SOJAT Ricardo

Par Jean Sagnes

Né le 21 janvier 1899 à Pola (Istrie, Autriche-Hongrie), mort le 6 février 1981 à Béziers (Hérault) ; chaudronnier ; militant communiste et syndicaliste de Fiume puis de Béziers (Hérault) et de La Ciotat (Bouches-du-Rhône) ; résistant.

De père croate et de mère italienne, Ricardo Sojat était lui-même de langue italienne. Ouvrier métallurgiste à Fiume dès 1912, il commença à militer en 1915 dans le mouvement syndical. En septembre 1917, à la suite d’une grève, il fut renvoyé de son entreprise et dut rejoindre l’armée. Affecté spécial à Budapest, il participa à plusieurs mouvements de grève, certains en faveur de la Révolution russe et pour la paix. Il adhéra alors au Parti socialiste austro-hongrois. En mars 1918, il fut arrêté et envoyé au front d’où il déserta. Arrêté à nouveau quelque temps après, il ne dut son salut qu’à l’écroulement de l’empire austro-hongrois. En 1919, il était secrétaire général de la Jeunesse socialiste de Fiume. Le Parti socialiste de Fiume, la ville devant devenir libre, s’était affilié directement à l’Internationale communiste.

En 1921, Ricardo Sojat était secrétaire général de la Fédération de la Jeunesse communiste. Un an plus tard, après une grève victorieuse qu’il dirigea aux chantiers navals de la ville, il fut renvoyé, arrêté puis expulsé de Fiume. En septembre 1922, il avait été désigné comme délégué au quatrième congrès de l’Internationale communiste à Moscou. Mais son arrestation puis son expulsion ne lui permirent pas d’y participer. Il se rendit à Pola, sa ville natale où il participa à la lutte antifasciste mais, vers la fin de 1923, il dut s’expatrier.
Il était marié avec Pierina Suonich, italienne, et père d’un enfant.
Ricardo Sojat arriva à Béziers le 31 décembre 1923 et il y resta jusqu’au 10 avril 1939. Dès son arrivée, il prit aussitôt contact avec les communistes français et italiens de la ville. Quelque temps après, il devint responsable régional des groupes de langue italienne adhérant au PC français et, de 1928 à décembre 1938, fut membre du bureau régional du PC (Hérault, Aude, Gard, Pyrénées-Orientales). Il dira à la police en 1942 qu’il faisait la liaison entre le PCF et le PCI en tant que délégué régional pour l’Aude et l’Hérault. À ce titre, il correspondait avec Raoul Calas, responsable de la section propagande, avec Philomen Mioch, responsable régionale, avec Joseph Lazard, etc. Il travaillait à l’usine métallurgique de Fouga où il était chef d’équipe chaudronnier-traceur. Il fut naturalisé français le 12 décembre 1932. Jusqu’à cette date, il militait sous un nom d’emprunt et était connu dans les milieux italiens sous le pseudonyme de « Fabro ». En 1934, il était secrétaire du rayon communiste de Béziers et, de 1934 à décembre 1938, fut secrétaire de l’important syndicat CGTU puis CGT des Métaux de la ville (qu’il dira avoir créé) et, à ce titre, dirigea les grandes grèves de Fouga en juin 1936 (1 450 grévistes), juillet-août 1938 (1 790 grévistes), 30 novembre 1938 (1 364 grévistes), en relation avec Collot, secrétaire de l’UD. Durant cette période, Ricardo Sojat fut délégué à divers congrès : en décembre 1936 au congrès national d’unité de la Fédération des Métaux, en novembre 1938 au congrès de Nantes de la CGT, en décembre 1938 au congrès de la Fédération des Métaux. Le 27 février 1938, il devint membre de la commission administrative de l’UD-CGT de l’Hérault. Il était également, à cette époque, secrétaire adjoint de la Bourse du Travail de Béziers. Il fut licencié de chez Fouga au lendemain de la grève du 30 novembre 1938. Pendant des mois, il chercha vainement du travail . Finalement, le 3 mai 1939, il fut embauché comme chaudronnier aux chantiers de constructions navales de La Ciotat. Sans doute y était-il venu grâce à Jean Mailloulas qu’il avait connu à Béziers. Il y resta jusqu’au 22 avril 1942. Il y fut affecté spécial pendant la guerre. Il y était chef d’équipe chaudronnier. En avril 1942, il partit travailler, comme plusieurs ouvriers de la ville, à l’usine chimique d’Alais, Froges et Camargue à Saint-Auban (Basses-Alpes/Alpes-de-Haute-Provence) pour le compte de l’entreprise Nordon qui offrait des salaires plus élevés. Il fut arrêté à La Ciotat où sa famille était restée, le 16 août 1942. Il y était venu en congé pour les fêtes en compagnie de six de ses camarades ciotadins travaillant comme lui à Saint-Auban. Sans doute participait-il à la Résistance communiste comme plusieurs de ces jeunes qui militaient à la Jeunesse communiste, en particulier Robert Charvet, futur chef de maquis des Francs-tireurs et partisans (FTP). Cet engagement est attesté par son dossier de Résistance qui le fait apparaître comme membre du Front national, ce qui recouvre souvent un engagement au parti clandestin. Une grève venait de se produire, le 13 août, aux Chantiers navals et, en riposte, les autorités faisaient arrêter les « suspects ». Sojat et ses six camarades firent partie du lot. L’appartement de Sojat fut perquisitionné le 16 août et sa bibliothèque - cent trente deux livres et brochures politiques, en italien et en français – fut saisie. Interrogé par la police, il affirma avoir démissionné du PC en août 1938 car l’attitude des militants lors des grèves de juin-juillet 1938 lui avait déplu. Il ajouta qu’il s’était abstenu à La Ciotat de toute activité politique et syndicale. Bien que la police sache qu’il n’était pour rien dans le déclenchement de la grève des Chantiers, considérant qu’il n’avait rien renié de ses convictions, il fut l’objet d’un arrêté d’internement administratif le 18 août et fut envoyé au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) comme plusieurs militants syndicaux des Chantiers. Il fut déchu de la nationalité française. Il fut ensuite transféré au camp du Vernet (Ariège). En juillet 1943, la police italienne fasciste vint se saisir de sa personne pour le transférer en Italie. Il fut sauvé par la chute du fascisme et demeura à Modane jusqu’à l’armistice du 8 septembre 1943. Mais alors, il tomba aux mains des Allemands qui le remirent en novembre 1943 aux autorités de Vichy et il réintégra le camp du Vernet. En mai 1944, il fut repris par les Allemands et déporté à Dachau. Un an plus tard, le 29 avril 1945, il fut libéré par les troupes américaines.

Rentré en France, Ricardo Sojat revint travailler et résider à Béziers après un court séjour à Fiume. En 1945, il redevint secrétaire du syndicat des Métaux CGT de Fouga et le demeura jusqu’en 1947, date à laquelle ses horaires de travail, alternativement de jour et de nuit, ne lui permirent plus d’assurer cette responsabilité. En 1955, l’entreprise Fouga connaissant des difficultés, il fut licencié, comme de nombreux autres ouvriers, avec paiement d’un an de salaire. Réintégré en 1956, il prit en 1959 une retraite anticipée pour raisons de santé. Il se retira alors à Béziers.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article131389, notice SOJAT Ricardo par Jean Sagnes, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 19 février 2021.

Par Jean Sagnes

SOURCES : Arch. dép. Bouches-du-Rhône 5 W 215 (dossier internement). — site internet Mémoire des hommes SHD Vincennes GR 16 P 551989 (nc).— Le Travailleur du Languedoc, 1932-1939. — Interview de R. Sojat les 28 septembre et 4 octobre 1974. — notes Jean-Marie Guillon.

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