THIELÉ Ernest

Par Jean-Pierre Kintz

Né et mort à Strasbourg (Bas-Rhin), 22 février 1891-17 janvier 1938 ; juriste ; conseiller des syndicats chrétiens d’Alsace ; vice-président de la CFTC.

Ernest Thielé passa son enfance à Niederbronn où son père était employé au tribunal. Il fréquenta à partir de onze ans le collège religieux Saint-Étienne puis entra en 1908 à l’université de Strasbourg où il prépara un doctorat en droit. Il participait aux activités du mouvement chrétien social du docteur Sonnenschein et de l’association estudiantine et sociale « Erwinis », inspirée de l’encyclique Rerum Novarum.

Ernest Thielé commença sa carrière au tribunal cantonal d’Illkirch puis au tribunal de Strasbourg et fut ensuite procureur auprès du tribunal d’instance de Metz du 1er mars 1915 au 1er juillet 1918. Engagé comme conseiller juridique par la mairie de Strasbourg du 2 juillet 1918 au 1er février 1919, Ernest Thielé, remarqué par Jean Keppi*, contribua à restaurer le syndicalisme chrétien en Alsace en février 1919. Il devint syndic de la Fédération des syndicats indépendants dont il avait rédigé les statuts en les adaptant au droit public français. Membre du comité fédéral, il participa aux sessions de formation des militants syndicalistes indépendants.

Ses compétences furent mises au service de l’évêché et des syndicats ainsi que de « l’Argentina », union de commerçants et employés qui proposait de défendre les intérêts de la profession et avait créé une caisse d’assurance-maladie ainsi qu’un bureau de placement. Membre du comité de « l’Argentina », Ernest Thielé en était le conseiller juridique et appartenait aux commissions des affaires sociales et de la presse. Il fonda en 1921 à l’intérieur de « l’Argentina » le syndicat d’employés du commerce et de l’industrie. En 1926, il devint membre du conseil d’administration de la Caisse d’assurance des employés. Il avait été élu en 1924, à l’unanimité, président de la Caisse de maladie « La Prévoyance » sur la proposition prise à l’unanimité par l’association des employés de « l’Argentina ». Il occupa cette fonction jusqu’à sa mort. Dès le mois de novembre 1923, il avait été nommé par le préfet du Bas-Rhin membre du conseil d’administration de l’Office public d’habitations à bon marché. Il allait en démissionner en 1933 en raison de ses autres occupations.

En 1931, Ernest Thielé participa à la création de la verrerie, coopérative ouvrière de production de Hartzviller, près de Sarrebourg. Membre de son conseil d’administration, il succéda en 1933 à Jules Zirnheld*. En 1938, 180 ouvriers travaillaient à la coopérative.

Il participait également aux différentes activités du syndicat indépendant des cheminots, rédigeait des articles pour La Revue des cheminots et donnait des conseils juridiques. Sous son influence, le syndicat changea son appellation le 26 mai 1938 et devint le Syndicat chrétien des cheminots.

Par ailleurs, Ernest Thielé fut l’un des premiers militants de la CFTC. Dès le mois de janvier 1919, Gaston Tessier*, qui avait pris contact à Strasbourg avec des militants chrétiens alsaciens, remarqua le jeune docteur en droit qui assista à la création définitive de la CFTC en 1920. Thielé fut alors élu vice-président de l’organisation confédérale et devint un conseiller de Jules Zirnheld. Il fut un membre actif de la commission des lois de la CFTC et proposa de nombreux textes sur l’arbitrage et la conciliation en cas de conflits de travail ainsi que sur les congés payés. Délégué aux trois premiers congrès de la CFTC, il représenta sa confédération au IIIe congrès de la CISC (Innsbruck).

Dès 1925, Ernest Thielé fut membre de la Fédération internationale des syndicats chrétiens. En 1927, il accepta le secrétariat de la Fédération internationale des syndicats chrétiens d’employés, collabora avec Marcel Poimbœuf et Gaston Tessier et accompagna ce dernier à Genève auprès du Bureau international du travail. Il parcourut de nombreux pays européens, Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie, Allemagne, Autriche, Espagne. Il estimait que la réconciliation franco-allemande était la clef de voûte du problème de l’Europe centrale. Une fois nommé en décembre 1933 président du Secrétariat social (centre de documentation, de coordination des mouvements catholiques sociaux et de formation) fondé par l’évêque de Strasbourg et dirigé par l’abbé Billing, Ernest Thielé organisa dès 1934 dans les principales villes d’Alsace un « dimanche social », c’est-à-dire une journée de formation, et exposa en 1937 la doctrine sociale de l’Église lors de la première « semaine sociale » à Strasbourg.

En septembre 1937, Ernest Thielé organisa avec Henri Meck* l’École normale ouvrière qui s’adressait aux militants de la Fédération des syndicats chrétiens, de la Fédération des cheminots indépendants de l’Union catholique du personnel des chemins de fer, des syndicats féminins, de la JOC et de la JOCF. C’est à cette occasion qu’il rédigea la préface de la brochure : Christlichsozialer Wegweiser ainsi que plusieurs articles en allemand.

Ernest Thielé participa aux activités de l’Institut Léon XIII créé en 1934 pour la formation des « élites bourgeoises ». Il était même engagé dans la formation du clergé. Après avoir donné des conférences au Cercle des œuvres du séminaire de Strasbourg, il fut chargé du cours d’économie sociale par l’évêque de Strasbourg en 1932. En 1937, l’évêque de Metz lui confia la même activité dans son séminaire.

Ernest Thielé était membre du comité diocésain du Cercle des hommes et des jeunes gens. Il s’occupait également des « Cercles d’études », apparus en Alsace avant la Première Guerre mondiale, écrivit de nombreux articles pour leur Bulletin. La mort de l’abbé Haegy en 1937 et la scission survenue dans les milieux catholiques ayant interrompu l’activité des Cercles, Thielé participa à leur restauration, devint vice-président de leur union et président du Cercle d’études central à Strasbourg.

Ernest Thielé était aussi vice-président du Bureau central des œuvres diocésaines des chômeurs créé en 1931. Il conseilla particulièrement en 1936-1937 l’organisation Caritas lorsque la politique gouvernementale encouragea les actions en faveur des déshérités. En 1937, il fut nommé membre de la délégation française auprès de l’organisation internationale « Caritas Catholica » dont il devint trésorier.

Ernest Thielé soutint la Ligue des catholiques qui avait été créée en 1921. Il en dirigea l’une des sous-commissions (question sociale), prit la parole à différents congrès catholiques (Molsheim, Belfort et Mulhouse) et expliqua les lois d’assurances sociales. Il participa aussi aux semaines sociales de France. Membre actif de la « commission de l’école », il rédigea la brochure La lutte pour l’école (1925), à une époque où le Cartel des gauches avait envisagé l’introduction de la laïcité en Alsace. Il déconseillait les actions violentes ou les protestations de masse. Il préférait agir par la plume. C’est ainsi qu’il rédigea la brochure sur Les droits des maires dans la lutte contre l’immoralité publique qui parut à titre posthume. Vice-président de la Ligue des catholiques, il fut l’un des organisateurs du congrès de Strasbourg (septembre 1936).

Auteur de nombreux articles pour l’Action populaire éditée à Paris, Ernest Thielé fut responsable à Strasbourg de l’Office d’information religieuse et sociale dont il démissionna quand celui-ci défendit la position scolaire de l’Église. En 1935, il devint correspondant régional du journal La Croix. Découvrant l’importance de la radio, il créa, avec les responsables des milieux protestants, et présida « Radio Famille de l’Est ». Il encouragea la publication d’une série d’ouvrages, la collection des « Cahiers du conférencier », édités par le secrétariat social d’Alsace.

Les conceptions d’Ernest Thielé s’inspiraient de l’encyclique Rerum Novarum et des doctrines défendues par Mgr Ketteler et le comte Albert de Mun. Lors du congrès national de la CFTC en 1937, il fut décoré de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand. Thielé soutenait les efforts de l’Union populaire républicaine, parti politique d’inspiration catholique.

Vice-président du bureau confédéral de la CFTC à sa mort, Ernest Thielé était également membre du conseil de la CISC et syndic de la Fédération des syndicats chrétiens d’Alsace-Lorraine.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132433, notice THIELÉ Ernest par Jean-Pierre Kintz, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 30 novembre 2010.

Par Jean-Pierre Kintz

SOURCES : Arch. Com. Strasbourg. — Fonds Hoffman. — Der Elsässer, 28 mai 1931, 18-20 janvier 1938. — L’Union, février 1938. — J. Billing, Docteur Ernest Thielé. Ein elsässischer sozialapostel, brochure n° 10, Action sociale d’Alsace, Strasbourg, 1939. — Syndicalisme, n° 25, février 1938.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable