THOREZ Aurore, Marie, Josephe [née MEMBOEUF puis épouse VIRLOUVET]

Par Claude Pennetier, compété par Claude Coussement

Née le 29 octobre 1904 à Courcelles-les-Lens (Pas-de-Calais), morte le 21 avril 1964 à Manlay (Côte-d’Or) ; femme de Maurice Thorez puis compagne d’Eugen Fried et enfin femme d’Étienne Virlouvet ; dactylo.

Aurore Thorez-Virlouvet dans la cour de l’Hôtel de la Renaissance.

Fille de Augustin Memboeuf, houilleur, et de Joséphine Dubus, ménagère, Aurore eut trois sœurs ouvrières du textile et des mines. Son père fut membre du Parti socialiste avant 1914, puis sympathisant communiste après 1920 et syndicaliste CGTU. Son oncle, Arthur Dubus fut secrétaire général de la fédération communiste du Pas-de-Calais en 1922-1923 avant de céder la place à Maurice Thorez, le mari d’Aurore depuis le 8 septembre 1923 à Noyelle-Godault. Ils se séparèrent en 1930 et divorcèrent le 29 janvier 1947. Elle était dite "belle", une "jeune et gracieuse blonde" (A. Wieviorka, p. 75). Leur fils, Maurice Junior, naquit le 26 juillet 1926.

Adhérente du PC depuis 1923, elle avait suivi des cours de dactylographie, ce qui lui permit lors de son emménagement avec Maurice Thorez à la rue de Lournel à Paris, d’exercer juste en face, la fonction de secrétaire du syndicat parisien des taxis. Elle n’occupa que de petites fonctions dans les cellules communistes, mais travailla comme secrétaire soit pour les syndicats, soit pour le Parti communiste. Elle s’installa à Nancy et fit la liaison avec le parti pendant l’emprisonnement de Maurice de décembre 1929 à janvier 1930. Secrétaire dans un plénum de l’Internationale communiste en juin 1932 à Moscou, elle se présentait encore comme la femme de Maurice Thorez.
Thorez lui-même dans son autobiographie d’institution, écrite à Moscou le 25 avril 1932 la présentait toujours comme sa femme : « Marié, père d’un enfant de 6 ans, à Aurore M. Ma femme est occupée comme sténo-dactylo dans une coopérative ouvrière. Elle est du même village que moi. Son père travaille toujours au [puits] n° 4. Elle est syndiquée unitaire et membre du parti depuis 1923." On sait peu de chose sur la vie d’Aurore avec Maurice. Ce qui est sûr c’est qu’ils ne se voyaient guère Thorez étant fréquemment en province et à l’étranger.

La séparation d’avec Maurice Thorez qui était amoureux de Jeannette Vermeersch depuis 1930 et vivait avec elle depuis février 1934, fut des plus difficiles. Aurore était décidée à ne jamais divorcer, la situation tourna au drame et aurait pu servir la presse hostile au parti. En 1935, elle travailla à la mairie de Bagnolet comme assistante sociale puis à la mairie de La Garenne-Colombes où elle s’installa 22 rue des Cailloux. Eugen Fried, le délégué en France de l’Internationale communiste, ne tarda pas à cohabiter avec Aurore ; ils élevèrent ainsi de concert le fils aîné de Maurice Thorez, d’Aurore, Maurice Junior et la petite Marie (dite aussi Maria, née le 22 décembre 1932 à Moscou), fille de Fried et d’ Anna Pauker. Fried était très attaché à ces deux enfants et leur accordait beaucoup d’attention.

En novembre 1939, Aurore, Marie et Maurice Thorez Junior amenés par Francine Fromond dans une voiture diplomatique du Chili, rejoignirent Fried à Bruxelles. La police ne la trouva pas dans sa famille du Pas-de-Calais, ni dans les maisons de santé où elle avait prétendu se rendre, gravement atteinte selon ses dires d’une "anémie cérébrale".
La famille s’établit en divers lieux de la banlieue de Bruxelles. Sous l’occupation allemande qui débuta le 10 mai 1940, elle seconda son compagnon qui prit lui à cœur son rôle improvisé de chef de famille en assurant l’éducation des enfants. Elle assurait une liaison avec "Théo" qui arrivait chaque semaine porteur d’un courrier de Jacques Duclos, et qui prenait les réponses rédigées par Fried. La liaison qu’assurait Fried avec l’avocat Jean Fonteyne du parti belge était doublée par une rencontre hebdomadaire d’Aurore avec l’épouse de ce dernier, afin que le lien ne soit pas rompu en cas d’arrestation. En effet, le membres de la direction belge furent arrêtés et celle de Fonteyne suivit. Fried décida de liquider son organisation à Bruxelles et de s’installer en région parisienne, projet que les circonstances ne permirent pas de réaliser.

C’est dans la banlieue de Bruxelles que Fried fut abattu le 17 août 1943. Le seul témoignage sur cette mort est celui d’Aurore. Immédiatement après l’assassinat, elle se réfugia chez des amis où étaient cachés les enfants et, éplorée, raconta les circonstances du drame ; tôt le matin du 17, Fried suivi de loin par Aurore, se rendait au 29, rue Ten Bosch à Ixelles (un faubourg de Bruxelles), planque qui lui servait de « bureau » ; entré seul dans le vestibule de la maison, il se serait trouvé nez à nez avec des agents de la Sicherheitpolitzeit postés en souricière depuis la veille qui l’abattirent ; Aurore collée à la porte d’entrée en bas de l’escalier se glissa discrètement dans la rue et déguerpit. Elle se rendit à la pension des enfants où la directrice, Rotembourg, épouse de Jean Lavachery, en même temps que le résistant Harond Tazieff qui y était hébergé, entendirent les premiers son récit effaré que par la suite elle répéta à ses hôtes lors de son retour en France. Les enquêtes diligentées par Andor Berei (second cadre de l’International communiste établi à Bruxelles) chez les témoins du récit et dans le voisinage confirmèrent les faits.

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Pris en charge par l’agent de liaison "Théo" arrivé à Bruxelles le jour suivant, Aurore et les enfants furent embarqués dans un train qui les conduisit à la frontière. Après un court séjour à Mouscron, ils furent convoyés par l’agent de liaison Colette (Jeanne Dubois) jusqu’à Amiens chez le père Bigois, un hortillonneur retraité des chemins de fer. On parla aussi de l’aide du couple Bruneau qui s’occupa des enfants. De là, après des semaines d’attente, Raymond Latarget, dit Nestor, les emmena par le train jusqu’à la gare de Senlis où Raymond Dallidet les prit en charge jusque chez Henri et Julie Moreau, au quai Boissy-d’Anglas à Bougival. En 1944, ils déménagèrent à Longjumeau dans un plaque qu’avaient jadis fréquenté Jacques Duclos et Charles Tillon.

Officiellement divorcé de Thorez le 29 janvier 1947, elle se remaria avec Étienne Virlouvet, chef cuisinier, un "clandestin" proche de la direction du PCF. En 1948 elle acheta le fonds commercial (mais pas les murs) de l’Hôtel de la Renaissance à Saulieu (sans doute avec l’aide du parti) qu’elle tint avec Étienne Virlouvet. Ils se marièrent le 22 novembre 1960 à Saulieu.
Un autre hôtel restaurant fut acheté à Manlay (une gare désaffectée) et mis au nom d’Aurore. Maurice Thorez Junior y vécut et une petite-fille (gendarme) l’habite en 2021.

Morte à Manlay (Côte-d’Or) le 21 avril 1964, Aurore repose au cimetière de cette ville aux côtés d’Étienne Virlouvet. Dans son journal, personnel Maurice Thorez ne fait pas mention de ce décès et n’évoque jamais son nom.

Son fils Maurice Thorez junior (1926-2012) enseigna en banlieue Nord de Paris ; Marie (Maria) , fille de Fried et d’Anna Pauker, partit en Roumanie où sa mère était une dirigeante communiste importante. Aurore demanda à Jacques Duclos de la faire sortir, sans doute après la mort d’Anna en 1960. Elle s’établit à Paris avec son mari Martin Birnbaum, ingénieur chez Schneider, avec qui elle eut un fils Michel. Mais c’est finalement en Israël qu’elle s’installa définitivement. Elle ne se manifesta plus jamais auprès d’Aurore qui en souffrit.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132610, notice THOREZ Aurore, Marie, Josephe [née MEMBOEUF puis épouse VIRLOUVET] par Claude Pennetier, compété par Claude Coussement, version mise en ligne le 19 septembre 2016, dernière modification le 1er février 2021.

Par Claude Pennetier, compété par Claude Coussement

Aurore Thorez-Virlouvet dans la cour de l’Hôtel de la Renaissance.
Virlouvet et l’hôtel-restaurant de la Renaissance

SOURCES : RGASPI 495 270 2091. — Notes de Jean-Pierre Ravery. — État civil en ligne cote 3 E 249/23, vue 132. — Notes de Francis Virlouvet. — Nous devons beaucoup pour la partie belge et plus globalement, à l’historien belge Claude Coussement que nous remercions (archives personnelles, ses entretiens avec Maurice Thorez Jr, son ouvrage en préparation avec José Gotovitch, La Filière rouge ; "Qui a tué Eugène Fried dit Clément ? dans Les Cahiers marxistes, n°110 de 1983 ; papiers de Lucette Bouffioux [CARCOB, Bruxelles] comprenant les rapports d’enquêtes effectués pendant et après l’occupation par Andor Berei ; arch. Préfecture de police de Paris GA V4. — Annette Wieviorka, Maurice et Jeannette. Biographie du couple Thorez, Fayard, 2010. — Annie Kriegel, Stéphane Courtois, Eugène Fried, le grand secret du PCF, Seuil, 1997.

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