TIXIER Adrien , Pierre

Par Gilles Morin

Né le 1er avril 1894 à Limoges (Haute-Vienne), mort le 18 février 1946 ; enseignant puis sous-directeur du BIT ; militant socialiste ; ministre de l’Intérieur à la Libération ; député de la Haute-Vienne (1945-1946).

Professeur de l’enseignement technique en 1914, Adrien Tixier fut versé à la déclaration de guerre dans le service actif comme élève officier de réserve. Le 28 août 1914, dans les Ardennes, un obus lui sectionna le bras droit. Ce grand mutilé, qui toute sa vie souffrit de ses blessures, fut rendu en 1915 à la vie civile, comme instituteur puis comme professeur à l’École professionnelle d’Albi. Après avoir créé l’Union fédérale des Anciens combattants en 1917, il abandonna l’enseignement pour se consacrer à une double fonction : celle de secrétaire général de l’office départemental des Pupilles de la Nation, animant aussi l’office départemental des mutilés de guerre, et celle de vice-président de l’Union fédérale des Associations françaises de mutilés de guerre et Anciens combattants.

Militant socialiste, Adrien Tixier fut appelé en 1920 par Albert Thomas pour l’assister à Genève dans la fondation du Bureau international du Travail. En 1923 il fut désigné comme chef du service des Assurances sociales du BIT et, en 1936, il devint sous-directeur du BIT, chargé de la législation internationale du travail ; il le restera jusqu’en 1941. C’est à ce titre qu’il intervint le 16 novembre 1938 au congrès national de Nantes de la CGT.

Il poursuivit ses activités dans les associations d’anciens combattants françaises et internationales. Il fut ainsi durant huit ans, de 1925 à 1933, secrétaire général de la conférence internationale des Anciens combattants.

Adrien Tixier était en poste à Genève lors de la défaite de la France. Le 20 juin 1940, il adressa un télégramme au maréchal Pétain pour lui demander de refuser l’armistice et de poursuivre la lutte, rendant publique cette position. En août 1940, il quitta Genève pour représenter le BIT aux États-Unis et se mit à la disposition du général de Gaulle. En novembre 1941, il fut désigné par celui-ci comme représentant officieux de la France combattante à Washington, travaillant en liaison avec l’association franco-américaine France-forever (voir Henry Torrès*). Appelé à Alger en juin 1943, il fut désigné comme commissaire au Travail et à la Prévoyance sociale au sein du Comité français de libération nationale puis devint commissaire aux Affaires sociales en novembre. Adrien Tixier représenta la France à la conférence internationale du Travail de Philadelphie en avril-mai 1944.

Rentré à Paris le 2 septembre 1944, il fut désigné le 5 septembre par le président du gouvernement provisoire comme ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, puis, le 9, comme ministre de l’Intérieur, fonction qu’il devait conserver lors du remaniement du 21 novembre 1945. Lorsqu’il s’installa place Beauvau, il y trouva le vide complet, en dehors de deux prisonniers allemands installés dans son appartement. A ce poste, Adrien Tixier fit preuve d’une capacité de travail exceptionnelle. Il est vrai que ses souffrances physiques ne lui laissaient guère de repos. A Depreux, qui lui succéda, s’appuyant sur les témoignages de ses collaborateurs, écrivit qu’il se montrait « plus dur encore pour lui-même que pour les autres (et ce n’est pas peu dire) ». Il procéda à environ sept mille décisions de suspension, révocation ou arrestation de fonctionnaires, révoqua tous les directeurs généraux et la plupart des directeurs adjoints de la police. En dépit du manque de cadres et de sa crainte d’un noyautage de son ministère par le Parti communiste, il s’efforça de reconstruire l’État et de restaurer les institutions républicaines en organisant dans des conditions difficiles les premières élections municipales, cantonales et législatives, de mai à octobre 1945. Il s’efforça aussi de limiter les exactions et les arrestations arbitraires consécutives à la Libération. A son initiative, le conseil des ministres du 28 octobre 1944, décida la dissolution des « groupements armés » subsistant dans certains départements et qui n’appartenaient « ni à l’armée ni à la police ». Responsable de l’Algérie lors du soulèvement du Constantinois de mai 1945, il assuma la répression notamment à l’occasion d’une tournée d’inspection, s’efforçant toutefois de préserver l’avenir et s’opposant au renvoi de son camarade Châtaigneau et à l’abrogation de l’ordonnance du 7 mars 1944 exigés par les colons.

Président du conseil général, puis député de la Haute-Vienne élu le 21 octobre 1945, Adrien Tixier fut l’un des hommes clés de la SFIO, politiquement situé par ses camarades parmi les pro-gaullistes convaincus. Lorsqu’en janvier 1946 se constitua le cabinet Félix Gouin*, il dut refuser d’y participer, sa santé s’étant gravement altérée. Il décéda lorsque l’on tenta d’extraire une balle logée dans sa tête depuis 1914. Selon Vincent Auriol*, sa désignation au poste de délégué permanent de la France auprès de l’ONU avait été envisagée.

Décoré de la médaille militaire et de la Croix de guerre, Adrien Tixier était chevalier de la Légion d’honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132760, notice TIXIER Adrien , Pierre par Gilles Morin, version mise en ligne le 23 septembre 2013, dernière modification le 29 août 2015.

Par Gilles Morin

SOURCES : Arch. OURS — Éloge funèbre par V. Auriol, 19 février 1946. — L’Année politique, 1944-1945, Éd. du Grand siècle, 1946. — Édouard Depreux, Souvenirs d’un militant. De la social-démocratie au socialisme, Paris, Fayard, 1972. — R. Aglion, De Gaulle et Roosevelt, Plon, 1984. — Gilles Morin et Pascal Plas (dir.), Adrien Tixier, 1893-1946. L’héritage méconnu d’un reconstructeur de l’État en France, Histoire et mémoires, N°3, Lucien Soumy ed., 2012, 314 p. — État civil.

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