SCIZE Pierre [Joseph-Michel PIOT dit]

Par Nicolas Offenstadt

Né le 17 février 1894 à Pont-de-Chéruy (Isère), mort le 10 décembre 1956 à Melbourne (Australie) ; journaliste et homme de lettres ; militant pacifiste.

Le père de Joseph-Michel Piot fut d’abord ouvrier meunier puis directeur de minoterie et enfin commerçant. Joseph-Michel Piot, devenu Pierre Scize, lui-même se considérait comme « né du peuple ». Il fréquenta l’école primaire de Villeurbanne puis l’Institution Franklin à Lyon. S’orientant vers le théâtre, il entra au Conservatoire de Lyon (1911) puis à celui de Paris. La guerre interrompit ses études. Mobilisé au 31e régiment d’infanterie, il fut grièvement blessé, et dut subir l’amputation du bras gauche.

En 1917, Joseph-Michel Piot accompagna la tournée de Jacques Copeau aux États-Unis à titre administratif. Mais il se fit connaître avant tout dans le journalisme. Il écrivit dans Bonsoir, que lancèrent Gustave Téry, Robert de Jouvenel et Jean Piot. Ce dernier demanda à son collaborateur (également à l’œuvre) et homonyme de prendre un pseudonyme. Joseph-Michel Piot devint ainsi Pierre Scize, du nom d’un quai de Lyon.

Polémiste reconnu, il multiplia les collaborations à la presse de gauche : L’Appel (de Compère-Morel*), Le Quotidien, Le Canard enchaîné, Le Merle blanc, Marianne... Pierre Scize écrivit également dans la presse à grand tirage : Le Petit parisien, Paris-soir (de Prouvost). Son éviction du Canard enchaîné en janvier 1933, pour avoir été décoré de la Légion d’honneur, jusque-là objet de ses sarcasmes, fit couler beaucoup d’encre. Il tenta à plusieurs reprises de se justifier, notamment auprès de Maurice Maréchal*.

Revenu de la guerre profondément pacifiste, Pierre Scize n’avait adhéré, semble-t-il, à aucun parti. A une enquête de La Revue marxiste en 1929, sur les objections contre le communisme, il répondit : « Je ne crois ni à la foule, ni aux efforts en commun, ni à la discipline », poursuivant : « ...Si je dois à toute force me faire encaserner, ce sera dans la caserne socialiste. »

En 1925, il s’associa à la déclaration d’Henri Barbusse* contre la guerre du Rif publiée dans l’Humanité et dans Clarté. En 1930, c’est pour les objecteurs de conscience Pierre Odéon*, René Guillot* et Émile Bauchet* qu’il apposa son nom.

En 1931, deux ligues pacifistes furent fondées : la Ligue des anciens combattants pacifistes (LACP) dirigée par Camille Planche et la Ligue internationale des combattants de la paix (LICP) animée par Victor Méric*. Pierre Scize devint un militant actif des deux organisations. Il appartint au bureau de la LACP et au comité directeur (puis au comité d’honneur) de la LICP. Il multiplia les activités pour ces mouvements : conférences, causeries à la radio... Dans une lettre à Victor Méric*, il affirma militer pour une collaboration étroite entre les deux ligues, qui effectivement eurent de nombreux contacts.

En 1932, Pierre Scize soutint la Conférence libre du désarmement qui s’opposait à celle de Genève. Il fit signer à Romain Rolland* la déclaration d’Einstein de 1932 contre la conscription et la production d’armements, témoigna en 1933 en faveur d’Henri Guilbeaux* à son procès en révision. Il rendit plusieurs fois visite à Jean Giono*, qui lui montrait de la sympathie, et le chargea d’être son porte-parole, dans Le Merle blanc, pour souligner les dangers d’une révolution paysanne à venir. En mars 1936, Pierre Scize signa le manifeste de la LICP « Pour sauver la paix », qui exprimait son refus de la guerre et appelait à la négociation avec Hitler.

Peu après, Pierre Scize prit ses distances avec le pacifisme intégral. Il s’affirmait en effet partisan de la fermeté face au fascisme et de la défense de l’URSS. Cette prise de position suscita l’indignation des pacifistes intégraux. René Gérin* l’interpella à deux reprises dans Le Barrage et lui reprocha, « l’immensité de [sa] trahison ». Pierre Scize fut radié du comité d’honneur de la LICP fin 1936. Il semble qu’il se rapprocha alors du Parti communiste. Fin 1937, de retour d’un voyage au Brésil, il publia une brochure qui prenait la défense du leader communiste brésilien, Luis Carlos Prestes, alors emprisonné. En 1938, il participa activement aux campagnes du Rassemblement universel pour la paix en faveur de la Chine et fut le correspondant de ce mouvement en Extrême-Orient. A son retour, il donna plusieurs conférences sur son voyage.

Dès 1936, Victor Serge* prenait Pierre Scize à partie sur ses positions prosoviétiques. En 1938, H. Guilbeaux, dénonçant les critiques de Scize sur Le Retour d’URSS. de Gide, le traita d’« employé aux services de publicité de la maison Staline ».

Son rejet des postulats du pacifisme ne fit que s’accentuer par la suite. Dans son Georges Clemenceau, paru en 1944, il écrivit que dès l’Occupation « il avait prononcé dans son cœur l’abjuration des chimères qui avaient, jusqu’en 1936, gouverné sa vie (...) regrettant profondément d’avoir contribué pour une part, aussi humble qu’on le voudra, à l’affaiblissement du moral et du courage français... »

Sous l’Occupation, Pierre Scize fut proche des milieux de la Résistance. Il collabora à Combat. Mais surtout il rédigea, avec Marcel Grancher, fin 1943, un faux Nouvelliste (quotidien collaborateur de la région lyonnaise) qui dénonçait l’occupant et Vichy et mettait en avant les exploits de la Résistance. Celle-ci le distribua dans les kiosques en le substituant au vrai, sous prétexte de saisie par la censure.

Après la guerre, Pierre Scize entra comme chroniqueur judiciaire au Figaro et à Carrefour et mena campagne pour la réforme de la justice.

Il mourut à Melbourne où il suivait les Jeux olympiques pour Le Figaro. Pierre Scize était marié et père de plusieurs enfants. Très éclectique, il avait publié plusieurs romans et des ouvrages sur la montagne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article130826, notice SCIZE Pierre [Joseph-Michel PIOT dit] par Nicolas Offenstadt, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 30 novembre 2010.

Par Nicolas Offenstadt

ŒUVRE CHOISIE : Le Plus bel ivrogne du quartier, Flammarion, 1926. — En altitude, Grenoble, Didier et Richard, 1930. — Ludo, comédie en 3 actes, Les œuvres libres, 1932. — Luis Carlos Prestes, un fils du peuple, Éd. Universelles, 1937. — Georges Clemenceau, Lyon, Gutenberg, 1944. — Lyon dans les chaînes, Lyon-Paris, B. Arnaud, 1945. — Vingt dieux de la République, Lyon, Éd. Lugdunum, 1945. — La tribu prophétique, La Table ronde, 1953. — Au grand jour des assises, Denoël, 1955.

SOURCES : l’Humanité, 2 juillet 1925. — La Revue marxiste, n° 7, 1929. — Le Semeur, 20 février 1930. — L’œuvre, 17 janvier 1931. — La Patrie humaine, 1931-1933. — Le Canard enchaîné, 11 et 18 janvier 1933 (lettres de Pierre Scize). — Le Combat pour la Paix, n° 1, mai 1933. — Le Barrage, 1936. — Le Crapouillot, mars 1938. — « Justice et procès criminels », Recherches et débats du Centre catholique des intellectuels français, cahier n° 13, Fayard, octobre 1955. — Le Monde, 11 décembre 1956. — Le Figaro littéraire, 6 décembre 1958. — Pour un désarmement réel, compte rendu de la Conférence libre du désarmement, édité par la Commission de la conférence, Levallois-Perret, 1932. — H. Guilbeaux, La fin des Soviets, Société française d’éditions littéraires et techniques, 1937. — H. Jeanson, Soixante-dix ans d’adolescence, Stock, 1971. — J. Egen, Messieurs du Canard, Stock, 1973. — H. Noguières, Histoire de la Résistance en France, t. 4, Laffont, 1976. — Nicolas Offenstadt, Histoire de la Ligue internationale des combattants de la paix, 1931-1939, MM, Paris I, 1991. — Dictionnaire Pharos, 1954-1955. — Who’s who, 1955-1956. — Rens. Rachel Mazuy (sur le RUP) et Nicole Racine. — Lettres de Pierre Scize dans les fonds J.-R. Bloch (BN), V. Méric (BN), E. et Jeanne Humbert* (chez F. Ronsin), G. Reuillard (chez Gervaise Weill-Reuillard).

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