THIVRIER Léon, Martial

Par Justinien Raymond

Né et mort à Commentry (Allier), 17 avril-1871-31 décembre 1920 ; docteur en médecine ; militant socialiste ; député de l’Allier.

Léon Thivrier était le second fils de Christophe Thivrier* le « député en blouse ». Il fréquenta l’école primaire, conquit le baccalauréat au lycée de Montluçon, fit ses études médicales à la Faculté de Paris et fut reçu docteur le 26 octobre 1898. L’influence du Quartier Latin s’ajouta à la tradition familiale pour faire du jeune étudiant en médecine un militant socialiste. Ami d’Alexandre Zévaès, il fut avec lui un des promoteurs du mouvement socialiste dans les Facultés et les grandes écoles. Léon Thivrier compta parmi la centaine d’initiateurs qui, réunis à l’Institut socialiste — grand nom, modeste salle — de la rue Mouffetard, y jetèrent les bases d’une organisation, le 12 décembre 1891. Quelques jours plus tard, une nouvelle réunion donna naissance au groupe des Étudiants socialistes révolutionnaires internationalistes de Paris. Léon Thivrier fut de cette première phalange. Il tint la chronique des grèves dans l’unique numéro du Drapeau rouge (1er mars 1892) qu’un camarade fortuné, J.-L. Breton, se proposait de donner comme organe au groupement nouveau et qui fut sans lendemain. Au début de 1893, Léon Thivrier et beaucoup de ses camarades quittèrent ce premier groupement (qui évolua vers l’anarchisme) pour constituer le groupe des étudiants collectivistes, d’inspiration marxiste. Jusqu’à la fin de ses études, il participa activement à sa vie intérieure et à ses luttes, parfois violentes comme en juillet 1893 à l’adresse de la Ligue contre la licence des rues.

En 1899, Léon Thivrier s’établit comme médecin à Commentry. Il adhéra au groupe socialiste de cette cité, affilié à la fédération socialiste révolutionnaire, organisation départementale du PSR. En fin d’année, il représenta plusieurs groupes du PSR de l’Allier au congrès général des organisations socialistes à Paris, salle Japy. Deux ans plus tard il était élu conseiller général du canton de Commentry. Cette même année 1901, il fut un des artisans de l’unité socialiste dans l’Allier réalisée en décembre par la fusion au sein du Parti socialiste de France de sa propre fédération et de celle du POF. À la suite du retrait de Létang, Léon Thivrier fut désigné comme candidat socialiste aux élections législatives de 1902 dans la circonscription de Montluçon-Est. Il l’emporta au premier tour de scrutin, par 10 666 voix contre 8 114 au docteur Allot, progressiste, sur 23 373 inscrits. Il marqua tout de suite sa place au sein du groupe socialiste parlementaire. Dès le 17 juillet 1902, il déposa une proposition de loi tendant à abroger le texte sur les menées anarchistes. Le 21 octobre, il développa l’interpellation de son collègue Charrier sur l’envoi de troupes dans les grèves. À l’occasion du débat budgétaire de 1903, il demanda que soient attribués tous les crédits votés aux œuvres laïques à l’étranger (29 janvier 1903) et il réclama la suppression du « rabiot » dans l’armée (2 février). En 1904, il fut délégué au congrès du PS de F. à Lille. En 1905, il participa à l’œuvre d’unification socialiste sur le plan national : il assista au congrès de fusion de la salle du Globe à Paris (avril 1905). La fédération socialiste SFIO de l’Allier le délégua par la suite aux congrès nationaux de Chalon-sur-Saône (octobre 1905), Toulouse (1908), Saint-Étienne (1909), Nîmes (février 1910), Paris (juillet 1910), Saint-Quentin (1911), Amiens (1914) et Strasbourg (février 1920). Le 6 mai 1906, Léon Thivrier fut réélu au premier tour de scrutin par 9 191 électeurs contre 5 759 voix à Thaury, progressiste, 2 060 à Perrier, radical-socialiste, 901 à Létang, socialiste indépendant, sur 23 148 inscrits. L’année suivante, il fut réélu conseiller général par 1 642 suffrages ; réélu à nouveau en 1913, il ne se représenta pas le 14 décembre 1919 et fut remplacé par son frère Isidore, futur député de Montluçon-Est.

Aux élections législatives de 1910, Léon Thivrier fut mis en ballottage : ce sera la seule fois. La candidature du fils de l’ancien sénateur Martenot, les puissants moyens d’action qu’il mit en œuvre contre le député socialiste sortant donnèrent lieu à une âpre compétition. Néanmoins, L. Thivrier vint en tête avec 7 840 voix contre 7 181 à Martenot, républicain anticollectiviste, 2 307 à Mathonat, socialiste indépendant, sur 22 068 inscrits. Le 8 mai 1910, il l’emporta par 9 242 voix contre 8 528 à Martenot. Ce succès disputé ouvrit la législature la plus laborieuse du député de Montluçon. Il intervint, dans la discussion du budget des Travaux publics, sur la fermeture des lignes de Doyet (25 novembre 1910), sur l’élargissement du canal du Berry (29 novembre), sur la construction du chemin de fer Montluçon-Couttières (1er décembre). En décembre 1911, il avança et défendit une nouvelle proposition d’abrogation des lois « scélérates ». Les 27 et 28 mars 1913, il développa le point de vue socialiste sur l’amnistie. Le 4 juillet 1913, il prononça, contre la loi militaire des trois ans, le plus grand discours de sa vie parlementaire, que sa fédération édita sous le titre Soldats de vingt ans. Le 25 février 1914, Léon Thivrier s’efforça de faire étendre aux ardoisiers et aux travailleurs des mines métalliques le bénéfice du projet de Caisse autonome de retraite des ouvriers mineurs. Il essaya, par la même occasion, de faire abaisser à cinquante ans l’âge de la retraite des mineurs.

Le 26 avril 1914, il fut réélu au premier tour de scrutin par 9 539 voix contre 3 624 à Aujame, républicain de gauche, 2 709 à Cuers, progressiste, sur 21 015 inscrits. La guerre venue, il fut mobilisé comme médecin-major à Riom, puis à Vichy, jusqu’à la convocation du Parlement en décembre 1914. Sa santé était très compromise et il ne put guère prendre part aux travaux législatifs des années de guerre. Le 16 novembre 1919, il échoua avec toute la liste socialiste, obtenant 37 677 voix sur 126 628 inscrits et 89 972 votants. On sait que moins d’un mois plus tard, il renonça à son mandat de conseiller général. Pendant toute l’année 1920, son état s’aggrava et il mourut après de dures souffrances.

Au souvenir de son père, le modeste travailleur à la langue directe et sans apprêt qui attacha le nom de Thivrier à la tradition socialiste dans l’Allier, Léon Thivrier ajouta le prestige de l’élu compétent et laborieux, de « l’orateur de classe » qu’il était. « Sa joie était de convaincre, de détruire une erreur, d’abaisser une prévention, de désarmer une opposition. Et, cependant, il appréhendait la minute où il devait paraître à la tribune. Il était inquiet, hésitant. Quand il avait commencé à parler, quand sa franchise et sa bonté avaient touché ses auditeurs au cœur et à l’esprit et que le lien était établi, il maniait l’idée [...] dans une éblouissante clarté. Si sa modestie et sa timidité natives n’avaient trop souvent contenu ses élans, nul doute que Léon Thivrier eût pris place parmi les grandes figures de la tribune française » (G. Rougeron).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132499, notice THIVRIER Léon, Martial par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 1er février 2019.

Par Justinien Raymond

ŒUVRE : L. Thivrier fut rédacteur au Tocsin populaire, organe du PSR dans l’Allier, au Combat, organe de la fédération unifiée, au journal corporatif la France postale et à La Montagne. — Il fit paraître La Duchesse de Berry, SAR Madame (1900) (cf. SOURCE, G. Rougeron).

SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Hubert-Rouger, La France socialiste, op. cit., p. 387 et Les Fédérations socialistes I, op. cit., pp. 64 à 88, passim. — A. Zévaès, Manuscrit autobiographique sur l’activité de Léon Thivrier, alors qu’il était étudiant en médecine. — G. Rougeron, Les Consultations politiques dans le département de l’Allier. Le Personnel politique bourbonnais (1789-1963), Moulins, 1964, p. 145 et Supplément, 1969, p. 21.

ICONOGRAPHIE : La France socialiste, op. cit., p. 387.

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