SPINELLI Laurent, Joseph

Par Dominique Olivesi

Né le 2 avril 1893 à Carros (Alpes-Maritimes), mort le 28 avril 1965 à Carros ; instituteur ; militant syndicaliste de la FUE puis du SNI ; militant communiste ; maire de Carros

Né dans une famille de petits exploitants agricoles, quatrième et dernier enfant de la famille, Laurent Spinelli grandit dans un milieu catholique très pratiquant mais sympathisant communiste.

Il passa brillamment son certificat d’études primaire en se classant premier du canton de Vence. Il fréquenta ensuite le collège Saint-François à Nice (Alpes-Maritimes), puis entra à l’École normale d’instituteurs. Le 28 octobre 1910, il obtint son brevet de capacité pour l’enseignement primaire et débuta sa carrière d’instituteur dans les environs de Grasse.

Non incorporé en 1914 pour raisons de santé, Laurent Spinelli fut cependant appelé sous les drapeaux en 1917 et connut trois affectations successives : aux 55e régiment d’artillerie, 118e d’artillerie lourde et 112e régiment d’infanterie. Il combattit dans les Flandres (secteur de l’Yser) mais fut évacué en janvier 1918 en raison de graves troubles respiratoires. La commission de réforme de Nice l’affecta le 12 mars 1918 aux services auxiliaires au Maroc, jusqu’à la démobilisation.

Nommé instituteur à Menton (Alpes-Maritimes) le 1er octobre 1919, Laurent Spinelli s’imposa en quelques années comme l’un des syndicalistes les plus actifs du corps enseignant des Alpes-Maritimes. Il fonda en février 1921 avec Virgile Barel le Syndicat de l’enseignement laïque, affilié à la CGT ainsi qu’un bulletin mensuel Notre Arme qui parut jusqu’en 1935. Le tribunal correctionnel de Nice le condamna à une amende, avec trois de ses collègues (Barel, Ernest Vidal et Paul Vidal) pour avoir refusé la dissolution de cette organisation.

Laurent Spinelli comparut, en 1922, devant le conseil départemental de l’enseignement primaire pour s’expliquer sur ses interventions répétées, en réunion publique, au sujet des responsabilités et des conséquences de la guerre. Le conseil lui infligea un avertissement pour infraction à l’obligation de réserve.

Au moment du congrès de Bourges de la CGTU (novembre 1923) et au début de 1924, Spinelli prit clairement position sur la question de l’unité syndicale en stigmatisant le « syndicalisme d’union sacrée qui avait fait faillite ». Il se fit alors l’ardent avocat du « syndicalisme de lutte de classes ». En août 1924, il représenta, avec Célestin Freinet, son département au congrès de la Fédération unitaire l’enseignement (CGTU) à Paris, et rédigea dans le n° 22 de Notre Arme un compte rendu des travaux. Très actif dans la défense des instituteurs poursuivis, Spinelli fut longtemps maintenu d’office sur son poste à Menton. Parce que l’administration et les services préfectoraux refusaient d’examiner sa demande de mutation pour un poste d’adjoint à Nice, il adressa, pour se plaindre, le 17 février 1926, une lettre au ministre de l’Instruction publique.

De 1926 à 1929, il siégea au conseil départemental de l’enseignement primaire. Au nom de sa fédération, il participa à l’effort de promotion pédagogique d’un nouveau manuel d’histoire de France « antipatriotard et antichauvin » qui s’inspirait de la « philosophie matérialiste ». En 1929, il perdit son siège de conseiller syndical en raison de la baisse d’influence communiste et ne le retrouva jamais. Lors des élections de 1932 il réalisa, avec à peine 90 voix, le plus mauvais score de tous les candidats.

Laurent Spinelli fut aussi, durant toute cette période, un militant politique. Il appartint à la minorité agissante qui implanta le PC dans les Alpes-Maritimes. Il fonda, à Menton, en 1922 avec Virgile Barel, une section de l’ARAC, puis un journal appelé le Bastion. À la fin des années vingt, il fut aussi trésorier du rayon départemental et gérant de Rouge-Midi. Il se présenta comme candidat communiste dans la première circonscription de Grasse, aux élections législatives de 1928 (4,4 % des suffrages) et en 1932 (4,4 %).

Pendant la période « classe contre classe », Laurent Spinelli participa, avec virulence, au travail d’Agit-Prop du PC. Sur le thème du Front unique, il rédigea dans Notre Arme une série d’articles qui clouaient au pilori les « sociaux-traîtres » et dénonçaient la « répression fasciste ». En 1931, à l’occasion du cinquantième anniversaire des lois de Jules Ferry, il fit aussi le procès de « l’école laïque bourgeoise ».

En 1932, il prit contact avec Henri Barbusse pour faire adhérer sa fédération au Congrès international contre la guerre (Amsterdam). Pendant les vacances d’été, il passa trois semaines en Union soviétique avec un groupe d’instituteurs français. Il publia, à la rentrée dans le bulletin de son syndicat, ses impressions de voyage. Son reportage fut par la suite publié (avec d’autres témoignages) en brochure, avec une préface de Georges Friedmann.

Laurent Spinelli obtint un poste à Cannes, s’y installa et s’y maria en 1934. Le seul enfant du couple, une petite fille, décéda à l’âge de deux ans d’une leucémie.
En 1933, il polémiqua durement avec les « réformistes » du Syndicat national. Pourtant en février 1934, il célébra l’unité d’action retrouvée « pour barrer la route aux ligues » et participa à la riposte commune de la journée du 12.

Comme responsable de la Fédération unitaire de l’Enseignement, Laurent Spinelli, en poste à Saint-Laurent du Var, proposa à partir de cette date le développement d’une vigoureuse action antifasciste et se trouva à la pointe du mouvement qui allait dans le département sortir le PC de son isolement. Après l’unification syndicale, membre du conseil syndical de la section départementale du Syndicat national des instituteurs, il participa à la commission d’éducation sociale.

Il se fit l’avocat du Pacte franco-soviétique de 1935, en butte aux attaques de l’« École émancipée » et justifia en bloc l’attitude de Staline. À la veille de la victoire de 1936, il appartint à la génération des « vieux militants » dont l’expérience allait être mise à profit par le PC pour encadrer le flux, canaliser la vague des nouveaux adhérents.

Responsable local du mouvement Amsterdam-Pleyel, qui revendiquait plusieurs milliers d’adhérents, Laurent Spinelli fut un des éléments moteurs du Front populaire dans les Alpes-Maritimes. En novembre 1936, il devint secrétaire du comité départemental qui regroupait toutes les organisations de la gauche. Candidat dans le canton de Vence en octobre 1937, il n’obtint qu’un score médiocre : 15 % des suffrages.

Plus à l’aise dans les batailles d’appareil, il mena en 1938, aux côtés de Madeleine Faraut, une vigoureuse offensive contre les dirigeants « munichois » et la tendance pacifiste du Syndicat national des instituteurs.

Le 24 mars 1940, en poste au cours complémentaire du quartier Saint-Lambert de Nice, il fut révoqué. Sa fidélité au Parti communiste dissous après le Pacte germano-soviétique ne fit aucun doute. Probablement également en mars 1940, Laurent Spinelli fut l’objet d’un arrêté d’internement administratif comme de nombreux militants communistes des Alpes-Maritimes. Il se trouvait au centre de séjour surveillé de Chibron (commune de Signes) à l’été. À la fermeture de ce camp, il fit partie des internés transférés dans celui de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) le 16 février 1941 et non, comme d’autres, à Fort-Barraux dans l’Isère. Classé parmi les éléments les plus durs et les plus déterminés « n’ayant rien renié de leurs idées », il évoqua ce deuxième internement dans un court récit intitulé « conte de Noël 1942 » écrit en souvenir de ses compagnons de détention qui périrent par la suite dans la Résistance ou en déportation.

Le 15 septembre 1944, Laurent Spinelli entra comme second représentant du PCF au comité départemental de Libération des Alpes-Maritimes. Dans cet organisme, il présida la commission d’épuration qui, entre septembre 1944 et février 1945, examina plus de 2 500 dossiers. À ce poste clef, il eut à répondre de nombreux excès et dut s’expliquer sur les « méthodes expéditives » des services de police qu’il dirigeait, à Nice, dans les locaux de l’hôtel Scribe. Il fut cependant prorogé dans ses fonctions, au début 1946 par un CDL élargi.

Réintégré le 6 octobre 1944 par décision préfectorale dans ses anciennes fonctions, il reprit son métier d’instituteur et termina sa carrière, en 1949 à Nice, au lycée du Parc impérial. À la retraite, Laurent Spinelli s’occupa d’un centre aéré.

Après la guerre, il conserva une activité politique. Il fut ainsi candidat en septembre 1945 dans le 4e canton de Nice contre Jean Médecin. Membre du comité fédéral du PCF, il fut élu maire de Carros en 1947 puis réélu en 1953, 1959 et 1965.

Sa femme était rédactrice à l’hôpital de Nice.

À sa mort, le dernier hommage lui fut rendu par Virgile Barel, son plus vieux compagnon de lutte.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article131618, notice SPINELLI Laurent, Joseph par Dominique Olivesi, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 20 septembre 2021.

Par Dominique Olivesi

ŒUVRE : Il écrivit une brochure sur son voyage en URSS en 1932.

SOURCES : Arch. Nat. F7/12971, 12972, 13030, 13124, 13128, 13749. — Arch. Dép Alpes-Maritimes : dossiers de l‘Inspection académique. — Arch. Dép. Var, 4 M 291. — site Mémoire des hommes SHD Vincennes GR 16 P 555649 (nc). — RGASPI, 495 270 573, autobiographie du 28 juillet 1933 (A), du 22 mars 1937 (A1), du 24 juin 1938 (A1). — V. Barel, Cinquante années de luttes, Éd. sociales, 1967. — J. Laurenti, Carnet de bord d’un vétéran. — M. Burlando, Le PCF et ses militants dans la Résistance des Alpes-Maritimes. — J.-R. Bézias, Le communisme dans les Alpes-Maritimes (1920-1939), Éd. Serre, 1988. — M. Brot, Le Front populaire dans les Alpes-Maritimes, Éd. Serre, 1988. — J.-L. Panicacci, « Le CDL des Alpes-Maritimes, 1944-1947 », Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 127, 1982. — P. Bourdrel, L’épuration sauvage, t. 1, Perrin, 1988. — Max Burlando, Le Parti communiste et ses militants dans la Résistance des Alpes-Maritimes, La Trinité, Parti communiste français, Fédération des Alpes-Maritimes, p. 49. — Notre Arme, bulletin syndical, 1921-1935. — Documents et témoignages de Madame Spinelli (1988). — Notes de Jacques Girault et de Jean-Marie Guillon.

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