SIGNOR Alain, Pierre, Marie [LE SIGNOR dit]

Par Christian Bougeard, Jacques Girault

Né le 28 septembre 1905 à Pont-l’Abbé (Finistère), mort le 6 février 1970 à Menton (Alpes-Maritimes) ; instituteur ; membre du comité central du PCF ; député communiste du Finistère (1946-1955).

Le nom de Le Signor fut annulé par décision de justice et transformé en Signor en 1949. Les parents d’Alain Le Signor, domestiques de ferme, vinrent à Pont-l’Abbé après leur mariage en 1903 et travaillèrent comme manœuvre. Le père mourut en 1911 et la mère exploita un commerce de bière, boissons gazeuses et confiserie qui employait en 1933 un frère d’Alain, son beau-frère et deux employés. Le Signor, élève du cours complémentaire de Pont-l’Abbé, entra à l’École normale d’instituteurs de Quimper (promotion 1921-1924) et obtint le brevet supérieur. Il enseigna en pays bigouden (Plomeur puis Plobannalec-Lesconil) jusqu’en 1940. En janvier 1924, il adhéra au syndicat des membres de l’Enseignement (CGTU) dans lequel l’influence de militants anarcho-syndicalistes comme Josette Cornec et Jean Cornec était forte. Il fut le secrétaire adjoint de la section départementale du syndicat « unitaire » de 1930 à la fusion dans le Syndicat national des instituteurs en 1936.

Après son service militaire effectué comme soldat de 2e classe au 106e régiment d’Infanterie de Châlons-sur-Marne de 1925 à 1927, Le Signor épousa le 4 décembre 1927 à Pont-L’Abbé, Yvonne Guillaumat, qui, née de père inconnu, abandonnée par sa mère, fut élevée par Charles Le Signor, un simple homonyme, un maçon qui militait avant la guerre à la SFIO, fut secrétaire du syndicat du bâtiment de Pont-l’Abbé en 1913-1914 puis resta fidèle lecteur de l’Humanité après la guerre. Ouvrière brodeuse puis ménagère à partir de 1927, elle était présentée par son mari comme sympathisante communiste « mais son attachement au foyer est encore plus grand. » Après la guerre, sans profession, elle adhéra au Parti communiste français. Le couple eut cinq enfants.

Le Signor fonda une section des Jeunesses communistes à Pont-l’Abbé en septembre 1924. Secrétaire de la Xe Entente des Jeunesses communistes, il adhéra au Parti communiste le 12 mai 1927, ce qui en fit en 1953 l’un des deux plus vieux adhérents de la direction fédérale du Finistère avec Pierre Salaün (adhérent depuis 1925), ouvrier papetier, maire de Scaër après 1945. Secrétaire du rayon communiste de Pont-l’Abbé de 1927 à 1939, il devint membre du comité de la région communiste de Bretagne en 1930, secrétaire du comité départemental, responsabilité étendue au secrétariat de la région bretonne Finistère-Morbihan lors de sa création en juin 1934. Placé à la tête des délégations bretonnes en 1936 au congrès de Villeurbanne, en décembre 1937 au congrès d’Arles où il défendit la politique de la « main tendue », il fut élu membre suppléant du comité central. Depuis 1935, lors de sa recréation, il dirigeait le journal hebdomadaire régional La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime. Candidat aux élections législatives d’avril 1936 dans la troisième circonscription de Quimper, il obtint 15,5 % des voix et se désista pour le député sortant radical-socialiste Albert Le Bail, favorable au Front populaire. Dans ce fief électoral des Le Bail, père et fils, la percée communiste, notamment dans les ports de pêche, n’était pas négligeable.

Non mobilisable pour des raisons de santé (ancien tuberculeux, difficultés cardiaques) en septembre 1939, inscrit au carnet B depuis 1927, Le Signor fut astreint à résidence forcée dans l’arrondissement de Quimper au 1er octobre 1939. Puis il reprit son travail en octobre 1939. Selon Eugène Kerbaul, il contribua à la mise en place des premières structures clandestines du Parti dans le Sud-Finistère. Le 17 septembre, son domicile avait déjà été perquisitionné. Il fut suspendu de ses fonctions par décision préfectorale du 18 novembre 1939 qui, sans doute, ne reçut pas d’application. Selon ses Souvenirs d’un militant, il subit en janvier 1940 de nombreuses pressions de l’inspecteur d’Académie et de la police : demande de condamnation de l’URSS et du pacte germano-soviétique. La suspension de son poste d’instituteur en février fut suivie d’une nouvelle perquisition policière le 13 mars 1940. La police cherchait à éliminer les cadres qui tentaient de réorganiser les communistes. Arrêté le 25 mars. interné à l’île d’Yeu puis, à la fin d’avril 1940, au camp de Saint-Angeau près de Riom-ès-Montagne (Cantal), il s’évada de ce dernier, le 15 septembre 1940. Révoqué le 28 octobre 1940 avec deux autres instituteurs du Finistère, Jean Cornec et Charles Drapier, il participa dès lors à la Résistance en zone sud. Responsable régional à Grenoble (Isère) en 1941, au début 1941, il prit la direction clandestine du Parti communiste dans la région marseillaise, remplaçant Caresmel. Après l’arrestation de Barthel (Jean Chaintron) en mars 1941, envoyé à Lyon, il devint instructeur du comité central, puis membre de la délégation du comité central en zone Sud jusqu’à l’été 1944 du triangle de direction avec Léon Mauvais et Hubert Ruffe. Il participa à la préparation des grèves, à l’organisation paysanne dans les villages, la constitution de comités de défense et d’action paysanne, à la préparation de l’insurrection à Marseille en juillet-août 1944. 

Dans ses professions de foi, il écrivait que ses « services dans la Résistance étaient homologués du 1er septembre 1940 au 1er septembre 1944 avec le grade de lieutenant-colonel » et se présentait comme un grand invalide de la Résistance.



En novembre 1944, Alain Le Signor revint dans le Finistère où il joua un rôle important dans la mise en place de la nouvelle direction d’une fédération en plein essor, s’occupant de la sélection et de la formation des cadres. En mars 1945, il était membre du secrétariat du PCF du Finistère et fit de Gabriel Paul le secrétaire fédéral qui devint député en septembre 1945. Il fut lui-même élu au comité central lors du congrès de 1945 et occupa des responsabilités dans la section idéologique, dans la section de propagande. Il fut aussi nommé à la direction des Cahiers du Communisme où ses choix sur le contenu des articles furent parfois critiqués. Il séjourna à Moscou (septembre 1945 – mars 1946) comme correspondant de l’Humanité et représentant du PCF. Il milita après son retour en France à l’association France-URSS. Reconduit comme membre du comité central par le congrès de 1947, il fit partie d’une délégation du comité central dans les Antilles françaises (septembre-octobre 1947).

Le 10 novembre 1946, Alain Signor fut élu député du Finistère en troisième position sur la liste « d’union républicaine et résistante », avec Pierre Hervé et Gaby Paul, la liste communiste recueillant 27,84 % des suffrages (plus 10 000 voix depuis juin 1946) et 3 sièges sur 10. Durant la campagne, Signor s’était signalé par son antisocialisme. En tête de la liste communiste, il fut réélu le 17 juin 1951, ainsi que Paul (20,93 % des suffrages). Lors de ses mandats, il fut membre des commissions de l’agriculture (1946-1947), de l’Éducation nationale (1949-1951), et surtout de la Marine marchande et des pêches (1946-1951). A la Chambre, il fut très actif : défense des agriculteurs, des pêcheurs, des normaliens et des écoles normales dont il devint le spécialiste, tout en protestant contre la guerre d’Indochine.

Lors de la conférence fédérale de février 1949, présidée par Jeannette Vermeersch, une véritable « purge » frappa le comité fédéral : 24 nouveaux membres y entrèrent avec la promotion de Daniel Trellu, ancien chef départemental des FTP, comme secrétaire fédéral. Cette mesure résultait de la crise politique de la fédération du PCF du Finistère en 1948-1949, marquée notamment par la démission de Pierre Hervé de son siège de député le 15 juin 1948. Bien qu’ayant quitté le comité central, Signor, dans le Finistère, participa à la reprise en main et au durcissement de la ligne du parti et de la CGT. Selon les Renseignements généraux, la direction Trellu-Signor fut chargée d’écarter les militants considérés comme « titistes, déviationnistes ou mous
 ». En mars 1949, ils présentaient Signor comme « très autoritaire et sectaire ». Les autocritiques, les mises à l’écart de cadres et les exclusions se succédèrent.

Signor fit partie des 26 membres (15 titulaires et 11 suppléants) écartés lors du XIIe Congrès du PCF en avril 1949. Ses liens avec Charles Tillon inquiétaient la direction du PCF.

Au printemps 1950, une série de grèves violentes secoua le Finistère. Le 14 avril, une manifestation de femmes de l’Union des femmes françaises à Brest se solda par l’arrestation de la députée communiste Marie Lambert et de deux cadres du Parti. En effet, du 17 mars au 24 avril 1950, une longue grève des ouvriers du bâtiment brestois, organisée par un comité intersyndical CGT-FO-CFTC et soutenue par les ouvriers de l’arsenal, les traminots, les cheminots, les dockers et les agents de la Sécurité sociale, se termina tragiquement. Le 17 avril, lors d’une manifestation de protestation de 5 000 personnes contre l’intransigeance patronale, l’ouvrier communiste Édouard Mazé, frère du secrétaire général de la CGT du bâtiment, fut tué au cours d’affrontements avec la police d’une balle en pleine tête. Il y eut une cinquantaine de blessés dont quatre par balles et seize arrestations dont celles de deux députés du PCF. Une foule immense et traumatisée participa aux obsèques de Mazé le 19 avril. Arrêté le soir même, Signor fut bientôt relâché ainsi que sa collègue alors que Jacques Duclos interpellait le gouvernement contre la violation de leur immunité parlementaire. Les deux députés finistériens furent condamnés à six et cinq mois de prison avec sursis. Dans le procès en appel, il fut défendu par les avocats Léo Matarasso et Marcel Willard.

Durant cette période, l’affrontement entre les communistes et les socialistes SFIO dirigés par Tanguy Prigent était très virulent. Reflet de cette politique sectaire, Signor conduisait, pour la première fois, la liste du PCF dans le Finistère aux élections législatives du 17 juin 1951 (six listes sans apparentements). Le PCF devançait encore nettement la SFIO (16,1 %) qui avait stabilisé son score de 1946. Mais avec 20,9 % des suffrages exprimés (moins 27 345 voix) au lieu de 27,8 % en novembre 1946, il perdait un siège de député dans le Finistère.

Aux élections législatives de janvier 1956 (9 listes), après un nouveau changement de direction fédérale et la dénonciation du sectarisme passé, Signor fut écarté de la liste du PCF alors que Gaby Paul et Auguste Penven étaient élus députés (18,6 % des voix). Marcel Servin qui suivait le fédération, dans son rapport sur la réunion du comité fédéral en mai 1956, indiquait que le recul aux élections provenait d’une mauvaise politique vis-à-vis des catholiques et d’un repli sur soi.

Alain Signor n’appartenait plus aussi à la direction fédérale, devenant membre du seul comité de la fédération en 1953. Selon le rapport de Servin, la conférence fédérale en mai 1956 ne procéda pas à sa réélection comme membre du comité fédéral. En effet dans une longue intervention, il avait développé son analyse sur le thème : le parti était en train de se liquider, la crise du PCF affectait tout le parti, avec des causes diverses depuis son silence sur les erreurs de la politique de l’URSS vis-à-vis de Tito en passant par la mauvaise analyse de la crise ou les choix faits lors des candidatures aux élections. Il insistait surtout sur la faiblesse des directives apportées par les cinq membres du comité central qui avaient suivi la fédération.

Alain Signor, après la fin de son détachement comme parlementaire, réintégra l’Éducation nationale et demanda sa mutation en région parisienne. Il reprit en octobre 1956 du service dans l’enseignement à Issy-les-Moulineaux où il habitait, d’abord, puis à Brest, jusqu’à l’heure de sa retraite, en 1959. Il se retira à Pont-l’Abbé et consacra dès lors ses loisirs à la recherche historique. Puis il partit pour la Côte d’Azur pour des raisons de santé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article131174, notice SIGNOR Alain, Pierre, Marie [LE SIGNOR dit] par Christian Bougeard, Jacques Girault , version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 13 février 2022.

Par Christian Bougeard, Jacques Girault

ŒUVRE : La Révolution à Pont-l’Abbé, , Paris, Livre Club Diderot, (Prix de la Cité, 1969), 424 p. — Souvenirs d’un militant.

SOURCES : Arch. Nat. F7/13033., F7 15477, dossier 151. — Arch. PPo. 88. — Arch. de l’Assemblée nationale. — RGASPI, Moscou, 495 270 17, 517 1 1864. — Arch. Mun. Quimper, fonds Alain Le Grand, 22 J 210. — Archives du comité national du PCF. — Télégramme de Brest et de l’Ouest, 18 décembre 1969 et 9 novembre 1970. — France d’abord, mars 1970. — Action laïque du Finistère, mars 1970. — Préface d’Yves Le Gallo à la Révolution à Pont-l’Abbé. — DBMOF, notice par G-M Thomas. — Eugène Kerbaul, Dictionnaire biographique des militants ouvriers du Finistère, 1918-1944, 1974 et 1640 militants du Finistère, Bagnolet, chez l’auteur, 1988. — Isabelle Picart, Le PCF à Brest de la Libération à la fin de la 4e République, maîtrise d’histoire, Université de Bretagne occidentale, Brest, 1989. — Sophie Richard, Les instituteurs publics et la vie scolaire dans le Finistère de 1939 à 1945, maîtrise d’histoire, UBO, Brest, 1998.. — Notes. de P. Emmanuelli, d’E. Kerbaul et d’Antoine Olivesi.

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