SIMON Robert, Anatole

Par Jean-Yves Boursier

Né le 28 juillet 1909 à Noyers-sur-Serein (Yonne), mort le 13 décembre 1998 ; instituteur ; militant de la SFIO puis du PSOP ; résistant ; communiste à partir de 1942 ; FTP, déporté ; membre du groupe oppositionnel Unir-Débat, exclu du PCF en 1970.

Son père, petit vigneron, était charretier de bois l’hiver et sa mère, couturière à domicile. Ils élevèrent quatre enfants dont trois furent instituteurs. En 1913, le vigneron Ernest Simon participa, avec d’autres paysans de Noyers, à la création d’une section socialiste. Il fut tué sur la Somme en 1916 et Robert devint pupille de la Nation.

Reçu à l’École normale d’Auxerre en 1925, Robert Simon y étudia jusqu’à sa première nomination, en 1928, dans son village natal. En 1927, il avait participé aux réunions et manifestations à Auxerre en faveur de Sacco et Vanzetti mais, à cette époque, il n’avait pas encore choisi entre la SFIO et le Parti communiste ce qui se traduisit dans ses choix syndicaux puisqu’il adhéra d’abord au SNI-CGT puis à la CGTU. En définitive, il rejoignit la SFIO en 1932 et soutint la tendance Action socialiste.

À la fin de cette année, alors qu’il était soldat au 4e RI d’Auxerre — où il refusa de suivre les EOR —, Robert Simon rencontra, à Noyers, l’instituteur Paul Verneiges*, qui fut son beau-frère (voir Eugénie Simon*), et participa, en uniforme, avec lui, à la création de deux comités du mouvement Amsterdam-Pleyel. En 1933, il soutint les positions défendues par Paul Verneiges, lié alors à « l’Action socialiste » de Jules Mallarte* et de Michel Lissansky*, partisans de l’alliance avec les communistes dans le cadre du développement du combat antifasciste.

Le travail au sein des Comités de lutte contre la guerre et le fascisme et la participation active aux actions antifascistes consécutives au 6 février 1934, valurent à Robert Simon d’être invité par l’Internationale des travailleurs de l’enseignement, en août 1934, en URSS avec des syndicalistes CGTU de l’enseignement. Les quarante-deux participants (professeurs, normaliens, instituteurs dont six de l’Yonne) assistèrent notamment à une conférence de Christian Rakovski, placée sous la présidence d’Alexandre Lozovski, secrétaire de l’ISR ainsi qu’à une séance du Ier congrès mondial des écrivains. À l’issue de ce séjour, quarante des quarante-deux participants, dont Robert Simon, signèrent une résolution dont Georges Cogniot* écrivit qu’elle était « un éloge sans réserve de l’œuvre magnifique des réalisations socialistes », omettant de signaler qu’elle portait surtout sur les réalisations scolaires constatées par les visiteurs.

Habitant Auxerre mais exerçant à Migennes, gros centre cheminot, Robert Simon milita dans ces deux villes. Quand le conseil départemental des comités de lutte décida de doter le mouvement d’un mensuel, Front populaire, il en devint secrétaire de rédaction. Dès l’été 1935, dans les meetings, comme dans le journal, le militant communiste Louis Aubry* , secrétaire des comités, refusa d’exalter la politique de Staline et, de son côté, Robert Simon appela les socialistes à renforcer le mouvement. En 1936, une motion Aubry-Simon « contre toute adhésion matérielle ou morale à la guerre » l’emporta (de 5 mandats) au congrès départemental contre une motion Sansoy-Verneiges appelant à « la défense de l’URSS, principal facteur de paix ».

Au lendemain des élections municipales de 1935, un comité départemental du Front populaire fut mis sur pied à Auxerre et Robert Simon y participa comme secrétaire du comité de Migennes. Les tâches principales étaient le soutien aux chômeurs, la riposte contre les mobilisations fascistes et, en mai 1936, le soutien aux grèves sur le tas, notamment à celle des ouvriers des usines Guillet.

Peu après, au cours de l’été 1936, quand se constitua le comité départemental d’aide à l’Espagne républicaine, Robert Simon en devint le trésorier. Il participa à une chaîne de solidarité avec les combattants républicains espagnols animée par le PSOP en février-mars 1939 et fournit des cartes de travail aux évadés des camps, grâce à l’aide d’artisans, de paysans et d’un policier antifasciste qui devait être révoqué par Vichy, comme franc-maçon.

Sympathisant de la Gauche révolutionnaire, Robert Simon la rejoignit dès que Paul Faure* eut dissous la Fédération SFIO de la Seine, en avril 1938 puis participa à la fondation du PSOP dans l’Yonne. Il groupa une quinzaine de militants issus de la SFIO, quelques employés, des instituteurs, des postiers, des cheminots. C’est à Migennes, où il était secrétaire adjoint de l’UL-CGT, qu’il participa activement à la grève du 30 novembre 1938. Robert Simon était trésorier départemental de Paix et Liberté. C’est alors qu’avec L. Aubry, il organisa la dissidence au sein du mouvement et qu’il participa aux comités de lutte contre la guerre de Gaston Clémendot*.

Un rapport du 5 août 1939, trouvé dans les Archives de Moscou, le décrit ainsi : « petite fripouille pivertiste, trotkiste (sic). A donné des preuves de mauvaise foi à l’égard des organisations. Il était SFIO et fait bien tout ce qu’il peut pour créer le Parti Pivert. Il est impitoyablement combattu par tous nos camarades communistes, sauf un. Nous allons en parler. »

Le 2 septembre 1939, Robert Simon fut arrêté par les gendarmes alors qu’il distribuait aux cheminots un tract du PSOP condamnant le Pacte germano-soviétique et la politique du gouvernement Daladier. Fiché comme « propagandiste révolutionnaire », surveillé, traduit devant les officiers qui lui reprochaient, en particulier, son comportement pendant son service militaire en 1932-1933, il rejeta l’idée de refaire le chemin imposé à son père en 1914-1916 et déserta le 16 septembre 1939, ce qui lui valut, par contumace, une révocation de l’Éducation nationale et une condamnation militaire à six ans de prison.

Arrêté début juin 1940, incorporé durant la journée du 14 juin à un convoi de militants communistes internés, il se retrouva mêlé, après diverses pérégrinations, à un millier de prisonniers de guerre français parqués dans un pré à Chalon-sur-Saône puis il réussit à s’évader pendant la traversée de Dijon. Fin août 1940, il fut convoqué à une réunion clandestine organisée à Paris par d’anciens du PSOP, Jean Rous*, Maurice Jacquier*, Fred Zeller*, Henri Barré* où il fut question de développer le Mouvement national révolutionnaire, récemment conçu, initiative d’une fraction trotskyste. Prenant acte de la domination nazie, il s’agissait de travailler au « redressement national et social de la France ». Mais dès janvier 1941, Robert Simon distribua des tracts gaullistes que lui remettaient Henri Barré et L. Lévy, refusant, par là, de s’engager dans la voie prônée par le MNR. Barré et Lévy furent arrêtés, condamnés à mort et déportés.

Fin septembre 1941, Rachel Barthélémy, épouse d’un transporteur militant du PSOP, renoua les contacts avec Simon et lui envoya Raymond Laverdet, un ancien du PSOP de Montrouge, devenu le responsable de la mission « Dastard » (du BCRA). En même temps, Robert Simon, mis en rapport avec André Jacquot* , ancien des Brigades internationale devenu l’un des responsables des groupes armés de l’Organisation spéciale du PCF, adhéra au PCF en janvier 1942. Il servit de lien entre Jacquot et Laverdet qui procura des armes au groupe FTP. « Valmy » dirigé par Fosco Focardi*. Robert Simon participa à plusieurs actions importantes mais fin octobre 1942, le groupe « Valmy » fut démantelé par les policiers des brigades spéciales. Torturé puis livré aux Allemands qui le condamnèrent à mort, il fut emprisonné à Fresnes (hiver 1942-1943), puis à Romainville d’où il fut déporté, avec ses camarades, pour Mauthausen (Autriche) en mars 1943.

Affecté à la carrière, après 250 jours d’isolement muté au block 12, Robert Simon y rencontra Octave Rabaté* qui s’était employé à organiser, avec Jean Laffitte*, l’appareil communiste clandestin. Le 9 mars 1944, Lafitte et Simon furent envoyés à Ebensee, une annexe du camp principal. Là, avec Souque, ils organisèrent le triangle de direction du groupe clandestin, avec Simon comme responsable aux questions militaires. Libéré par les Américains le 8 mai 1945, Robert Simon fut rapatrié fin mai et regagna Auxerre en juin.

Maria Valtat* , l’une des dirigeantes du PCF dans l’Yonne, le fit embaucher le 1er juillet 1945 comme rédacteur au Travailleur de l’Yonne, organe de la Fédération du PCF dont il fut le directeur de 1947 à janvier 1949, date de la disparition de ce journal. Dès que fut créée la FNDIRP, Robert Simon assura la présidence de la section de l’Auxerrois. Mais, en février 1949, il fut écarté du bureau fédéral du PCF en pleine campagne antititiste.

Convoqué comme témoin à un procès de criminels de guerre à Baden-Baden (Allemagne), en février 1949, il s’y rendit avec son camarade de déportation, Paul Tillard, journaliste à Ce Soir. À leur retour à Paris, Jean Laffitte les recruta tous les deux pour étoffer le comité de préparation du congrès mondial de la paix. Robert Simon devint le secrétaire de rédaction de la revue du conseil mondial Défense de la Paix, puis, à partir de l’été de 1950, il en fut l’administrateur. En 1952, son origine auxerroise lui valut d’être suspecté au moment où se préparait la mise à l’écart de Charles Tillon* ; celui-ci ayant un secrétaire, Marcel Valtat et un garde du corps, Armand Simonnot* , l’ancien commandant du maquis Vauban, tous les deux déjà originaires de l’Yonne.

Robert Simon fut alors démissionné de ses fonctions. Envoyé à l’Union française d’information, il y retrouva d’autres militants en cours de « purge » comme Marius Patinaud* , Paul Tillard, Hessler. Il fut affecté à la politique extérieure. Réintégré à sa demande dans l’Éducation nationale, il retrouva un poste d’instituteur dans l’Yonne à la rentrée de 1953. Il fut alors secrétaire de l’ADIRP de l’Yonne (1954-1970), membre du conseil national de la FNDIRP, et il redevint membre du comité fédéral du PCF de l’Yonne à partir de 1956. Il en fut écarté en 1961.

En 1962, Robert Simon s’engagea dans la tentative oppositionnelle du groupe « Unir-Débat pour le socialisme ». Condamnant immédiatement l’invasion de la Tchécoslovaquie dans le journal local, l’Yonne républicaine, puis participant à la création du Mouvement du 5 janvier pour une Tchécoslovaquie libre et socialiste dont il fut secrétaire de 1972 à 1977. Il fut finalement exclu du PCF en octobre 1970 pour « activités fractionnelles et désagrégatrices » et parce qu’il « s’est révélé l’un des dirigeants d’opérations menées en ce sens par divers groupes d’exclus, de renégats, de trotskystes et d’autres anti-communistes notoires » (les Nouvelles de l’Yonne).

L’itinéraire singulier et complexe de cet instituteur pacifiste et antifasciste est largement représentatif de celui de nombreux militants venus au PCF pendant la Résistance et ayant, par la suite, tenté sans succès de « redresser le Parti de l’intérieur ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article131268, notice SIMON Robert, Anatole par Jean-Yves Boursier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 12 décembre 2020.

Par Jean-Yves Boursier

SOURCES : Arch. Clémendot (CRHMSS). — Arch. Moscou, RGASPI, 495 270 8353. — Le Combat, 1939. — Le Monde, 16 décembre 1998. — Front antifasciste. — Front populaire de l’Yonne. — Le Travailleur de l’Yonne. — Les Nouvelles de l’Yonne. — Georges Cogniot, Parti pris, 2 vol., Paris, 1976 et 1978, t. 1. — [PCF], Conférence fédérale, 30-31 mars 1946. — J. Laffitte, Ceux qui vivent et Nous retournerons cueillir les jonquilles. — J.-Y. Boursier, Le PCF et la question nationale, 1936-1944, Th., Paris VIII, 1989. — Alexandre Mallarte, L’action socialiste. Un mouvement d’unité révolutionnaire au sein de la SFIO (1930-1935), Master 2, Université de Bourgogne, 2016. — Entretiens avec Robert Simon.

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