (MUR).

Arrêté au début de 1944 à Antibes, il s’évada, fut repris en avril 1944 à Nice et put s’échapper une nouvelle fois grâce à la complicité d’un policier. Monté à Paris, il participa à la prise de l’immeuble de la rue Réaumur où s’était installé le Pariser Zeitung, immeuble qui fut mis à la disposition de la presse de la Résistance. Paul Schmierer fut décoré de la Médaille de la Résistance, de la Légion d’honneur et de la Croix de guerre avec palmes. Dès cette époque, il donna à la femme de Pietro Tresso* de précieuses informations qui permirent de reconstituer partiellement les circonstances de la disparition du militant italien.

Installé en octobre 1944 à Rosny-sous-Bois (Seine-et-Oise), Paul Schmierer fut secrétaire de la section socialiste locale et devint conseiller municipal. Attentif à la situation des nations d’Europe centrale, il organisa en octobre 1956, avec Georges Altman et Édouard Labin, le grand meeting de solidarité aux insurgés hongrois au Vel d’hiv. En 1958, il dirigea la campagne d’Henri Frenay, candidat UDSR à Montreuil (Seine) contre Jacques Duclos*. De 1962 à 1964, il appartint à la commission française sur les crimes de Staline.

Paul Schmierer mourut en Espagne, au cours d’un voyage.

Son nom est parfois écrit par erreur « Schmirer ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article130732, notice SCHMIERER Paul. Pseudonyme : CANTOR par Jean-Louis Panné, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 13 août 2021.

Par Jean-Louis Panné

SOURCES : J. Rabaut, Tout est possible, op. cit. — D. Bénédite, La Filière marseillaise, un chemin vers la liberté sous l’Occupation, Clancier-Guénaud, 1984 [livre dédié à V. Fry et P. Schmierer]. — La Vérité, 20 mars 1931. — L’Espagne socialiste (organe du CASPE), 1937. — D. Peschanski, K. Bartosek, R. Gallissot, De l’Exil à la résistance, Arcantère, 1989. — A. Azzaroni, Blasco, la vie de Pietro Tresso*, 1965. — R. Faligot et R. Kauffer, As-tu-vu Cremet ?, Fayard, 1991. — Rens. R. Petitgand et M. Éric Schmierer, fils du militant.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable