THOMAZO Lucien, Jules, Ange

Par Jacques Girault

Né le 8 janvier 1903 à Toulon (Var), mort le 18 janvier 1986 à Vallauris (Alpes-Maritimes) ; ouvrier puis employé ; syndicaliste et communiste ; adjoint au maire de Saint-Tropez (Var).

Fils d’un gendarme d’origine bretonne, Lucien Thomazo vécut à Pierrefeu (Var), commune d’origine de sa mère où son père se retira. Il reçut les premiers sacrements catholiques et pratiqua fort régulièrement jusqu’en 1919. Après avoir obtenu le Certificat d’études primaires, il travailla chez un expéditeur de fruits et commença un apprentissage de serrurier-mécanicien. En octobre 1917, sa famille s’installa à Saint-Tropez. Il entra, en avril 1918, comme demi-ouvrier ajusteur à l’usine Whitehead, usine de torpilles, où se trouvaient de nombreux affectés spéciaux. La Révolution russe de 1917 y fut accueillie avec enthousiasme et la présence dans la population du port de marins de la mer Noire (dont un des mutins du France) ne fit qu’accroître cette sympathie. Sympathisant avec des militants du comité de la IIIe Internationale, gréviste en 1920, le 1er mai, avec d’autres jeunes gens, il se coucha sur les rails devant le train ouvrier. Il critiquait alors fortement le contenu du Petit Marseillais que lisait sa famille.

Après s’être embarqué sur un bateau à Marseille, Lucien Thomazo réintégra l’usine et en mai 1921 adhéra à la section des jeunesses communistes. Aidé par Jules Boutin et Henri Seillon, il commença à lire des ouvrages théoriques. A l’issue d’une grève d’un mois en octobre 1922, aucune revendication ouvrière ne fut satisfaite. Des syndicalistes furent licenciés. Le 18 novembre, avec d’autres jeunes ouvriers, il préféra ne pas reprendre le travail pour ne pas avoir à subir d’humiliation. Il partit pour la région marseillaise.

En 1923, Lucien Thomazo commença son service militaire au cinquième dépôt des équipages à Toulon et fut breveté comme mécanicien. Libéré, il réintégra l’usine Whitehead et devint secrétaire du syndicat CGTU des métaux. Après un accident du travail, il quitta cet emploi. Il travailla comme chauffeur-livreur dans une compagnie de produits pétrolifères.

Lucien Thomazo se maria religieusement en février 1926 à Saint-Tropez, avec une blanchisseuse, fille d’une victime de la Grande Guerre (voir Noelle Thomazo). Sa grand-mère l’élevait tandis que sa mère s’était remariée avec un marin. Son épouse tenait une petite épicerie qui cessa de fonctionner, en 1928, concurrencée par le groupement d’achats fondé par l’usine. Ils eurent un garçon.

Lucien Thomazo, secrétaire de séance de la réunion constitutive de l’Union locale CGTU, le 20 avril 1926, devint trésorier provisoire (2 juin 1927), puis définitif (30 juin 1927-8 mars 1929). Secrétaire de l’Union locale à la fin de 1928, il demanda à être relevé de ses fonctions, le 1er janvier 1929. Il redevint trésorier-adjoint le 19 mars 1931. Le même jour, il retrouva la charge du secrétariat du syndicat des métaux bien que ne travaillant plus dans la branche. Le 2 janvier 1933, il fut désigné par le bureau comme conseiller juridique et le 13 avril 1933, il fut nommé à la commission exécutive de la neuvième Union régionale CGTU. Aussi, son nom figurait-il dans la répertoire saisi sur Georges Kraus en 1930. En outre, en 1932, il représenta les coopérateurs de la commune à l’assemblée générale de l’Union des coopérateurs du Var.

Plus tard, Lucien Thomazo entra à la Compagnie des eaux. Le 13 août 1936, il représenta le syndicat des employés de la compagnie au congrès constitutif de l’Union locale CGT, future Union des syndicats du Golfe. Secrétaire administratif, le 13 août 1936, il devint secrétaire général de l’Union, le 22 juin 1937.

Membre du Parti communiste depuis 1924, secrétaire de la cellule communiste depuis 1929, Lucien Thomazo fut désigné comme membre du comité de la Région marseillaise du Parti communiste en 1933. Bien que non candidat, il obtint aux élections municipales de Saint-Tropez, le 4 juin 1933, 81 voix sur 1 225 inscrits. Quand le rayon communiste de Saint-Tropez-Grimaud se forma en 1933 (étendu au canton de Saint-Raphaël en 1934-1935), il en devint le secrétaire. Lors de la constitution de la région communiste du Var, en 1937, il fut membre du comité et suivit une école interrégionale en novembre 1938.

En 1937, Lucien Thomazo, président du comité local de Front populaire, fut au centre de toutes les initiatives unitaires contre la gestion municipale, pour l’aide aux Républicains espagnols (il accueillit un petit Espagnol de l’âge de son fils). Pour le cent-cinquantième anniversaire de la Révolution française, il signa un article dans Le Petit Var, le 15 juillet 1939.

Le 5 septembre 1939, Lucien Thomazo fut mobilisé. La veille, il collait à Saint-Tropez des affiches expliquant la politique de l’URSS. Le 20 septembre, à la Pyrotechnie de Toulon où il était affecté comme matelot mécanicien (d’où l’erreur de la police qui établissant les fiches des membres du comité régional communiste, le désigna comme "ouvrier à la Pyrotechnie"), il fut arrêté, « pour avoir provoqué un attroupement par suite d’une discussion politique au cours de laquelle je commentai favorablement le pacte germano-soviétique et critiquai l’attitude du gouvernement français » (selon la biographie qu’il remplit pour le PCF en mars 1945). Il fut inculpé par le Juge d’instruction du Tribunal maritime de "provocation à la désobéissance, d’entrave à la mobilisation générale et de complot contre la sûreté de l’État". Après une deuxième comparution, le juge ne retint comme motifs de l’inculpation que "les propos défaitistes". Le 20 novembre 1939, transféré au Fort Saint-Nicolas à Marseille, il retrouva d’autres dirigeants communistes varois. Le 13 décembre, il bénéficia d’un non-lieu, mais fut maintenu quelques jours en prison jusqu’à l’annonce du décès de son père. A Saint-Tropez, où sa famille avait été insultée pendant son absence, son avocat toulonnais, en tenue d’officier de Marine, s’afficha volontairement avec lui. Le 23 décembre 1939, il fut versé à la caserne d’infanterie de montagne à Hyères (Var), puis transféré à Antibes (Alpes-Maritimes). Envoyé sur le front en Alsace, il participa à la retraite dans l’Aisne avant d’être démobilisé, le 18 juillet 1940, à Lavaur (Tarn).

A la suite d’un arrêté préfectoral du 29 juillet 1940, Lucien Thomazo fut désigné pour être interné au centre de séjour surveillé de Chabanet (Ardèche) où il arriva le 4 août. Lors d’une permission, il rencontra une envoyée du Parti communiste qui lui demanda de ne pas s’évader sans ordre du Parti. Avec Roger Codou, le 1er mars 1941, ils furent transférés à Nexon (Haute-Vienne). Il devint secrétaire d’une caisse de solidarité des internés, couverture pour l’organisation clandestine du Parti communiste à la direction de laquelle il appartenait. Le 3 août 1941, il obtint une permission pour les obsèques de sa sœur "sous réserves qu’il n’entre pas en relations avec les organisations dissoutes". Sollicité pour faire des démarches pour obtenir sa libération, il écrivit une lettre au Maréchal Pétain, à la fin de juillet, qu’il termina ainsi :
"Que me reproche-t-on ? d’avoir été un militant communiste avant la guerre. Je l’avoue mais je n’ai aucune honte de mon passé bien au contraire. Mais est-ce suffisant comme motif d’internement pour une aussi longue durée, à plus forte raison que je retournais de la zone de combat où jamais je ne reçus aucune observation mais des félicitations de rares officiers que je rencontrais au cours de la retraite. Rien ne pouvait m’être reproché depuis le jour de ma mobilisation, qui donc peut prendre à bon escient la responsabilité de me tenir enfermé dans un camp ? N’y aurait-il pas en dessous quelque basse vengeance de 36 ? Sans être affirmatif, je pense que oui. Est-ce cela vos promesses, Monsieur le Maréchal."

Thomazo, le 22 novembre 1941, transféré en Algérie (Bossuet dans le Sud-Oranais), suivit l’école centrale du Parti communiste en avril 1943 et fut libéré le 2 mai 1943. Il fut alors employé par la délégation du comité central en Afrique du Nord.

A la Libération, responsable régional des “organisations de masse“, Lucien Thomazo devint membre du comité fédéral du Var du Parti communiste français. Il occupa les fonctions de secrétaire fédéral, pendant quelques mois, en 1945-1946, de directeur du quotidien communiste Le Petit Varois (1945-1948) et de vice-président national de la presse démocratique en 1948. En 1949, il fut dégagé de toutes ses responsabilités pour diverses raisons où les facteurs politiques et familiaux furent masqués par son état de santé. De 1954 à 1962, il devint membre de la commission fédéral de contrôle financier.

Lucien Thomazo, représentant du syndicat CGT des eaux, figura, le 8 août 1950, sur la liste des candidats "aux organismes de Sécurité sociale".

A Saint-Tropez, élu au conseil municipal, il occupa les fonctions de premier adjoint (1945-1947). Secrétaire de la section communiste du Golfe, battu aux élections municipales de 1947, avec six communistes, Lucien Thomazo fut élu lors d’une élection complémentaire, le 7 janvier 1951, élection annulée, puis confirmée par une nouvelle consultation le 29 avril 1951. Le 26 avril 1953, il conduisit la liste "d’union ouvrière, paysanne et démocratique" qui n’eut pas d’élu. Il fut, par la suite, le seul communiste élu en 1959, puis bien que n’habitant plus la commune, réélu en 1965.

Candidat pour le Conseil général, Lucien Thomazo obtint 1 361 voix sur 4 672 inscrits, le 23 septembre 1945. Il annonça son désistement pour le candidat socialiste SFIO. Mais, en raison du maintien de tous les socialistes SFIO face aux candidats communistes qui les précédaient, le bureau fédéral décida de maintenir tous les candidats communistes et Rouge-Midi, annonça, le 27 septembre, celui de Thomazo qui réunit, 1 608 voix au deuxième tour. Il devait être à nouveau candidat, le 17 avril 1955 où il obtint 1 330 voix sur 3 547 suffrages exprimés.

Divorcé, Lucien Thomazo se remaria en octobre 1956 à Saint-Tropez. Il habita à Vallauris à partir de 1963.

Dans les années 1970, membre de l’amicale des vétérans du Parti communiste, membre du comité départemental de la Fédération nationale des déportés, résistants, internés politiques, vice-président du du comité local de la FNDRIP, il apporta, à diverses reprises, son témoignage dans la presse communiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132589, notice THOMAZO Lucien, Jules, Ange par Jacques Girault, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 13 septembre 2022.

Par Jacques Girault

SOURCES : RGASPI, 495 270 4683, autobiographie, 20 novembre 1938. — Arch. Nat. F7/13123. — Arch. Dép. Var, 2 M 7 32 2, 4 M 47, 59 4 3, 4, 7 M 12 2, 16 M 19 4, 18 M 96, 3 Z 32 3, Cabinet. — Arch. Com. Saint-Tropez. — Archives du comité national et de la fédération du Var du PCF. — Renseignements et archives fournis par l’intéressé.— Notes de Jean-Marie Guillon. — Presse locale. — Sources orales.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable