TALPAIN Robert, Jean, Louis

Par Gilles Morin

Né le 1er octobre 1899 à Cantaleu (Seine-Inférieure), mort le 8 mai 1985 à Paris (XIXe arr.) ; exerça divers métiers et devint cinéaste ; militant socialiste, puis de la Gauche révolutionnaire et après guerre, socialiste ; fondateur du service cinématographique de la Fédération de la Seine de la SFIO.

Chemisier, libre penseur, le père de Robert Talpain avait épousé une écossaise, Roberte, Jeanne Mackenzie et ils eurent quatre enfants. S’étant mis à son compte, il traitait brutalement ses enfants qui travaillaient à la maison et écoulaient les produits de fabrication artisanale au marché. Robert Talpain alla à l’école communale et en sortit à l’âge de douze ans, ayant obtenu le Certificat d’études primaires. Il travailla alors à la chemiserie de son père. Faisant partie de la dernière classe appelée à la Première Guerre mondiale, il eut la chance de ne pas monter au front. Il n’en fut pas moins profondément marqué par ce conflit et notamment par sa première permission, qu’il passa à la recherche du corps de son frère, Roger, tué à Verdun le 25 avril 1917. Il devait rester jusqu’à la fin de sa vie un pacifiste convaincu.

Démobilisé, Robert Talpain épousa, le 14 avril 1921, Angèle Giraud. D’abord engagé comme chauffeur, en mai 1922, dans des établissements métallurgistes parisiens, il entra en mai 1929 à la société de films Tobis où il fit la connaissance de Marcelle Brochet, née le 18 août 1900, qui devait devenir sa compagne et qu’il allait épouser après la mort de sa femme en 1974. Marcelle Brochet, collaboratrice de Germaine Dulac, était monteuse cinématographique, principalement pour les actualités. Comme lui, elle avait adhéré à la SFIO par pacifisme. Ce sont les articles de Paul Faure* qui avaient convaincu Robert Talpain d’adhérer au Parti socialiste. Il devint membre de la 19e section au début de l’année 1932.

Intégré aux milieux cinématographiques, il s’intéressa aux moyens de propagande par le cinéma. Ayant participé aux manifestations comme celles de février 1934, Robert Talpain écrivit à Marceau Pivert qui organisait des séances de cinéma dans les sections de la Seine pour lui proposer de filmer les événements politiques afin de les montrer dans les réunions. Avec quelques autres militants, comme sa femme et André Champion, ils fondèrent en 1935 le service cinématographique de la Fédération de la Seine. Ils tournèrent cette année-là leurs premières bandes à l’occasion de manifestations publiques, Le Mur des fédérés lors de la commémoration annuelle au Père Lachaise, Les Bastilles, tourné le 14 juillet. Après quoi vinrent des reconstitutions, comme L’Attentat, après l’agression contre Léon Blum, et surtout des réunions de congrès, de conseils nationaux, etc, pour lesquels les discours étaient pour la première fois filmés avec le son.

Au début de 1937, Robert Talpain prit la tête de cet office de propagande qui disposait d’un bureau à la Fédération SFIO de la Seine fonda à l’initiative de Marceau Pivert une coopérative de production et de distribution de films, intitulée « L’Équipe ». Elle fonctionnait en dehors du Parti socialiste, proposant des œuvres grand public (par exemple Les Temps modernes) et ses propres productions militantes comme première partie des réunions de sections ou de fédérations. En deux ans elle programma plus de quatre mille séances dans toute la France. Pourtant, la coopérative étant sans moyens matériels, la SFIO, pauvre par ailleurs, s’intéressait peu au cinéma et se méfiait des « pivertistes ». Aussi Robert Talpain et ses amis ne touchèrent aucun salaire, jusqu’en juin 1937 où il devint permanent. Le travail de laboratoire se faisait clandestinement dans les studios où travaillait sa femme, le travail de montage était fait par les militants, Germaine Dulac servant de conseillère, Marceau Pivert s’occupant des textes lus par un speaker de la radio, Ben Damou.

Après la rupture avec la SFIO en 1938 (congrès de Royan), Robert Talpain et sa femme adhérèrent au PSOP (Parti socialiste ouvrier et paysan) où ils poursuivirent leur activité, notamment avec la fabrication du film Contre le courant qui justifiait la rupture avec la SFIO, et ils tournèrent des bandes d’actualités muettes en Espagne.

Mobilisé le 28 août 1939 comme deuxième classe dans un régiment d’infanterie, il fut démobilisé un an plus tard, le 23 août 1940. Il conserva des liens avec le réseau pivertiste, se trouvant notamment dans l’appartement de Marceau Pivert pour porter une lettre de celui-ci envoyée du Mexique lorsque se produisit une perquisition de la Gestapo.

Revenu à la SFIO à la Libération, Robert Talpain fut associé à la commission de propagande du parti. Il réalisa des courts métrages, intitulés « actualités socialistes », comme le transfert des cendres d’Otto Bauer, le congrès de Lyon en 1947 et un film de propagande commandité par la SFIO sur la base de propositions de Marceau Pivert, intitulé La Nouvelle vague. Toujours associé au noyau « pivertiste » de la Fédération de la Seine, il participa aussi en militant de base aux combats pour le redressement du Parti socialiste. Il participa à la constitution du PSA en septembre 1958 et fut membre quelques années du PSU, avant d’adhérer au PS dont il s’éloigna pour raisons de santé mais garda intact son idéal de jeunesse jusqu’au bout.

Robert Talpain, qui fut après-guerre chauffeur de maître et chauffeur à l’OCDE jusqu’à sa retraite, déposa la production cinématographique militante de « L’Équipe » à la Cinémathèque française, acceptant de céder les droits aux producteurs qui en faisaient la demande, sans contrepartie autre qu’une demande d’honnêteté dans l’utilisation, demande souvent déçue.

La documentariste Lucie Cariès lui a consacré en 2017 un film de 26 mn intitulé Robert Talpain, un militant pour le Front populaire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article131948, notice TALPAIN Robert, Jean, Louis par Gilles Morin, version mise en ligne le 8 février 2021, dernière modification le 11 mars 2021.

Par Gilles Morin

SOURCES : J.-P. Joubert, Révolutionnaires de la SFIO, FNSP, 1977. — Entretiens avec R. Talpain et Jacqueline Outin. — Arch. de R. Talpain. — Notes de Renaud Poulain-Argiolas.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable