SEILLON Henri, Théodore

Par Jacques Girault

Né le 23 mai 1904 à Saint-Tropez (Var), mort le 8 janvier 1945 à Buchenwald (Allemagne), déporté ; ouvrier ajusteur ; secrétaire du rayon du Var du Parti communiste (1929-1930), puis de la Région du Var du Parti communiste (1937-1939) ; résistant.

Son père était ouvrier bouchonnier ; sa mère avait tenu une épicerie et travaillait aussi comme couturière à Ramatuelle (Var) ; ils avaient eu quatre enfants dont deux vécurent. Henri Seillon reçut les premiers sacrements catholiques. Élevé en grande partie par sa sœur, en raison de la maladie de son père, après avoir obtenu le certificat d’études primaires, il devint apprenti ajusteur-mécanicien à l’usine de fabrication de torpilles Whitehead à Gassin-Saint-Tropez vers la fin de 1917. Il adhéra à la section communiste de Saint-Tropez en 1921. Dominée par la forte personnalité du docteur Jules Boutin qui compta beaucoup dans la formation de Seillon, elle comprenait de nombreux ouvriers de l’usine.

Après l’échec de la grève en octobre-novembre 1922, comme plusieurs autres jeunes ouvriers, Seillon n’accepta pas l’humiliation de la reprise du travail et préféra aller travailler à Marseille. Après avoir effectué le service militaire à Grenoble (Isère) dans un régiment de Chasseurs alpins, il fut réembauché à l’usine de torpilles de Saint-Tropez.

Secrétaire administratif de l’Union locale CGTU de Saint-Tropez dont il rédigea les statuts, lors de sa formation, le 20 avril 1926, Henri Seillon, membre du syndicat des métaux, fut délégué aux congrès de la neuvième Union régionale CGTU., le 25 juillet 1926 à Saint-Raphaël et le 24 avril 1927 à Cannes. Parallèlement, il devint secrétaire de la cellule communiste de Saint-Tropez lors de sa transformation au début de 1925 et rattachée alors au rayon de Cannes. Il présida le congrès de la région niçoise à Cannes, le 13 juin 1926 qui le délégua au congrès national du Parti communiste (20-26 juin 1926). Représentant la région niçoise à la conférence coopérative, il demanda "à ce que la thèse sur la coopération de production soit incorporée à la thèse générale sur la coopération", suggestion retenue.

Henri Seillon ne participa pas aux réunions du bureau de l’Union locale CGTU de Saint-Tropez en 1928 et en 1929. Il continua pourtant à travailler dans la cité avec un court séjour à Rognac et à Berre (Bouches-du-Rhône). Pour comprendre certaines raisons, il faut résumer la situation.

Les syndicats CGTU varois appartenaient depuis le 25 février 1926 à la neuvième Union régionale CGTU avec les Alpes maritimes, la Corse et les Basses-Alpes. Dès l’origine, pour éviter que les conflits internes toulonnais (rivalités Paul Viort-Toussaint Flandrin essentiellement) n’empêchent la nouvelle organisation de fonctionner, son siège fut fixé à Nice avec Léon Pothier comme secrétaire. L’Union locale de Saint-Tropez fut constamment en accord avec la direction régionale. Pothier s’installa à Toulon l’année suivant et, en mars 1929, envisagea de se retirer du poste de secrétaire. Il avança le nom de Seillon pour lui succéder, ce qui souleva une vive opposition. Ce dernier présenta, au congrès de l’Union régionale à Toulon, le 20 avril 1929, prolongé les 19-20 mai 1929, un rapport sur "Tâches d’organisation, syndicats régionaux, sections d’usine, comités d’usine". Nouveau candidat à la commission exécutive de l’Union régionale, il ne semble pas avoir été élu selon le rapport de police. Pourtant, peu après, la police le signala comme membre de la commission exécutive. Au congrès régional du 8 décembre 1929, il présenta un rapport sur "Organisation ouvrière, recrutement, les jeunes, travail antimilitariste, sou du soldat, répression".

Le rayon communiste du Var dépendait, en revanche, de la région méditerranéenne centrée sur Marseille, y compris maintenant l’Est du département dont la région de Saint-Tropez. A partir de 1928, une crise profonde affecta la région et sa direction, caractérisée par un fort sectarisme et une tendance de "groupe". Dans ce contexte général, les ouvriers de l’Arsenal maritime de Toulon, communistes et syndicalistes mêlés, acceptèrent mal le nouveau secrétaire du rayon du Var, Seillon dont on saisit mal la date et les conditions de la désignation. Se faisant appeler "Henry", inscrit au carnet B, il demeurait chez le docteur Gaston Strack et aucun rapport de police d’alors ne mentionnait sa profession. Était-il appointé par le Parti ? Dès lors, Seillon occupa une place importante dans la vie du communisme toulonnais et varois. Membre de la commission politique de la conférence du rayon de Carnoules, nom parfois donné au rayon du Var, le 2 juin 1929, il rapporta sur les dernières élections municipales (il avait été personnellement candidat à Saint-Tropez sur la liste du "Bloc ouvrier et paysan", les 5 et 12 mai 1929, recueillant 301 puis 387 voix sur 1 296 inscrits) et sur la jeunesse communiste. Il représenta le Var au congrès du la 22e Entente des Jeunesses communistes à Marseille, le 15 juin. Il dirigea la préparation de la journée du 1er août 1929. Selon des témoignages, en dépit des barrages de gendarmerie, il atteignit le rendez-vous de Carnoules en utilisant une charrette de cultivateur. Cette journée, comme dans la plupart des régions françaises, fut un échec ce qui détermina de fortes critiques lors de la réunion du comité régional, dont Seillon faisait partie, à Marseille, le 11 août 1929. Dès lors la tension avec la direction régionale ne fit que s’aggraver. Le rapport du comité régional pour la conférence régionale, au début de 1930, critiquait les Varois qui devraient lutter contre les "tendances opportunistes" des militants de l’Arsenal et redresser des "hésitations". De plus, dans une réunion du comité régional, Pierre Célor, qui se faisait alors désigner sous le nom de Pierre Grellet, envisagea de passer par dessus les dirigeants du rayon communiste du Var pour imposer la ligne qu’il estimait juste. A la différence de Pothier, l’autre représentant du Var qui vota "contre", Seillon se prononça "pour" le rapport du comité régional "avec réserves sur Toulon". Il démissionna par lettre de sa responsabilité de secrétaire. Lors de la réunion des cellules toulonnaises, le 10 janvier 1930, Henry "stigmatisa l’attitude de ceux qui, dans le Var, étaient chargés d’intensifier le programme communiste", mais "las et découragé", il annonça qu’il se retirait chez sa sœur, employée des PTT à Grimaud. Le secrétaire régional Roger Duisabou s’opposa à une telle défection. Mais le 26 janvier 1930, à la conférence de Carnoules, après avoir à nouveau critiqué le comportement des communistes varois et le contenu du rapport régional, le secrétaire du rayon fit inscrire dans la résolution que Seillon était "obligé de quitter Toulon".

Ainsi Seillon fut attaqué sur plusieurs fronts. De nombreux militants syndicalistes de l’Arsenal, autour de [Laurent Roubaud-≥129716], s’engageaient dans une voie qu’il désapprouvait. D’autres militants de l’Arsenal refusaient ce non-Toulonnais. Mais progressivement, la région communiste qui avait soutenu sa promotion s’en séparait maintenant.

Henri Seillon habita quelque temps avec sa sœur et ses parents à Grimaud. Il retrouva sa place à la tête des communistes de Saint-Tropez et présida une réunion du conseiller général communiste André Berthon, le 22 avril 1930. Une assemblée du comité de rayon et des principaux responsables locaux, en août 1930, se déroula sous sa présidence. Il redevint secrétaire administratif de l’Union locale CGTU de Saint-Tropez jusqu’à la séance du 13 octobre 1930 où fut annoncée sa démission "pour cause de départ".

Henri Seillon alla travailler dans la région parisienne et aurait, selon des témoignages, suivi les cours d’une école du Parti communiste pendant son séjour de quelques mois. Revenu sur le littoral, il travailla chez un artisan mécanicien de Saint-Tropez qui, à la suite de difficultés financières, ferma son entreprise le 16 octobre 1931. Candidat au Conseil d’arrondissement, le 18 octobre 1931, il obtint 254 voix sur 2 046 inscrits, n’en retrouvant que 205 le dimanche suivant. Il fut embauché aux usines d’aviation Romano à La Bocca (Alpes-Maritimes) où il reconstitua le syndicat des métaux. Il aurait suivi des cours par correspondance de l’école du Parti communiste pendant cette période. Il participa à la campagne des élections législatives à Cannes et donna quelques réunions dans la circonscription de l’Est varois aux côtés du candidat Jacques Sadoul. Il fut licencié de l’entreprise en juin 1932.

Après avoir été sur le point de partir à Toulouse aux usines Latécoère, Henri Seillon préféra, à partir d’octobre 1932, travailler à Toulon dans l’entreprise de mécanique Doyen où il resta de façon intermittente jusqu’en 1935, allant travailler par périodes dans les usines de l’étang de Berre. L’Écho du littoral et du Var, en novembre 1933, rendant compte d’une réunion communiste à Saint-Tropez avec Jean-Marie Clamamus, nota que "Seillon était venu de Marseille". Il participa au congrès ouvrier et paysan contre la guerre à Toulon, le 24 juillet 1932 et prit la parole, au nom du Parti communiste, dans une réunion organisée dans la ville par le comité d’action contre la guerre, le mois suivant. Redevenu membre du bureau de l’Union locale CGTU et secrétaire administratif à partir du 2 janvier 1933, il était aussi secrétaire du sous-rayon communiste de Sainte-Maxime. Rendant compte d’une réunion socialiste SFIO à Saint-Tropez, Le Petit Var, le 29 mai 1934, notait que Seillon était "jeune mais fougueux" avec "un très gros talent".

Après la démission du conseil municipal de Saint-Tropez, des élections municipales furent organisées le 4 juin 1933. Seillon, sur la liste du "Bloc ouvrier et paysan" recueillit 288 voix sur 1 225 inscrits et le dimanche suivant, 319 voix. Candidat pour le Conseil général dans le canton de Saint-Tropez, alors que le Parti socialiste SFIO ne présentait pas de candidat et appelait à voter pour lui dès le premier tour, le 7 octobre 1934, il obtint 334 voix sur 2 056 inscrits et 437 au deuxième tour. La campagne pour les élections municipales de 1935 fut très mouvementée. Le 5 mai, Seillon, sur la liste "du Bloc ouvrier et paysan", recueillait 280 voix sur 1 290 inscrits. Restaient six sièges à pourvoir ; le Parti communiste en obtint deux dont Seillon, élu avec 427 voix. Il devint membre des commissions des finances, de la vie chère et de la commission scolaire.

Parallèlement, Henri Seillon retrouvait sa place parmi les responsables communistes varois. Il représenta le Parti dans de nombreuses réunions données dans l’Est du département avec les socialistes. Le 14 juillet 1935, il parlait au nom du Parti communiste au rassemblement de Saint-Raphaël. Sept jours plus tard, à Carnoules, le congrès des comités antifascistes du Var le chargea de constituer le comité départemental de Front populaire. Le 20 août, il fut élu membre du bureau du comité toulonnais de Front populaire et représenta, le mois suivant, le Parti communiste, au congrès départemental du Front populaire. Il s’identifiait alors à la politique d’ouverture du Parti communiste, chargé plus spécialement de la mise en place des comités de Front populaire.

Cette action s’accompagnait de nouvelles responsabilités syndicales. Membre de la commission d’élaboration des statuts de l’Union départementale CGT réunifiée en novembre 1935, le 22 décembre 1935, à son congrès de fusion, il siégea à la commission de contrôle.

Seillon, qui habitait le plus souvent chez Jean-Baptiste Durand, trouva une chambre dans la basse ville.

Henri Seillon fut au cœur de toutes les actions unitaires de 1936. Président départemental du mouvement des comités Amsterdam-Pleyel, le 14 juin 1936, il lut à un meeting du Front populaire à Toulon, la déclaration du comité national de Rassemblement populaire. Le 10 février 1937, il fut élu secrétaire du bureau du comité départemental du Front populaire. Le Conseil général, le 25 novembre 1936, le désigna, au titre de la CGT, comme membre du comité départemental des sports et loisirs.

Quand la région communiste du Var se constitua, Seillon, secrétaire du rayon communiste de Toulon depuis avril 1936, prononça lors du premier congrès, le 14 février 1937, un rapport "Pour l’union et le bien-être des travailleurs du Var". Il en devint le secrétaire permanent.

Henri Seillon conserva une activité syndicale importante. Devenu secrétaire général du syndicat des métaux de Toulon au début 1937, il signa notamment, au nom du syndicat, la convention collective, le 8 mars 1937, avec le syndicat des industriels métallurgistes. De par ces fonctions, il intervint dans plusieurs conflits du travail pendant l’année 1937 (conflit Jeumont en juin par exemple) et fut souvent désigné comme arbitre (en juin 1937, par exemple, dans le conflit des brasseries de bières à Toulon). Au congrès de l’Union départementale CGT, le 10 juillet 1937, le rôle des communistes et leurs conceptions syndicales étaient au premier plan. Son intervention visa les critiques des anciens confédérés dont il déplora "l’esprit de tendance".

Henri Seillon consacrait la plus grande partie de son temps à ses responsabilités communistes. Candidat au Conseil général dans le troisième canton de Toulon (Est de la ville), le 10 octobre 1937, il obtint 1 445 voix sur 11 333 inscrits et se désista pour le candidat socialiste. En novembre 1937, il annonçait qu’il allait suivre les cours de l’école centrale du Parti à Arcueil. Ils finirent dans le courant du mois de mai 1938. A son retour, il participa comme professeur à l’école régionale à Nice. Il fit notamment un cours consacré au tableau économique et social du Var particulièrement apprécié.

Le 22 juin 1938, toujours secrétaire du syndicat des métaux, Henri Seillon fut nommé délégué titulaire à la commission départementale paritaire de conciliation et participa régulièrement aux réunions de cette instance. Le 23 juillet 1938, au congrès de l’Union départementale CGT, il critiqua Antoine Berné qui s’exprimait au nom des "amis de Syndicats". Toujours secrétaire régional du Parti communiste, il faisait partie du conseil d’administration de la société d’édition et d’impression populaires qui éditait le journal communiste Rouge-Midi. Il fut délégué au congrès de Paris (11-13 novembre 1938) du mouvement "Paix et Liberté". Quand le comité de défense paysanne, à l’initiative du Parti communiste, lança, en juillet 1939, un questionnaire sur la paysannerie, il se chargea des questions sociales. En outre, il présidait le comité d’honneur régional de la Fédération sportive et gymnique du Travail depuis le 9 octobre 1938.

A la déclaration de la guerre, Henri Seillon fut rappelé dans les Chasseurs alpins à Draguignan (Var), puis à Nice (Alpes-Maritimes). Démobilisé le 22 juillet 1940, il fut l’objet d’un arrêté préfectoral d’internement administratif signé le 6 septembre 1940 qui l’envoya au centre de séjour surveillé de Chibron (commune de Signes, Var), il exerça des fonctions dirigeantes dans l’organisation clandestine communiste. Transféré, à la fermeture de Chibron, à Fort-Barreaux (Isère) le 14 février 1941, puis au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) au début de 1941, il fut en 1943 déporté en Allemagne où il mourut du typhus à Buchenwald (membre de la brigade française d’action libératrice).

A la Libération, la Fédération du Parti communiste du Var donna son nom à la section communiste du troisième canton de Toulon et le conseil municipal, à une artère de la ville, le 30 août 1945.

De multiples témoignages d’anciens dirigeants communistes convergent : Henri Seillon refusa de s’évader des internements. Parmi les explications qui reviennent le plus souvent figure la peur de représailles contre sa famille. D’après le témoignage d’Étienne Chaulet, un des responsables de l’organisation communiste à Saint-Sulpice, qui fut son proche compagnon et qui recueillit à Buchenwald ses dernières confidences, une telle demande d’évasion de la part du Parti communiste est improbable.

Seillon, petit et frêle, de constitution fragile, ayant acquis une bonne culture, n’était pas un "militant de masse" au sens propre du terme. Secrétaire appliqué au sens politique, sûr, apprécié de ses adversaires (de nombreux dirigeants syndicalistes en témoignent), représentait le type de militant communiste forgé dans les luttes ouvrières de la période de repli, s’épanouissant au moment du Front populaire. La marque de Saint-Tropez fut durable. Les communistes s’y distinguaient toujours par des pratiques unitaires sur le plan local. Il refusait les pratiques sectaires et eut du mal à s’adapter au milieu toulonnais. Seul militant varois à avoir suivi avant 1939 les cours de l’école centrale du Parti communiste, il assurait la liaison entre une forte implantation locale et un sens politique affiné par les réflexions et forgé dans les luttes syndicales.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article130917, notice SEILLON Henri, Théodore par Jacques Girault, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 25 janvier 2022.

Par Jacques Girault

Iconographie : H. Seillon à Saint-Sulpice-la-Pointe en 1943 (coll.E. Chaulet).

SOURCES : Arch. Nat. F7/13021, 13090, 13104, 13118, 13123, 13134, 13164. — Arch. Bouches-du-Rhône, M 6 11793. — Arch. Dép. Var, 2 M 5 286, 294, 6 24, 7 32 1, 2, 33 1, 4 M 47, 49 4 2, 3, 4, 50, 54, 56 10, 59 4 1, 4, 4 M 291, 3 Z 2 14, 23, 4 22, 29, 16 5, 10, 24 2. — Arch. Com. Saint-Tropez. — Arch. BMP, mfm n° 74 et 140. — RGASPI, Moscou, 517 1 1887 ; 495 270 4683, autobiographie du 20 octobre 1937, apporte peu d’informations nouvelles : délégué au congrès national de Saint-Denis en mars 1929, délégué au congrès national de Villeurbanne en janvier 1936 ; précisions sur les dates de participation aux écoles centrales avant février 1937, participation nterrompue pour cause de grippe. — Arch. privées (Lucien Thomazo). — Presse locale. — Renseignements fournis par la famille de l’intéressé. — Notes de Jean-Marie Guillon. — Sources orales.

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