TICHADOU Lucia [née BERNARD Lucia Marie, Augustine]

Par Antoine Olivesi

Née le 14 juin 1885 à Éclaron (Haute-Marne), morte le 12 décembre 1961 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; professeur d’école normale ; résistante, conseillère municipale communiste de Marseille et premier adjoint au maire après la Seconde Guerre mondiale.

Fille d’un artisan qui fut d’abord sabotier puis menuisier (père cerclier et mère couturière selon l’état civil), Lucia Bernard fit ses études à Autun (Saône-et-Loire) jusqu’au brevet élémentaire puis fut reçue à l’École normale d’institutrices et enfin à l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses en 1906.

Titulaire du certificat d’aptitude au professorat des écoles normales et des écoles primaires supérieures (lettres) en 1909, elle fut nommée en 1909 professeur de lettres à l’ENI de Pau (Basses-Pyrénées), chargée de l’économat. Elle entra en conflit avec la directrice et obtint sa mutation pour l’ENI de Perpignan (Pyrénées-Orientales) en 1913. Elle y connut Émile Tichadou, son futur mari. Elle obtint sa mutation pour l’ENI d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) en 1914, où elle enseigna pendant toute la durée de la guerre en attendant la libération de son fiancé, prisonnier en Allemagne à partir de juin 1918. Il avait été fait prisonnier le 30 septembre 1915 au Bois du marteau près de La Main de Massiges au cours d’une attaque très meurtrière, et interné en Allemagne au camp de Griessen.
Ils se marièrent en janvier 1919 à Aix-en-Provence et eurent trois enfants.

Lucia Tichadou excellait dans l’enseignement de la géographie. Lors des mouvements revendicatifs de élèves au milieu des années 1920, la directrice de l’ENI lui reprocha, dans son rapport, d’avoir conseillé des lectures d’ouvrages de Barbusse, Romain Rolland, Léon Frapié, Charles Rappoport. Le contexte se modifiant, la nouvelle directrice la décrivait en 1937 comme « débordante d’activité, de fougue, d’enthousiasme ».

Lucia Tichadou avait déjà milité dans les syndicats d’enseignants avant la Première Guerre mondiale. Après la guerre, elle était syndiquée à la CGT dont son mari était le secrétaire départemental du syndicat.

Elle étendit son action au domaine politique au tournant des années trente. Elle organisa à Aix le Comité Amsterdam-Pleyel puis le Comité des femmes contre le fascisme et la guerre et adhéra au Parti communiste en 1934. Son adhésion fut motivée par une longue réflexion personnelle et par l’influence des « Amis de l’URSS ». Elle réclamait l’égalité complète des droits pour les femmes. Elle participa, avec Jean Cassou, à une réunion du mouvement Paix et Liberté en février 1937. Elle avait fait partie également du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes et des organisations des Maisons de la Culture. Le 30 novembre 1938, elle fut l’une des rares enseignantes aixoises à faire la grève, incitant les normaliens et normaliennes à se joindre au mouvement. Elle fut sanctionnée par une retenue de huit jours de traitement.

Classée ainsi que son époux en octobre 1939 parmi les suspects, Lucia Tichadou fut mise à la retraite d’office par le gouvernement de Vichy, en application de la loi de mise à la retraite des fonctionnaires femmes ayant plus de cinquante ans, en septembre 1940. Le couple subit deux perquisitions à son domicile. Au cours de l’été 1941, elle quitta Aix avec sa famille pour Quérigut (Ariège), village natal de son mari, où elle participa ensuite à la Résistance. En contact avec des maquis, elle organisa des passages vers l’Espagne, notamment celui de Camille Larribère, responsable du Parti communiste en Algérie, avec Raoul de Volontat, instituteur à Quillan (Aude) qui mourut en déportation. Pour ces actions, elle était également en relation avec les responsables des filières des réseaux AKAK (OSS) et Travaux ruraux de Cerdagne et du Capcir (Pyrénées-Orientales) (Voir Cayrol Antoine, Parent André, Mas i Tió Josep). Ses deux fils, âgés respectivement de vingt-trois et vingt ans, furent arrêtés au maquis pendant l’été 1943 et internés au camp de Compiègne mais purent s’évader en décembre du train qui les conduisait en Allemagne.

A la Libération, Lucia Tichadou fut nommée maire de Quérigut (elle signa son premier acte d’état civil le 9 septembre 1944) et présidente du Comité de Libération du canton, puis abandonna ces fonctions pour revenir dans les Bouches-du-Rhône. Alors retraitée, elle reprit son activité au sein du PCF et fut membre du comité régional de ce parti. En avril 1945, elle fut élue conseillère municipale de Marseille sur la liste Gaston Defferre-François Billoux et devint vice-présidente du conseil ; elle fut chargée d’établir un rapport contre le statut de tutelle que subissait encore la commune de Marseille. Aux élections pour l’Assemblée constituante d’octobre 1945, elle fut candidate en troisième position dans la 1re circonscription des Bouches-du-Rhône. Elle fut à nouveau candidate aux élections législatives de 1946. Lucia Tichadou fut réélue conseillère municipale en décembre 1946 et devint première adjointe au maire communiste, Jean Cristofol. Elle fut réélue au conseil, mais dans l’opposition, en 1947 et en 1953.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132665, notice TICHADOU Lucia [née BERNARD Lucia Marie, Augustine] par Antoine Olivesi, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 24 avril 2022.

Par Antoine Olivesi

SOURCES  : F 17 24836. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M 2 III/1 ; M 6/10809, 10874, 11246 ; XIV M 25/135. — Rouge-Midi, 20 octobre 1945 (photo). — La Marseillaise, 7 décembre 1946, 25-26 octobre 1947. — Marseille, revue municipale, mars 1947. — Indicateur marseillais, 1945 à 1955. — Rens. de la famille de la militante.— Notes de Louis Botella, d’Alain Dalançon, de Jacques Girault et d’André Balent.

ICONOGRAPHIE : Rouge-Midi, 20 octobre 1945.

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