TANCRÈDE Paul

Par Jean-Marie Guillon

Né le 21 décembre 1910 à Aspet (Haute-Garonne), mort le 22 février 2001 à Saint-Gaudens (Haute-Garonne) ; contrôleur des PTT ; communiste, syndicaliste CGT au coeur de "l’affaire Tancrède" qui provoque son exclusion de la CGT.

Fils de Frédéric Tancrède, employé à la Compagnie du Sud-Ouest, gare de Sarratère, et de Marie-Jeanne Darer, employée à la même gare, marié le 28 mai 1931 à Aspet avec Joséphine Lormant, Paul Tancrède était secrétaire de la section PTT de la Recette principale de Paris en 1936, Il habitait Pantin (Seine) et militait au Parti communiste. Mobilisé le 2 septembre 1939 au 150e RSC, il fut envoyé d’abord sur le front de Sarre, puis, en mars 1940, dans l’armée d’Orient en Syrie. Il apprit sa révocation en vertu du décret du 17 juillet 1940 à son retour, le 19 octobre. Il écrivit le 31 octobre au secrétaire d’État aux Communications pour solliciter une entrevue et demander sa réintégration, affirmant avoir « exposé sa vie pour défendre le gouvernement du Maréchal ». Réintégré, il fut affecté ou muté dans les Bouches-du-Rhône, à Marseille, où il renoua avec le parti communiste clandestin et prit des responsabilités syndicales. Secrétaire départemental CGT des PTT, il dirigeait le bureau clandestin de la Fédération postale régionale. Il conserva ces responsabilités à la Libération. Dirigeant depuis la clandestinité La Voix des PTT de Provence, il se fit le porte-parole des revendications des postiers de la région en avançant dans le « Programme d’avenir » présenté au premier congrès régional de décembre 1944 la fin des zones de salaire, une indemnité de résidence différenciée, l’instauration de l’échelle mobile. Depuis plusieurs semaines, il réclamait l’attribution à la région marseillaise d’une « prime de Libération » de 1 000 F comme à Paris en rappelant que les postiers de Provence avaient eux aussi connu des difficultés exceptionnelles dans l’été 1944, qu’ils avaient pris part aux combats de rue et avaient sauvé les centraux et le matériel administratif (télégramme au ministre, 25 novembre 1944). Il était soutenu par les communistes locaux (« Pourquoi 1 000 F d’indemnité de libération à Paris et pas à Marseille ? », Rouge-Midi, 17 décembre 1944). Les revendications qu’il portait concernaient la modification de l’échelle des traitements, la création au niveau fédéral d’un syndicat unique, mais aussi le montant des salaires par rapport au privé, le ravitaillement et le logement. Toutes ne correspondaient pas à la ligne nationale et il dût en rabattre après le congrès régional des 17-18 avril 1945. Il en soutint cependant une partie au congrès de Limoges (Haute-Vienne) des 10-14 septembre suivant. Ses propositions de réforme de l’administration des PTT furent reprises à ce congrès par les unitaires. Ceux-ci, majoritaires dans la région marseillaise, s’étaient montrés résolument épurateurs et tentaient de discréditer leurs adversaires syndicaux. Au congrès régional des 17-18 avril, Tancrède attaqua Conti, secrétaire adjoint des Alpes-Maritimes, en lui reprochant son attitude politique pendant la guerre, un serment d’allégeance à Pétain, ses manœuvres de division dans Combat syndical, et sa qualité de conseiller municipal socialiste. Confrontés au mécontentement croissant des postiers, le syndicat CGT tenta de contrôler ses expressions, par exemple lors de l’arrêt de travail de deux heures initié le 12 décembre 1945. Il se dissocia du mouvement de grève des centraux téléphoniques et télégraphiques du 31 juillet 1946, Tancrède refusant de prendre des responsabilités au comité de grève. Celui-ci chercha à casser le mouvement. Il expliquait dans le quotidien de droite La France du 1er août que la Fédération avait pris des dispositions pour assurer une importante partie du service télégraphique depuis la veille au soir et que, dans la journée, les chefs des services télégraphiques seraient mis en demeure de permettre la tenue des appareils télégraphiques par le personnel hostile à la grève. L’UD CGT, représentée par Lucien Molino,Pierre Gabrielli et Joseph Giribone, supervisa l’occupation du central télégraphique et l’expulsion des grévistes. Mais, depuis plusieurs mois, Tancrède était l’objet d’attaques sur son attitude en 1940. Ses adversaires confédérés et socialistes lui reprochaient s]on allégeance à Pétain en s’appuyant sur sa demande de réintégration en octobre 1940. Ces polémiques constituent ce qui fut appelé « l’affaire Tancrède » qui eut un grand retentissement dans les milieux syndicaux. Les communistes en vinrent à le lâcher à leur tour. Il fut poussé à la démission du conseil supérieur des PTT le 27 novembre 1946. Le comité régional de la Fédération postale, réuni le 2 décembre, présidé par René Bontems*, envoyé de la direction nationale, le releva de ses fonctions. Il fut remplacé par Fernand Mazet. Il fut exclu de la CGT avec dix ans de privation des droits syndicaux. Dans une lettre du 6 décembre 1946 Tancrède tenta une nouvelle fois de se justifier.

L’affaire eut un grand retentissement dans les milieux syndicaux.

Son neveu Raphaël Georges nous écrit en décembre 2020 : "Il semblerait que la demande de réintégration dans l’administration était motivée par les directives des instances du PCF sous l’occupation. Le parti souhaitait que ses membres réinvestissent les administrations et notamment celle des PTT. Paul Tancrède n’a jamais renié ni son appartenance aux idées du PCF, ni à celles de la CGT."

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article131959, notice TANCRÈDE Paul par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 29 janvier 2021.

Par Jean-Marie Guillon

SOURCES : l’Humanité, 17 mars 1936. — Arch. IHS CGT PTT. — Léo Lorenzi, Pascal Posado et 150 témoins, 1938-1944, les communistes face à la tourmente dans les Bouches-du-Rhône, Marseille, fédération des Bouches-du-Rhône du P.C.F. et Amicale des vétérans, 1995, p. 117.— Guy Roca, La Fédération postale dans la région marseillaise. De la Libération à la scission 1944-1948, Aix-en-Provence, mémoire de maitrises histoire, 2001. — Notes de Jean-Marie Guillon. — Courriel, de Raphaël Georges, 23 décembre 2020. — État civil.

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