SIGWARD Joseph

Par Claude Pennetier, Gilles Pichavant

Né le 18 mai 1868 à Bessèges (Gard), mort le 19 juin 1945 à Saint-Étienne (Loire) ; ouvrier verrier ; militant anarchiste, syndicaliste et socialiste ; secrétaire de la Fédération nationale CGT des verriers.

Joseph Sigward (nom de ses lointains ancêtres allemands, verriers de la Forêt noire ; parfois Sygward) était fils d’un verrier de Rive-de-Gier (Loire), monarchiste légitimiste qui voulut faire de lui un religieux (un moine de préférence). Par réaction, il devint libertaire et libre penseur, entraînant son frère cadet, Melchior, dans l’action révolutionnaire.

Ouvrier verrier, membre du groupe anarchiste de Rive-de-Gier (Loire), Joseph Sigward devint trésorier du syndicat local des verriers à vitre en 1892.

Parti en Italie, il assura la fonction d’administrateur de la coopérative de consommation des verriers de Livourne en 1895. L’année suivante, il figurait parmi les délégués du congrès des verriers à Pise.

Revenu en France, il prit le secrétariat du syndicat des verriers de Penchot en 1896 puis celui du syndicat des verriers de Rive-de-Gier en 1901. Délégué au congrès de la Libre pensée à Roanne en 1903, il fonda en 1905 l’Université populaire dont il assura le secrétariat. Sigward fréquentait des intellectuels et on peut citer sa sympathie pour le jeune Édouard Herriot qui, en 1905, lui envoya sa thèse de doctorat sur Madame Récamier et ses amis avec la dédicace suivante : « A mon ami Joseph Sigward, militant qui ne compose pas... »

Il était, en 1904-1915, secrétaire de la section fédérale des syndicats des verriers du Sud-Est (constituée en 1902) et un des dirigeants de la Bourse du Travail de Rive-de-Gier. On ne compte pas les congrès fédéraux des verriers qu’il organisa et auxquels il assista (Rive-de-Gier 1905, Albi (Tarn) 1906, Reims (Marne) 1907, Le Tréport (Seine-Inférieure) 1909, Vierzon (Cher) 1910, Fourmies (Nord) 1912, Chambon-Feugerolles (Loire) 1916) ni les congrès internationaux (Belgique, Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne, Portugal, Suisse). Voir Charles Delzant*.

Il assura le secrétariat de la Bourse du Travail de 1914 à 1920, fonda en 1908 la coopérative de consommation La Ruche syndicaliste. Pendant la Première Guerre mondiale, on note sa présence aux congrès confédéraux de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) en 1917 et de Versailles-Paris en juillet 1918. Il avait été chargé en 1917 de reconstituer les syndicats de Bessèges (Gard), Andrézieux (Loire), Montluçon (Allier) et Châlons-sur-Marne (Marne). Acquis aux idées de la majorité confédérale, considéré par les autorités comme « patriote » et n’ayant « jamais prononcé de paroles séditieuses », il allait prendre la tête du syndicalisme corporatif après l’arrestation des dirigeants du mouvement de mai 1918. Très hostile à Clovis Andrieu* et à ses amis, il fut l’un des artisans de la campagne lancée contre Jean Morin* en 1919 mais fut contraint d’abandonner son poste cette même année.

Secrétaire du syndicat national des verriers à vitre, il assista au XVIe congrès des verriers tenu à Paris du 3 au 6 septembre 1919. Tout en se déclarant fermement attaché à la fédération, Sigward proposa la constitution de « sections nationales de métier ou syndicats nationaux » et demanda l’avis de Delzant, secrétaire général. Celui-ci répondit : « On ne peut empêcher les spécialités de se rechercher dans la fédération, mais c’est dans le cadre de celle-ci qu’elles doivent le faire » (compte rendu, p. 41). La proposition de Sigward fut repoussée par 49 voix contre 12 et 4 abstentions. Delzant s’étant prononcé pour un seul permanent pour les trois catégories, le bureau « verre à vitre » demeura provisoirement tel quel : Sigward secrétaire avec mensualité de 40 F, A. Garand* trésorier avec mensualité de 15 F, soit des aides financières qui ne permettaient pas au syndicat de disposer d’un permanent.

L’après-guerre permet de constater une double évolution. Il ne refusa pas l’action politique et figura comme conseiller municipal socialiste de Rive-de-Gier avec l’équipe de Claude Drivon* de 1919 à 1925. Rien ne permet de préciser sa position face à l’évolution politique du maire vers le communisme puis, après 1922, vers le socialisme-communisme. Sigward devint à Paris secrétaire de la Fédération nationale des verriers tout en restant secrétaire du syndicat national des verriers à vitre. La Verrerie coopérative de Roanne en construction fit appel à lui comme administrateur. Comme Charles Delzant, Sigward resta à la CGT lors de la scission de 1922.

Président du syndicat de Rive-de-Gier en 1924, il fonda en 1929 et dirigea jusqu’en 1938 la section des vieux travailleurs non pensionnés de Rive-de-Gier. A ce titre ses interventions furent sollicitées dans de nombreuses villes ouvrières de la région lyonnaise. Malgré son âge il fut délégué d’usine à la verrerie de Souchon-Neuvesel en 1936. En 1939, l’écrivain antifasciste Ludwig Renn (voir sa biographie dans le dictionnaire Allemagne) trouva refuge auprès de lui après son évasion d’un camp du Sud de la France.

Lors de son décès survenu en juin 1945, Le Patriote appela à participer à ses « funérailles purement civiles », rendit hommage au « lutteur ardent dont la foi a tenu bon devant une répression patronale qui a été pour lui impitoyable » et salua son fils, « résistant actif ». Il s’agit de Francis Sigward qui fut longtemps responsable du service de l’état civil de la mairie de Rive-de-Gier.

Joseph Sigward a laissé un manuscrit intitulé : « Au fil des jours ou ma vie de travailleur. Plus de cinquante années de vie militante et de propagande socialiste, syndicaliste, coopérative en France et à l’étranger », daté de 1943.

Il était un cousin lointain de Jean-Marie Sigward (1817-1903), ouvrier verrier de Rive-de-Gier en 1848 puis militant parisien. De leurs rencontres pendant les premières années du siècle, il avait gardé le souvenir d’un homme cultivé mais « embourgeoisé ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article131187, notice SIGWARD Joseph par Claude Pennetier, Gilles Pichavant, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 20 juillet 2019.

Par Claude Pennetier, Gilles Pichavant

SOURCES : Arch. Nat. F7/13567. — Arch. Dép. Loire, 92 M 247. — La Confédération générale du Travail et le mouvement syndical, Paris, 1925, p. 459-461. — G. et M. Raffaëlli, Le Mouvement ouvrier contre la guerre dans la Loire (1914-1920), mémoire de Maîtrise, Nanterre, 1969. — La Voix des Verriers, 15 août 1909, 15 septembre 1910, 15 mars 1912, mai 1919, juin 1919, juillet 1919, septembre 1919, juillet 1920, décembre 1920. — Gazette du Palais, 1er janvier 1896. — Mémorial de la Loire et de la Haute Loire, 24 mai 1906 ; AD Aveyron, cote 6M 028 03. — Renseignements communiqués par Joseph Maria Sigward, petit-fils du biographié.

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