SI DJILANI Mohamed [Dictionnaire Algérie]

Né à Oumalou, commune mixte de Fort-National [Larbaâ-Nath-Irathen] en Kabylie, le 6 septembre 1889, mort en 1953 peut-être ; travailleur émigré à Paris ; un des fondateurs de l’ENA en 1926, à nouveau membre du comité directeur de l’ENA réorganisée par Messali en 1933 et du PPA en 1937 ; compromis sous le régime de Vichy.

Pour son appartenance communiste à la création en 1926 à Paris de l’ENA (Etoile nord-africaine) et plus encore pour sa collaboration avec la puissance occupante allemande en 1940-1942, la vie de Mohamed Si Djilani est surchargée de témoignages tardifs et incertains. Passé par l’école coranique et sommairement par l’école primaire française dans sa Kabylie natale, il a un bagage plus solide en arabe qu’en français. Il émigre avant 1914 dans la région parisienne et travaille dans des ateliers du cuir et comme tailleur à Paris vraisemblablement. Après guerre, il sera ouvrier corroyeur aux ateliers Citroën à Saint-Ouen. Il est certainement militant de la CGTU et prend part aux activités de la Section nord-africaine de l’Union inter-coloniale qui va, avec Abdelkader Hadj Ali* et son noyau communiste, constituer l’Étoile nord-africaine. On ne sait rien de prétendues relations avec Ahmed Belghoul* qui est l’homme de liaison de l’Emir Khaled*.

L’assemblée générale du 2 juillet 1926 le fait membre du comité directeur de l’ENA ; il participe donc bien à la fondation. Il semble avoir joué un rôle dans l’adhésion de Messali* au PC, en tout cas, il le devance. Dans ses cahiers, Messali indique : « Grâce à Si Djilani on a pu obtenir certains locaux du PC... » Par la suite, il apparaît suivre totalement Messali, sur les bancs de l’École des Langues-O comme dans les réunions dans les maisons syndicales de La-Grange-aux-Belles (Paris 10e) et de la rue Mathurin Moreau (19e). Il vient habiter dans son voisinage dans le 20e arrondissement puis à Montreuil. Après la dissolution de l’ENA en 1929, Si Djilani se tient encore dans l’orbite de la CGTU et par elle, du parti communiste ; en juin 1931, il figure au comité directeur de l’ENA reconstitué par la CGTU, très formellement peut-être, car il poursuit son compagnonnage avec Messali.

En 1933, il fait partie de la direction de l’Étoile nord-africaine réorganisée par Messali* en dehors du PC, et en 1934, il devient gérant d’El Ouma organe de l’ENA messaliste. Fréquemment il est l’orateur des meetings de l’ENA. Dans une assemblée réunie après le « pogrom » de Constantine d’août 1934, selon l’indicateur de police qui prend des notes, il souhaite que « les Arabes frappent non sur les Juifs mais sur tous ceux qui sont vendus à l’impérialisme français ».

L’ENA à nouveau interdite, il appartient à la direction de l’Union Nationale des Musulmans Nord-Africains qui prend la relève en février 1935. Arrêté, il est condamné à trois mois de prison. À sa sortie alors que Messali* s’abrite en Suisse, il contribue à maintenir l’ENA à Paris. Après la formation du gouvernement de Front populaire, il fait partie de la délégation qui présente en juin 1936 un « cahier de revendications ». Cependant il semble avoir ses propres orientations. Selon la police, en janvier 1937, toujours membre du comité directeur de l’ENA, il devient aussi président du Cercle de l’Éducation, association transposée à Paris par les Oulémas. À la suite de la dissolution de l’ENA, il est certes un membre fondateur du PPA (Parti du peuple algérien) et un des responsables avec Belkacem Radjef* et Amar Khider*, de sa Fédération, mais ne participe pas à son implantation en Algérie. Il veut mettre le parti sous la protection de La ligue des commerçants musulmans mieux acceptée par l’administration.

C’est comme gérant d’El Ouma qu’il est encore arrêté et emprisonné en juin 1939. Après l’interdiction du PPA en septembre 1939, il se joint à Amar Khider pour continuer une action légale en créant l’Union des Travailleurs Nord-africains qui poursuit son entreprise sous le régime de Vichy. Il va plus loin dans la collaboration favorable à la cause allemande nationale-socialiste en devenant le speaker en langue arabe de radio Paris quand B. Radjef est le speaker en langue berbère. Ils démissionnent en 1942. En juillet 1945, Mohammed Si Djilani est signataire de la lettre demandant au général De Gaulle de lever l’interdiction du PPA. Le PPA restant interdit, il fera place au MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) en 1947 ; Si Djilani accompagne alors Messali dans sa tournée en Kabylie. Pour avoir témoigné quelque sympathie pour le groupe dit « berbériste » en 1948, il est par la suite tenu à l’écart ; il vieillit dans une situation matérielle fort précaire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article131161, notice SI DJILANI Mohamed [Dictionnaire Algérie], version mise en ligne le 22 février 2014, dernière modification le 12 octobre 2021.

SOURCES : Arch. Nationales, Paris, F7 12 952. — Arch. de la Préfecture de Police, Paris, carton 56 et 57. — Arch. ministère d’Outre-mer, Paris SLOTFOM série 3, carton 45. Série 5, carton 11. — Arch. Outre-mer, Aix-en-Provence, 9H 18, 19, 20 et 9H 30 et 9H 42. — Arch. Commission coloniale PCF, microfilms IC, IRM Paris. — Messali, Mémoires , cahiers n° 6, 8 et 9, inédits. — J.L. Carlier, Individus, groupes, propagandisme : le procès de politisation de l’émigration algérienne, à l’entre-deux guerres », mémoire de DES de sciences politiques, Université d’Alger, 1976, et « La première Étoile nord-africaine. 1926-1939 », Revue algérienne des Sciences juridiques, économiques et politiques, n°4, 1972, Alger ; reprise et développement dans O. Carlier, Entre Nation et Djihad, op. cit. –B. Stora, Dictionnaire biographique des nationalistes algériens, op. cit. — M. Bouayed, L’Histoire par la bande. Entretien avec Banoune Akli et Amar Khider, SNED, Alger 1974. —M. Guennanèche et M. Kaddache, L’Étoile nord-africaine, 1926-1937, OPU, Alger 1984. — M. Lacheraf, Des noms et des lieux. — Sources familiales.

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