SIGNAC Paul

Par Nicole Racine

Né et mort à Paris : 11 novembre 1863-15 août 1935 ; artiste peintre néo-impressionniste ; libertaire ; collaborateur des Temps Nouveaux de Jean Grave.

Fils unique de commerçants très aisés, Paul Signac s’intéressa, dès son enfance, au dessin et à la peinture. Son père mourut en 1880 et Paul s’installa à Paris avec sa mère. Délivré de tout souci matériel, il voyagea et peignit durant toute sa vie. En 1892, il épousa une parente éloignée des Pissaro ; une fille, Ginette, naquit de cette union en mai 1913. De 1909 à 1934, il présida la Société des Artistes indépendants.

Dès 1888 il avait été attiré par les idées anarchistes. Il se montra un ami dévoué de Jean Grave ; il collabora aux Temps Nouveaux à partir de 1896 et fit don de quelques-unes de ses œuvres aux tombolas organisées pour aider financièrement le journal. En 1902 il donna des dessins pour Guerre-Militarisme, préfacé par Grave et illustré également par Luce et Steinlen. Il collabora aussi à l’Almanach du Père Peinard (1894-1899) de Pouget.

En 1914, Signac demeura fidèle à ses conceptions internationalistes et fut très affecté par le ralliement de beaucoup à l’union sacrée, par celui de Jean Grave en particulier. Il lui écrivit de La Rochelle le 1er août (année non précisée).

« Mon cher Jean Grave,

« [...] Laissez-moi vous confier, mon cher ami, qu’un de mes grands chagrins de ces horribles temps a été causé par votre évolution au début de la guerre. Nourri de vos principes, de ceux de Reclus, de ceux de Kropotkine, — car c’est vous qui m’avez formé — je n’ai pu comprendre que vous admettiez la guerre, que vous ne protestiez pas contre le déchaînement de cette horreur, que vous puissiez faire une différence entre la bonne et la mauvaise guerre. Vous m’avez enseigné que la guerre est mauvaise, toujours atroce. Comment avez-vous pu admettre qu’il puisse y avoir un motif pour autoriser un Français à enfoncer une baïonnette dans le ventre de son frère allemand ? Pendant trente ans vous m’avez prouvé le contraire. Pour ma part, je suis resté avec les idées que vous m’avez mises au cœur et en tête et j’ai préféré croire que, pris dans les remous de la tourmente, vous aviez eu une heure d’erreur plutôt que de supposer que vous vous étiez trompé et que vous m’aviez trompé — involontairement — pendant trente ans.

« Les résultats actuels doivent vous prouver que vous vous êtes trompé, si vous avez cru un moment qu’il fallait se battre pour la noble cause de la fin du militarisme. Peut-être eussiez-vous dû la reconnaître. Mais peut-être l’avez-vous fait, car je n’ai rien lu de vous depuis plusieurs années.

« Le changement de mon grand ami Verhaeren — Luce refusant de signer l’hommage à Romain Rolland* — mon ami Jean Grave, admettant la guerre... ! L’écroulement de tout ce à quoi je croyais. Le coup fut rude : pendant trois ans je n’ai pu peindre [...] »

En 1915, sur recommandation de Marcel Sembat, Signac reçut la Légion d’honneur.

Durant la Première Guerre mondiale, Paul Signac compta parmi les défenseurs et amis de Romain Rolland*. Ainsi participa-t-il le 27 novembre 1915 à l’hommage à l’auteur d’Au-dessus de la mêlée préparé par Jacques Mesnil et Gaston Thiesson pour les Hommes du jour. Au lendemain de la guerre, il adhéra aux conceptions pacifistes et internationalistes de Romain Rolland* et signa la « Déclaration d’indépendance de l’esprit. »

Il adhéra au mouvement « Clarté » lancé par Henri Barbusse le 10 mai 1919. Il se rangea parmi le petit groupe des amis de Rolland qui entra en désaccord avec Barbusse sur la composition du nouveau groupement et l’appel à des personnalités du monde des lettres qui n’avaient pas fait preuve d’internationalisme durant la guerre. Il signa, dans cet esprit, le 18 juin 1919, la lettre collective de démission adressée au secrétaire général de « Clarté », Victor Cyril, par Charles Vildrac*, Georges Chennevière, François Crucy, Léon Werth, Albert Doyen et Léon Bazalgette. Sympathisant de l’expérience soviétique, il s’occupa, d’après les souvenirs de Georges Cogniot, de la commission des beaux-arts du Cercle de la Russie neuve, fondé en 1927-1928. Dans les années trente, Paul Signac rejoignit les rangs de la mobilisation antifasciste. Il participa à des manifestations patronnées par le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes et l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires. Il donna un « Message aux artistes » au meeting organisé par le CVIA le 30 mai 1934 à la mutualité (publié dans Commune, en juillet-août 1934). Signalé l’été 1934 par Commune comme un ami de l’AEAR, il participa le 16 novembre 1934 à la manifestation de l’AEAR à la Mutualité, sous la présidence de Victor Margueritte, en faveur des maîtres de l’enseignement (Commune, décembre 1934). On retrouve son nom dans les discussions organisées par Commune en 1935 sur le thème « Où va la peinture ? » Le 13 mars, il présida une assemblée de deux mille personnes organisée à la Mutualité par le Comité pour la libération de Thaelmann.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article131171, notice SIGNAC Paul par Nicole Racine, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 26 juin 2021.

Par Nicole Racine

ŒUVRE « anarchiste » : Voir ci-dessus et contribution à l’Album des Temps Nouveaux, 1905.

SOURCES : Arch. Ppo. 55. — Thieme und Becker, Dictionnaire général des artistes, de l’antiquité à nos jours, Leipzig. — L. Couturier : « P. Signac », Les Cahiers d’aujourd’hui, 1922, Paris. — F. Fénéon, étude dans Les Hommes d’aujourd’hui, 1890. — Besson, P. Signac, Paris, 1935. — J. Sutter, Les Néo-Impressionnistes, 1970. — Correspondance, fonds Jean Grave, déposée à l’IFHS — R.L. Herbert, « Les artistes et l’anarchisme », Le Mouvement social, juillet-septembre 1961. — A. Dardel, Étude des dessins dans les journaux anarchistes, 1895-1914, Mémoire de Maîtrise, Sorbonne, 1970. — R. Rolland, Journal des années de guerre 1914-1919, A. Michel, 1952. — V. Brett, Henri Barbusse, sa marche vers la clarté, son mouvement Clarté, Prague, Éd. de l’Académie tchécoslovaque des sciences, 1963. — L’Humanité, 5 et 16 août 1935. — Regards, 22 août 1935, 25 mars 1937. — Commune, mai 1935. — RGASPI, Moscou, 517 1 1697.

ICONOGRAPHIE : J. Sutter, op. cit. — Les Hommes du Jour, n° 170, 22 avril 1911 (dessin).

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