SIX Paul (abbé)

Par Jean Piat

Né le 5 mai 1860 à Roubaix (Nord), mort le 27 juin 1936 à Cassel (Nord) ; prêtre-professeur ; fondateur de cercles d’études sociales et pionnier du syndicalisme chrétien dans le Nord.

Paul Six était l’aîné de quatre enfants ; son père s’était vu confier par son patron la direction d’une usine textile à Roubaix. Après des études au collège Notre-Dame-des-Victoires, Paul Six entra, en 1878, au grand séminaire de Cambrai et, après une année, devint « professeur-abbé » au collège de Tourcoing pendant trois ans. Puis il retourna au grand séminaire et, le 29 juin 1884, fut ordonné prêtre. A cause de son éducation, il s’intéressa au sort des travailleurs et, à la suite de l’Encyclique « Rerum Novarum », vicaire à Tourcoing depuis 1887, il fonda, vers 1894, des cercles d’études sociales où il recommandait déjà aux ouvriers chrétiens de fonder des syndicats séparés.

Dans une lettre ouverte à Jules Guesde* (alors député de Roubaix) parue en octobre 1896 dans Démocratie chrétienne, Paul Six déclarait ne pas partager la doctrine collectiviste, mais se disait en accord avec lui sur « ...la question de la concentration capitaliste universelle dont nous sommes les témoins, question intimement liée à la question de la propriété des instruments de travail... ». « Vous appelez cette situation une crise... » disait-il « et vous avez mille fois raison. »

Après une longue disgrâce (1894-1907) durant laquelle il fut d’abord curé de campagne à Boussières (commune rurale du Cambrésis), puis aumônier de l’hospice d’Haubourdin, Paul Six fut nommé en 1907 par le coadjuteur de l’évêque de Cambrai, Monseigneur Belamaire, curé de la paroisse Saint-Denis d’Hellemmes, faubourg ouvrier de Lille. Il y resta jusqu’en 1914. Il y fonda des cercles d’études, un institut populaire (enseignement professionnel sous forme de cours du soir), et bien d’autres œuvres ouvrières, telle la caisse ouvrière de prêts. Il organisa également des conférences publiques (« Le catholicisme et le collectivisme devant la classe ouvrière » par exemple) et y affronta des orateurs socialistes. Il forma ainsi de nombreux militants, comme Léon Villefon* et Charlemagne Broutin* qui fondèrent le syndicat des cheminots à Hellemmes. Dans un article du 4 juillet 1936 du Journal de Roubaix, Eugène Duthoit* devait dire : « ... Ce que fait l’abbé Six, avec un succès toujours croissant, c’est l’éducation intellectuelle, morale, sociale, de ces dirigeants laïcs, de ces militants dont le monde syndical en mal d’organisation, a un si urgent besoin. Les institutions de la vie professionnelle et civique doivent être gérées par des hommes capables, consciencieux et intègres, respectueux des principes transcendants de justice et de charité. »

En 1914, Paul Six fut nommé curé d’une petite paroisse rurale, Bourghelles. Pour avoir caché un officier anglais, il fut arrêté par les Allemands, mais ne fut détenu qu’une journée. Au lendemain de la Grande Guerre, il s’inquiéta des progrès de la CGT et publia, dans le Journal de Roubaix et dans la Croix du Nord de longs articles sur l’éducation ouvrière.

Le 3 mai 1920, Mgr Charost, évêque de Lille, le nomma directeur des œuvres sociales. Peu après, l’abbé Six devint directeur des secrétariats sociaux du Nord. Il créa de nombreuses œuvres ouvrières pour former et éduquer, dès la jeunesse, des leaders pour le monde du travail. Quatre journées annuelles rassemblèrent les dirigeants syndicalistes chrétiens de la région. Une journée sociale se tint également chaque année à Lille et une école de conférenciers populaires fut ouverte, ainsi qu’un cercle Lacordaire où les militants après une conférence, apprenaient à parler en public. L’abbé Six créa aussi une École normale ouvrière, imitant les Semaines sociales de France : les sessions duraient quinze jours, les cours étant donnés par des membres de l’Université catholique (P. Bayart, J. Danel, E. Duthoit, le chanoine Tiberghien). Le journal syndical d’information et de formation, le Nord social, dirigé par L. Blain et Charlemagne Broutin, lui ouvrit bien sûr ses colonnes et l’abbé Six y écrivit des articles sous le pseudonyme de « Scrib ». Mais cet apostolat ne fut pas toujours accueilli favorablement ; l’abbé Six fut en butte à l’incompréhension et à la calomnie dans les milieux catholiques du Nord.

Après avoir été nommé chanoine, en 1928, puis prélat en juillet 1930, l’abbé Six se retira à Cassel en 1931, à l’âge de soixante et onze ans. Il y mourut cinq ans plus tard.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article131356, notice SIX Paul (abbé) par Jean Piat, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 11 août 2022.

Par Jean Piat

SOURCE : Chantal Lefebvre-Houte et Emmanuelle Leveugle, Biographie des militants ouvriers de la région Lille-Roubaix-Tourcoing entre les deux guerres, Mémoire de Maîtrise, Lille, III, 1972.

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