THOMAS Eugène

Par Justinien Raymond et Gilles Morin

Né le 23 juillet 1903 à Vieux-Condé (Nord), mort le 29 janvier 1969 au Quesnoy (Nord) ; instituteur ; militant syndicaliste du SNI et socialiste du Nord ; résistant ; député, ministre. des PTT.

Fils d’un douanier à la frontière franco-belge, Eugène Thomas appartenait à une famille de six enfants. Après ses études élémentaires et primaires supérieures, il passa trois ans à l’École normale d’instituteurs de Douai. Nommé instituteur en 1922, il alla enseigner à Bray-Dunes puis à Crespin et, enfin, à Louvignies-Quesnoy. Militant du Syndicat des membres de l’enseignement laïc affilié à la Fédération unitaire de l’enseignement, il était le secrétaire du Groupe de Jeunes et le directeur gérant du Bulletin du groupe des jeunes instituteurs et institutrices du Nord dont le siège était à Louvignies-Quesnoy. Il quitta ce syndicat pour adhérer au Syndicat national-CGT au début des années 1930. Il mena une vigoureuse action syndicale au sein du Syndicat national des instituteurs et, jusqu’en 1936, fut secrétaire de sa section du Nord. Il fut élu du personnel au conseil départemental de l’enseignement primaire et à la commission de réformes en 1935. A la suite d’une grève des instituteurs en 1930, il reçut un blâme. En 1936, il prit à plusieurs reprises la parole devant les usines occupées et, en 1939, il présidait l’Union locale des syndicats du Quesnoy fondée en 1937.

Militant socialiste SFIO depuis 1930, secrétaire de section, bon orateur, membre de la commission administrative fédérale du Nord au titre de l’Action socialiste en 1932, Eugène Thomas fut lancé très vite dans les luttes électorales. En 1934, il échoua au conseil d’arrondissement dans le canton-est du Quesnoy. Mais aux élections législatives de 1936, à la faveur du Front populaire, il fut élu député de la 3e circonscription d’Avesnes. Pourtant, au premier tour, avec 4 914 voix sur 16 150 inscrits, il était devancé par le député sortant, Lacourt, radical-socialiste (6 402), mais le candidat communiste Paul Stievenart* qui en avait 2 654 se désista pour lui et Thomas battit Lacourt par 7 667 suffrages contre 6 720. L’année suivante, il conquit, pour le garder jusqu’à sa mort, le siège de conseiller général du canton-est du Quesnoy, en passant, d’un tour à l’autre, de 1 413 à 1 562 voix et en battant le candidat radical-socialiste Cantineau. Il fut membre de plusieurs commissions parlementaires : de l’Alsace-Lorraine, des douanes et la commission de l’Algérie des colonies et protectorats

Mobilisé en 1939 à l’école de cavalerie de Saumur, Eugène Thomas en sortit sous-lieutenant et, sur sa demande, fut affecté à la 5e division d’infanterie nord-africaine avec laquelle il combattit en Belgique puis sur la Somme. Fait prisonnier à Boulogne-sur-Mer, il s’évada trois mois plus tard et parvint à gagner la zone non occupée. Il n’avait pu prendre part au vote de Vichy du 10 juillet 1940. Après avoir écrit pour le quotidien de Clermont-Ferrand, La Montagne, un article hostile au gouvernement de Vichy que la censure refusa, il se lança dans la Résistance, se consacrant à la fois à la reconstitution des fédérations socialistes avec Daniel Mayer* et Eugène Froment* et à la lutte contre les forces d’occupation. Il fut un des sept membres du premier Comité exécutif clandestin (CAS) du Comité d’action socialiste désigné par la zone sud, chargé du développement du Populaire clandestin. Eugène Thomas participa à l’organisation d’un réseau de renseignements et d’action qui devint « La France au combat » et dont il fut le chef national. Il fut également l’un dirigeant du réseau « Brutus » auprès duquel il fut délégué par le CAS en août 1941. Lors d’une mission à Paris, en avril-mai 1943, Eugène Thomas fut arrêté par la Gestapo. Torturé, enfermé en cellule à Fresnes durant neuf mois, interné à Compiègne, il fut déporté à Buchenwald où les armées américaines le délivrèrent le 11 avril 1945. Réintégré au Comité directeur de la SFIO par le congrès de 1945, il fut l’un des battus du congrès de 1946 qui vit l’élection de Guy Mollet à la direction du parti.

Dès son retour, Augustin Laurent, ministre des PTT, lui attribua un bureau à son ministère où il établissait un centre d’information sur les déportés. Puis, désireux de se consacrer à la reconstruction du Nord, Laurent proposa au général de Gaulle de le remplacer par Eugène Thomas, qui lui succéda, du 26 juin 1945 à janvier 1946. C’était le début d’une longue carrière ministérielle, puisqu’il a été ministre de douze gouvernements. Il fut de nouveau chargé des PTT, comme ministre ou comme secrétaire d’État, durant près de trois ans, de décembre 1946 à octobre 1949 (gouvernements Blum, Ramadier Schuman, André Marie et Bidault.) Puis, après avoir été secrétaire d’État à l’Intérieur dans les cabinets Pleven et Queuille (de juillet 1950 à août 1951), il revint pour trois nouvelles années aux PTT dans les gouvernements Mollet, Bourgès-Maunoury, F. Gaillard (de février 1956 à mai 1958) et de Gaulle (juin 1958, janvier 1959). Avec Guy Mollet, il avait démissionné le 27 décembre 1958, mais resta en poste jusqu’à la formation du gouvernement Debré.

Dès octobre 1945, Eugène Thomas siégea aux deux Assemblées constituantes, puis fut réélu député du Nord jusqu’en 1958, dans le 3e secteur du département. En novembre 1958, il fut battu par le gaulliste Paul Bécue. Il ne se représenta pas à la députation en 1962, mais tenta, en vain, de retrouver son siège en mars 1967 ; il fut distancé par Paul Bécue et le communiste Éloy. Il renonça à la candidature en 1968. Il siégea au Conseil économique et social de 1959 à 1964.

Sa carrière régionale et locale n’en continuant pas moins, il fut conseiller général jusqu’à sa mort. En 1945, il était devenu maire du Quesnoy. Estimant malhonnête de continuer à administrer une population dont la majorité l’avait désavoué sur un terrain essentiel (elle s’était prononcé pour le « oui » au référendum sur la révision constitutionnelle demandée par de Gaulle), il avait, en octobre 1962, donné sa démission. Deux mois plus tard, il fut réélu à une écrasante majorité. Son rôle politique, au sein de la SFIO, faisait corps avec celui de la Fédération du Nord qui appuyait la politique inspirée par Guy Mollet. Eugène Thomas était président de la Fédération nationale des déportés et internés de la Résistance. Une Société des amis d’Eugène Thomas, constituée le 18 septembre 1970, perpétue sa mémoire. Elle fit élever à sa mémoire un monument au Quesnoy (3 juin 1972) et obtint l’émission d’un timbre-poste à son effigie, le 28 juin 1975.

Eugène Thomas était commandeur de la Légion d’Honneur, titulaire de la Croix de guerre et de la Rosette de la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132538, notice THOMAS Eugène par Justinien Raymond et Gilles Morin, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 17 août 2021.

Par Justinien Raymond et Gilles Morin

SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Arch. Dép. Nord, M 37/90, M 59/291-327, M 154/175-177, M 154/275, M 595/38.42, M 595/66-68, M 595/91-92. — Arch. OURS. — Presse syndicale. — J. Bernard, Essai d’inventaire de l’arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe. — Marc Sadoun, Les Socialistes sous l’Occupation, résistance et colaboration, Paris, PFNSP, 1982. — Correspondances avec Madame Eugène Thomas et avec M. Sorlain. — Jean JollyDictionnaire des Parlementaires français, 1889-1940, Paris, PUF, 1960-1977. — Le Monde, 30 janvier 1969 et 21 octobre 1970. — Nord-Matin, 4 juin 1972. — Le Populaire, 30 janvier et 1er février 1969. — Bulletins de la Société des Amis d’Eugène Thomas. —Alexandre Mallarte, L’action socialiste. Un mouvement d’unité révolutionnaire au sein de la SFIO (1930-1935), Master 2, Université de Bourgogne, 2016, p. 158.

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