SEVI René, André, Charles. Pseudonyme : BAUDIN

Par Daniel Grason

Né le 29 janvier 1912 à Paris (XVIIe arr.), mort le 15 août 1943 à Auschwitz (Pologne) ; instituteur puis directeur du patronage municipal ; militant communiste de Gennevilliers ; résistant FTP ; déporté.

René Sevi.
René Sevi.

Fils de Jacob, négociant et de Rachel, née Mahalalel, René Sevi était après Raymond (1902) et Jean (1909) le troisième fils du couple. Jacob Sevi naquit à Constantinople (Turquie) et Rachel à Jérusalem (Palestine), les Sevi arrivèrent en France en 1888, Jacob Sevi dit Jacques devint Français par décret du 6 mai 1911. Négociant, il ouvrit un commerce d’articles de Chine au 74 boulevard Haussmann à Paris IXe. Le négoce était florissant, la famille vivait 124 rue Legendre, (XVIIe arr.) Jacob Sevi était franc-maçon membre de la Grande Loge de France (GLF), de son conseil fédéral en 1926.
René Sevi suivit l’école primaire, alla au lycée Chaptal, à l’issue de ses études il devint instituteur. Il épousa Carmen Léon, employée à la mairie de Gennevilliers le 29 décembre 1934 en mairie du XVIIe arr. Le couple eut trois filles Myriam en 1936 et deux jumelles Malvina et Carmen en 1938. La famille demeurait à Gennevilliers au 5 rue Marcellin-Berthelot dans la cité jardins. Il exerça son métier d’instituteur dans un groupe scolaire de Clichy-la-Garenne (Seine, Hauts-de-Seine).
Marchant sur les traces de son père, René Sevi devint dignitaire de la Grande Loge de France, secrétaire-adjoint en 1937. Il quitta très probablement la franc-maçonnerie quand dans l’élan du Front populaire, il adhéra au parti communiste en 1936. Il accéda très rapidement au secrétariat de la section de Gennevilliers. Dans l’hebdomadaire communiste Le travailleur de la Banlieue Ouest, sous le titre « Prospérité et bonheur » il exaltait « la nouvelle constitution de l’URSS » qu’il considérait « comme un événement aussi important que la proclamation des Droits de l’Homme et du Citoyen. ». Il voyait dans « les peuples de l’Union soviétique [les] dignes continuateurs des Jacobins et des Montagnards de notre grande Révolution ». L’article était illustré par les portraits de Lénine et Staline.
Quand Louis Blésy se porta volontaire dans les Brigades internationales, il démissionna de son poste de surveillant général du patronage pour six mois. René Sevi quitta son poste d’instituteur et lui succéda en mai 1938, assumant en même temps la responsabilité de secrétaire de la section communiste. Dès la déclaration de guerre, il mit le 2 septembre 1939 sa femme et ses trois filles à l’abri à Saint-Nicolas à côté de Granville (Manche) où la Ville de Gennevilliers possédait une colonie de vacances.
L’interdiction du parti communiste par le décret-loi du 22 septembre 1939 ne découragea pas quelques militants. Le 29 novembre cinq d’entre eux éditaient le n° 8 de l’Humanité clandestine dans l’appartement des époux Lucien et Thérèse Aubruchet, place du docteur Roux à Gennevilliers. Les policiers du commissariat d’Asnières outre le couple appréhendèrent Marie Encontre, Marius Colin et René Sevi. Les deux derniers travaillaient sur un duplicateur. Ils furent tous inculpés d’infraction au décret du 22 septembre 1939. Etaient saisis : un duplicateur et les fournitures nécessaires à l’édition des tracts, ainsi que deux mille sept cent francs en espèces et l’automobile Peugeot prévue pour le transport. La délégation spéciale licencia plusieurs communistes qui travaillaient pour la ville de Gennevilliers le 30 novembre 1939 dont René Sevi.
Les inculpés furent incarcérés à la prison de la Santé à Paris, ils comparaissaient en février 1940 devant le 2e Tribunal militaire de Paris. Marius Colin et René Sevi étaient défendus par Maître Moro-Giafferi, ils furent condamnés à cinq ans de prison. Le journal collaborationniste Le Matin du 22 mai 1940 se fit l’écho de cette condamnation sous le titre : « Des imprimeurs clandestins de l’organe des Soviets sont condamnés ». Le quotidien indiquait que : « René Sevi, ancien instituteur, directeur auxiliaire du patronage de Gennevilliers [était] en train de composer des tracts communistes et d’imprimer une feuille portant le titre de l’organe officiel des Soviets en France ». Il était condamné avec Marius Colin à 5 ans de prison. Pendant l’exode, lors de l’évacuation des prisonniers en juin 1940, René Sevi s’évada. Le Tribunal militaire de Périgueux délivra un mandat d’arrêt, puis le condamna par défaut le 23 décembre 1940 à 5 ans de prison et 1000 francs d’amende.
Il plongea dans la clandestinité, entra en contact avec des clandestins, devint l’un des responsables FTP de la région parisienne dès janvier 1942. Il organisait la protection des actions aux portes d’entreprises et devant des magasins d’alimentation. Deux actions eurent lieux, le 31 mai 1942 rue de Buci devant le magasin Eco (VIe arr.) et le 1er août 1942 rue Daguerre (XIVe arr.) dans la fille d’attente de Félix Potin des militantes communistes dénonçaient les difficultés du ravitaillement et tentaient de s’emparer de denrées alimentaires pour les distribuer, des tracts étaient jetés à la volée, des FTP assuraient la protection. René Sevi fut probablement repéré.
Le 27 août 1942, trois inspecteurs de la BS2 l’interpellèrent vers 17 heures à proximité des usines Citroën à la hauteur du 5 rue Saint-Charles à l’angle de la rue Balard à Paris (XVe arr.). Une prise de parole organisée par le parti communiste devait se dérouler place Balard vers 18 heures 30 devant les usines Citroën avec notamment la participation de Marcel Lamour, ex-conseiller municipal communiste de Gennevilliers. René Sevi présenta aux policiers une carte d’identité au nom de Georges Dauplet, demeurant au 4, square Emmanuel-Chabrier à Paris (XVIIe arr.), une enveloppe destinée à « Rivière » (Roger Linet), à l’intérieur une lettre datée du 26 août 1942 signée « Gérard » « (Artur London ?), ainsi qu’un cachet falsifié de la préfecture de police.
Les policiers se rendaient dans son appartement, ils saisissaient : six pistolets parabellum Mauser avec chargeurs, calibre 9 mm ; deux mitraillettes, un revolver, cinq boîtes de vingt-cinq cartouches, dix-neuf chargeurs de dix cartouches pour mitraillettes ; douze chargeurs de cinq cartouches pour fusils de guerre et des produits chimiques permettant de fabriquer des bombes. Enfin, une importante documentation concernant l’activité de l’organisation et les actions armées, des tracts et des brochures ainsi que des noms de plusieurs FTP. Cinq d’entre eux : Paul Mazy, Raymond Müller, René Villars, Antoine Thomas et Marcel Garnier furent arrêtés, condamnés à mort par le tribunal du Gross Paris, passés par les armes le 21 novembre 1942 au Mont-Valérien à Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine).
Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales à la préfecture de police, il affirma être séparé de sa femme, afin probablement de lui éviter d’être inquiétée par la police. Après son évasion de juin 1940 il reconnut avoir milité clandestinement pour le parti communiste en vivant sur ses économies, il n’était rétribué que depuis six mois. Les policiers étaient surtout intéressés par son activité au sein des FTP, René Sevi fut battu à coups de nerf de bœuf à de multiples reprises, il rusa, déclara avoir rencontré « Rivière » le matin de son arrestation à 10 heures au château de Versailles devant le bassin de Neptune. Celui-ci lui aurait remis un paquet volumineux et il avait découvert qu’il s’agissait d’armes lors de la perquisition. Il reconnaissait avoir acheté les produits chimiques, mais il n’avait pas confectionné les engins incendiaires. Il affirma : « Je n’ai jamais participé de façon effective à l’action directe de l’Organisation spéciale du parti communiste comprenant les Francs-tireurs et partisans. […] Mon rôle se bornait uniquement à assurer les liaisons et à la transmission des documents intéressant cette branche ».
Le 11 septembre 1942 lors d’un interrogatoire concernant l’initiative rue Daguerre, il déclara avoir adhéré au Parti communiste en 1936 et d’être membre de l’Organisation spéciale depuis juillet 1941. Le même jour lors de sa confrontation avec Raymond Müller, ce dernier déclara : « C’est bien cet homme qui, peu avant la manifestation rue Daguerre, alors que nous montrions peu d’empressement à prendre les armes qui nous étaient offertes, nous a donné l’ordre de les prendre. » René Sevi rétorqua « C’est faux ! Le jour de l’attentat de la rue Daguerre j’étais malade et couché. Je suis d’ailleurs resté couché pendant une semaine. »
Sur sa demande, René Sevi a été de nouveau auditionné par des inspecteurs le 14 septembre 1943. Il affirma : « Dans l’Organisation spéciale, j’ai rang d’instructeur politique à l’échelon de la région. » Il avait été informé par "Rivière" (Roger Linet]) en présence de "Roland" Georges Vallet qu’une manifestation aurait lieu «  avec diffusion de tracts, rue Daguerre devant le magasin Potin. Il avait été simplement chargé par "Roland" de dire à Raymond Müller de convoquer ses hommes pour le 1er août rue Ernest Cresson. Il affirma qu’il n’avait pas assisté à la manifestation.
Les policiers organisèrent le 15 septembre 1943 une confrontation entre René Sevi et Antoine Thomas. Ce dernier déclara que René Sevi était bien avant la manifestation rue Ernest Cresson où il distribua des armes en présence de Roland. Le même jour, lors d’une audition confrontation entre Sevi et Müller, il apparaissait que "Roland" Georges Vallet avait aussi organisé la manifestation de la rue de Buci où Madeleine Marzin avait très brièvement prit la parole, il participa aussi à l’organisation de l’initiative de la rue Daguerre.
Considéré comme Juif par les Allemands, René Sevi fut interné au camp de Drancy, il était le 11 février 1943 dans le convoi n° 47 de 998 déportés à destination d’Auschwitz, 802 furent gazés dès l’arrivée. Le 27 janvier 1945 quand l’armée Soviétique libéra le camp il ne restait que dix survivants dont une femme. René Sevi était mort depuis le 15 août 1943.
Devant une commission rogatoire son épouse Carmen témoigna le 11 décembre 1944 concernant l’arrestation de son mari. Elle déclara : « Il a été arrêté le 27 août 1942 place Balard. Il a été amené à la Préfecture de police et déporté en Allemagne [en réalité au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau en Pologne] la première semaine de février 1943. Je n’ai eu de ses nouvelles que le 20 juin 1943 et depuis plus rien. »
« À cette époque, une perquisition suivie d’une surveillance d’une dizaine de jours a été effectuée à son domicile, 6, square Emmanuel-Chabrier à Paris XVIIe arrondissement. Toutes ses provisions, son linge, ses draps, couvertures et costumes ont été volés. Ce qui restait a été lacéré et rendu inutilisable. »
Elle déposa plainte contre les inspecteurs qui interpellèrent son mari.
L’acte de naissance de René Sevi porte la mention « Mort pour la France. » Le grade de lieutenant lui fut accordé. Il a été homologué combattant des Forces françaises de l’intérieur (FFI), et Déporté interné résistant (DIR).
Le nom de René Sevi figure sur le monument aux morts et sur une stèle commémorative au cimetière communal de Gennevilliers ainsi que sur le mur des noms au Mémorial de la Shoah rue Geoffroy-l’Asnier à Paris (IVe arr.), sur le mémorial des Juifs des Hauts-de-Seine à Sceaux inauguré en juillet 2006.
Un square de Gennevilliers porte le nom de René Sevi.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article131118, notice SEVI René, André, Charles. Pseudonyme : BAUDIN par Daniel Grason, version mise en ligne le 30 juin 2015, dernière modification le 22 juin 2021.

Par Daniel Grason

René Sevi.
René Sevi.
Arch. PPo. GB 188.
Arch. PPo. GB 188.
Cliché 2 septembre1942. Arch. PPo. GB 188 D.R.
Cliché 2 septembre1942. Arch. PPo. GB 188 D.R.

SOURCES : Arch. PPo. CB.81.23, BA 1751, BA 1752, BA 2056, BA 2057, BA 2101, BA 2114, BA 2444, GB 105, GB 107, KB 50, KB 96, PCF rapports hebdomadaires des Renseignements généraux cartons 13 et 15, 77 W 1339-291692. – Bureau Résistance GR 16 P 546 971. – Le travailleur de la Banlieue Ouest, 12 décembre 1936. – Le Temps, 23 février 1940. – Le Matin, 22 mai 1940. – La Voix populaire, 9 mars 1946. – Waldeck. L’Huillier, Combat pour la ville, Éd. Sociales, 1982. – J.O. n° 253 du 29 octobre 2002. – Arch. Ministère des AC. – RGASPI, 495 270 2329, pas encore consulté. – Site internet CDJC. – Notes de Claude Pennetier.

PHOTOGRAPHIE : AM de Gennevilliers, Arch. PPo. GB 188.

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