Par Jean-Jacques Doré
Né le 4 mars 1882 à Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) ; docker ; secrétaire adjoint du Syndicat général (CGT) des Ouvriers du port et de l’Union locale du Havre (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) en 1921 ; communiste.
Fils posthume de Célestin Sénécal cheminot et de Virginie née Poinel, Auguste Sénécal eut une jeunesse très difficile qui lui valut d’être placé en maison de correction jusqu’à sa majorité, sur décision de la cour d’appel de Rouen le 17 janvier 1901. Mobilisé en août 1914, il se racheta par "une conduite très brillante pendant toute la Grande Guerre".
Après sa démobilisation en 1919, il travailla comme docker sur le port du Havre et prit sa carte au syndicat CGT des Dockers dès son arrivée. Le 1er janvier 1920 avait été créé le syndicat général des Ouvriers du port du Havre qui regroupait sept organisations, les Dockers, les Camionneurs, les Dockers-Charbonniers, les Commis auxiliaires, les Voiliers, les Grutiers et les Employés de magasins.
Remarqué par le secrétaire, François Louis pour "son dynamisme et la qualité de ses interventions (ce qui est rare dans ce milieu)", il comptait sur lui pour renforcer sa position face aux minoritaires menés par Jean Le Gall de plus en plus critiques après le congrès confédéral d’Orléans où Millet (le secrétaire adjoint) et lui avaient soutenu la majorité confédérale ; il fut élu secrétaire adjoint du syndicat général le 10 décembre 1920 après la démission de Raymond Millet. Le bureau était en outre composé Louis François (secrétaire), Guillaume Le Moal (trésorier) et Charles Le Jamble (trésorier adjoint), assisté d’une commission administrative de 16 membres qui se justifiait par le nombre des syndiqués (3 250 membres). Sénécal était permanent appointé à 800 frs par mois.
Peu après, il dévoila brusquement sa tendance minoritaire en figurant comme l’un des 60 membres fondateurs du CSR du Havre le 28 décembre 1920. Au lendemain du congrès confédéral (CGT) de Lyon (septembre 1919), les minoritaires de la CGT, prônant l’adhésion à la IIIe Internationale, organisèrent les Comités syndicalistes révolutionnaires dont l’objectif était de conquérir les directions des Unions, Fédérations et syndicats.
Le 4 mars 1921, il tenta de faire voter l’adhésion de son syndicat au CSR du Havre ; 300 militants, rassemblés par ses soins, se prononcèrent en sa faveur. Mais dix jours plus tard, il fut désavoué par Louis François et la majorité des Ouvriers du port qui dénoncèrent l’opération ; un blâme lui fut adressé "en raison de ses manœuvres déloyales contre le secrétaire". Il fit amende honorable comme en avril où, inquiété pour outrages à agent, il présenta ses excuses pour éviter des poursuites.
Élu secrétaire adjoint de l’Union locale du Havre (dont Henri Quesnel était secrétaire) en juin 1921 , puis membre de la commission administrative de l’Union départementale au 7e congrès de Dieppe le 3 juillet, lorsque les minoritaires prirent le contrôle des deux organisations, il oscillait entre les positions majoritaires et minoritaires. Pourtant délégué au congrès des Ports et Docks de Bordeaux en septembre il se prononça dès lors pour le camp majoritaire.
Le 16 novembre 1921, lors d’une réunion du CSR présidée par Jean Le Gall, il fut directement mis en cause : "Sénécal tu es un traître, tu passais ton temps à salir Louis François et maintenant tu lui manges dans la main, tout ça pour conserver ton poste de secrétaire adjoint permanent !". Furieux, Sénécal se lève "si tu continues je te fout un coup de revolver". Tumulte dans la salle, on se précipite sur lui, il attrape une chaise pour se protéger et monte à la tribune. "Je quitte le CSR pour raisons personnelles, je suis contre la scission et les exclusions, je ne suis ni majoritaire ni minoritaire".
Élu secrétaire général le 3 décembre 1921 après la démission de Louis François, il fut en butte aux critiques des deux tendances qui lui reprochèrent son indécision, si bien que son remplacement par Auguste Hervieu fut voté en assemblée générale le 8 décembre, mais il continua à siéger comme permanent à la commission administrative en 1922 après l’adhésion à la CGTU. Le syndicat général restait puissant avec plus de 3 000 syndiqués mais il perdait quatre sections les Grutiers, les Employés de magasins, les Voiliers et les Commis auxiliaires qui reprirent leur autonomie.
Après avoir adhéré au Parti communiste, Auguste Sénécal se présenta aux élections législatives de 1924 en Seine-Inférieure où il recueillit 24 727 voix sur 217 782 inscrits. Il semble qu’il ait quitté Le Havre peu de temps après.
Par Jean-Jacques Doré
SOURCES : Arch. Dép. Seine-Maritime, Rapports sur les dockers du Havre, 10 MP 1408 Bureaux syndicaux 1918-1919, 2 Z 182, 2 Z 183 CSR du Havre. — Le Réveil ouvrier, n° 38. — État civil.