THÉVENOUX Marius, Noël

Par Robert Estier

Né le 1er novembre 1898 à Chatelus (Allier), mort le 28 mai 1976 à Roanne (Loire) ; militant communiste et secrétaire du syndicat unitaire de l’Arsenal.

Fils d’un cultivateur devenu cheminot à Roanne, frère de Marcel Thévenoux* et de Jean-Marie Thévenoux*, Marius Thévenoux fut d’abord élève de l’école professionnelle de Roanne, d’où il sortit avec le diplôme d’ajusteur. Il travailla à Clermont-Ferrand en 1914, à Cours (Rhône), puis à Lyon chez Hotchkiss, où syndiqué en 1915, il était déjà collecteur du syndicat des métallurgistes. Mobilisé en 1917 comme mécanicien dans l’aviation, il revint à Roanne en mai 1920, et travailla d’abord dans une petite entreprise métallurgique, puis entra à l’Arsenal en 1921. Il adhéra en 1920 à la section socialiste SFIO de Roanne. Partisan de l’adhésion à la IIIe Internationale, avec la majorité de la section, il rejoignit le Parti communiste. Secrétaire de la section de l’ARAC, administrateur à la coopérative ouvrière « La Solidarité », il milita surtout au syndicat de l’Arsenal constitué le 2 juillet 1917 et affilié à la Fédération des syndicats métallurgistes de la Loire. Au sein du syndicat dirigé à la fin de la guerre par les minoritaires pacifistes, il s’opposa aux anarcho-syndicalistes, dont Auguste Michelat*, contribuant à la reparution du journal Le Travailleur de l’Arsenal, supprimé en 1920.

En étroit rapport avec Benoît Frachon qu’il accueillit à Roanne le 13 septembre 1922, délégué de l’Arsenal au IIe congrès CGTU (Bourges, novembre 1923), il fut chargé de la protection des délégués de l’Internationale. Marius Thévenoux joua au congrès annuel de l’Union départementale unitaire, comme rapporteur de la commission de vérification des mandats, un rôle important dans l’élimination des syndicalistes révolutionnaires du bureau de l’UDU, mis en minorité par 38 voix contre 36, et dans le remplacement de Lorduron par B. Frachon. Rapidement élu secrétaire du syndicat de l’Arsenal en 1924 (200 adhérents) puis du syndicat des Métaux, il contribua, aux côtés de Ferdinand Chevalier*, à développer les effectifs de la section SFIC, d’abord forte, puis rapidement vidée de ses effectifs après le départ de Sérol et de ses amis. En janvier 1925, il appartenait à la commission syndicale de la Région lyonnaise du Parti communiste et présida la conférence tenue en octobre.

Marius Thévenoux attaqua violemment Ferdinand Faure*, fondateur de l’Union socialiste-communiste avec Ernest Lafont*, auquel il reprocha « d’avoir emporté la caisse en quittant ses amis communistes », et fut de toutes les grèves et de tous les meetings.

En 1926, il refusa de succéder à Benoît Frachon* comme secrétaire de l’Union départementale unitaire. Membre du bureau du rayon communiste de Roanne en 1932 (voir Jean-Baptiste Nevers*), il représenta avec Bonnefille, le PC lors de la grève du 12 février 1934 où il prit la parole et, peu après, fut révoqué de l’Arsenal en raison de la propagande intense qu’il menait.

Marius Thévenoux fut défendu par son adversaire politique le socialiste Albert Sérol*, député-maire de Roanne alors président de la commission de la législation civile et criminelle de la Chambre, qui interpella le ministre de la Guerre contre les révocations de l’Arsenal, le 22 février 1935, et lui rendit un hommage direct, déclarant qu’en quinze ans « il n’avait pas pu donner une seule réunion publique sans le rencontrer comme contradicteur d’ailleurs courtois et loyal ». Malgré le dépôt par Sérol d’un ordre du jour engageant la Chambre à faire réintégrer les ouvriers d’État révoqués, Thévenoux dut attendre jusqu’en août 1936 sa réintégration.

Pendant ce temps il milita au niveau national. Marius Thévenoux fut secrétaire de l’Union nationale des cercles de coopérateurs et le principal porte parole de la minorité au congrès de la FNCC de mai 1935. À ce titre, il fit partie d’une délégation française à Moscou vers l’été 1935. La Coopération prolétarienne publia son article sur « Les usines à pain en U.R.S.S. » en octobre 1935.

Puis il revint à Roanne, où il représenta le Parti communiste dans la 1re circonscription face à Albert Sérol, aux élections législatives du 29 avril 1936. Un désaccord sur la tactique à adopter l’opposa à René Bonnefille*, secrétaire du rayon, dont il déplora l’absence lors d’une réunion des membres du comité du rayon de Roanne le 6 avril 1936, et auquel il reprocha de ne pas se pénétrer suffisamment des directives du parti, en apportant trop facilement la contradiction à ses autres adversaires de gauche, lors des réunions publiques. Cette tactique et aussi la popularité certaine dont jouissait Marius Thévenoux dans les milieux ouvriers de Roanne furent pour beaucoup dans la mise en ballottage de Sérol qui perdit 1 500 voix. Thévenoux tripla les voix du PC par rapport à 1932, avec 2 543 suffrages sur 26 814 inscrits. Il se désista en faveur du socialiste dont il permit l’élection, mais auquel il manqua pourtant 650 voix pour faire le plein de la gauche, soit 25 % semble-t-il de voix communistes.

Après sa réintégration à l’Arsenal en août 1936, il reprit pour quelque temps la tête du syndicat unifié de l’Arsenal, mais en août 1937, il demanda et obtint un congé pour occuper un poste de secrétaire dans la Fédération des Métaux à Paris. En 1938-1939, Marius Thévenoux fut secrétaire de la Fédération CGT des travailleurs de l’État. Il continua cependant ses activités syndicales locales, présida des meetings, joua un rôle important dans la grève du 30 novembre 1938 à l’Arsenal (voir Albert Masson*). Délégué du comité central du PC, après la signature du Pacte germano-soviétique, il appelait, le 11 septembre 1939, ses camarades du comité de section de Roanne à prendre patience et à comprendre l’esprit de paix de Moscou et le Pacte germano-soviétique. Il s’en prit à l’Angleterre en rejetant sur elle la prolongation de la guerre d’Espagne, la rendant responsable de la guerre de 1914-1918, et mettant en cause les banquiers de Londres qui « font de la France une colonie anglaise ». Il justifiait « l’attitude ferme de la Russie, voulant la paix avec tous ses voisins, même avec un gouvernement fasciste, si le peuple de ces pays en avait décidé ainsi ».

Inquiété en novembre 1939 lors de la dissolution de la CGT, perquisitionné (il résidait alors à Cuzier, Loire), Marius Thévenoux fut arrêté en mars 1940. Emprisonné à Riom-ès-Montagne, Il fut l’objet d’un arrêté d’internement administratif à Saint-Ayant et fit partie des internés évacués vers la zone sud devant l’invasion allemande. Il était au camp de Chibron (commune de Signes, Var) à l’été 1940. À la dissolution du camp, il fut transféré dans celui de Fort-Barraux (Isère) le 14 février 1941, puis envoyé dans celui de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) ; il fut l’un des principaux responsables de la résistance communiste dans ces camps et organisa des évasions vers les maquis FTP de la Montagne Noire. Après avoir organisé une nouvelle évasion par souterrain, le 14 juillet 1943, il refusa de s’enfuir, fut envoyé à Buchenwald, d’où il ne fut libéré par les Américains qu’en 1945, très affaibli. Il fut désigné, quoique absent, pour faire partie du conseil municipal de Roanne (arrêté du préfet de la Loire du 16 octobre 1944) et fut élu ensuite conseiller municipal sur une liste commune (21 248 voix). Il fut à nouveau secrétaire du syndicat de l’Arsenal de mai 1945 à février 1946. En 1946, il fut à nouveau secrétaire adjoint de la Fédération CGT des travailleurs de l’État. Il abandonna ensuite toute activité syndicale et politique pour raisons de santé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132389, notice THÉVENOUX Marius, Noël par Robert Estier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 20 septembre 2021.

Par Robert Estier

SOURCES : RGASPI, 495 270 1740. — Arch. Nat. F7/13026, 13093, 13095, 13096, 13129, 13586. — Arch. Dép. Loire, M 1, 3 M 67, 3 M 70, 3 M 75, 93 M 15, 93 M 20, 540 M Tr 438/2. — Arch. Dép. Var, 4 M 291. — site Mémoire des hommes SHD Vincennes GR 16 P 567772 (nc). — Arch. Com. Roanne, 1 K 3/20, 1 K 5. — Le Cri du peuple, 7 septembre 1935, 15 février 1936. — Stéphane Courtois, La politique du PCF et ses aspects syndicaux, 1939-1944, Thèse, 3e cycle, Nanterre, 1978. — Interview du militant. ⎯ notes Jean-Marie Guillon.

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