TOMAS Jean-Baptiste, Jules

Par Éric Belouet, Michel Dreyfus

Né le 12 mai 1907 à Béziers (Hérault), mort le 6 février 2000 à Ballainvilliers (Essonne) ; plombier-zingueur puis employé ; syndicaliste CGT puis FO ; secrétaire de la Fédération CGT "légale" de l’Éclairage, secrétaire général adjoint de la Fédération FO des IEG (1948-1950).

Jean-Baptiste Tomas était le fils de Célestine Granet, couturière, et de François Tomas, plombier-zingueur, sans engagement politique ou syndical, qui jamais ne vota. Après avoir obtenu le certificat d’études primaires, Jean-Baptiste Tomas entra au travail à l’âge de quatorze ans comme apprenti plombier-zingueur chez son père. En 1925, contraint par son père de voler de ses propres ailes, il dut effectuer quelques chantiers à l’extérieur de Béziers. Il adhéra alors sur l’insistance de ses camarades au syndicat CGTU du Bâtiment, ses camarades lui ayant affirmé que cette adhésion était obligatoire. Selon son témoignage, recueilli le 19 janvier 1996 par Éric Belouet, seul le rugby l’intéressait alors, il n’entendait rien au syndicalisme et l’affrontement CGT-CGTU lui était totalement étranger. Cette adhésion fut d’ailleurs sans lendemain puisqu’il partit en 1926 pour effectuer son service militaire à Toulouse dans les aérostiers. De retour à Béziers l’année suivante, il reprit son travail chez son père et y resta jusqu’en 1930 ou 1931 après quoi il se fit embaucher comme plombier à la Lyonnaise des eaux à Béziers où il devait rester jusqu’en juin 1942.

Après avoir effectué sa période probatoire d’un an à la Lyonnaise, Jean-Baptiste Tomas adhéra à la CGT, là encore, selon lui, sur l’insistance de ses camarades qui l’avaient remarqué. C’est alors qu’il commença à s’intéresser au syndicalisme. Très vite, il devint secrétaire adjoint puis, en 1936, secrétaire du syndicat du gaz de Béziers. Entre temps, il était devenu secrétaire de l’union locale des syndicats. Du 6 au 8 septembre 1934, il assista au XIIIe congrès de la Fédération CGT de l’Éclairage tenu à Pau où il fit la connaissance de Clément Delsol* puis au congrès confédéral d’unité à Toulouse du 2 au 5 mars 1936 en qualité de représentant de l’union locale des syndicats. Il avait adhéré à la SFIO en 1932 mais la quitta peu après en 1934, peut-être, mais sans que cela soit sûr, à la suite de la scission « néo-socialiste » de Marcel Déat* en novembre 1933. Par la suite, il n’appartint plus jamais à une formation politique.

Jean-Baptiste Tomas fut un des animateurs du collège du travail de Béziers — il affirme avoir été un des pionniers du Centre confédéral d’éducation ouvrière (CCEO) aux côtés de Georges Lefranc* qu’il avait rencontré quand ce dernier enseignait dans un collège à Béziers à partir de 1931. Secrétaire adjoint de la Bourse du travail de cette ville en 1938, il fut également délégué au XXVe congrès confédéral de la CGT à Nantes tenu la même année, en tant que délégué de la Fédération de l’Éclairage.

Mobilisé en 1939 sur la Côte-d’Azur en tant que soldat de 2e classe dans l’aérostation, Jean-Baptiste Tomas participa aux combats et fut démobilisé ensuite en 1940. Il revint alors à Béziers et reprit son poste à la Lyonnaise des eaux ainsi que ses activités syndicales. Au sein de la Fédération, il avait été en accord avec Clément Delsol* et Gabriel Borie* quand ces derniers avaient exclu de la Fédération ses responsables unitaires, à la suite du Pacte germano-soviétique. En 1941-1942, Jean-Baptiste Tomas était secrétaire de l’Union locale CGT de Béziers. Il participa également à la direction de la Fédération « légale » de l’Éclairage, surtout à partir de juin 1942 lorsque le comité fédéral l’appela à Paris pour lui confier un poste de secrétaire fédéral : avec Clément Delsol* et Gabriel Borie*, il en fut un des principaux dirigeants. Dès le 3 mars 1942, il avait accepté d’appartenir à la Commission provisoire d’organisation de la famille professionnelle « Eaux-Gaz-Électricité » prévue par l’article 77 de la Charte du travail. Lors du comité de la Fédération de l’Éclairage tenu le 3 mai 1943, il s’éleva contre la conception des comités sociaux d’entreprise qui ne prévoyaient aucune sanction contre les patrons, la loi leur permettant d’écraser les salariés. Il soutint la décision prise en décembre 1943 par la Fédération « légale » de se retirer des organismes mis en place par la Charte tout en ayant affirmé dans son témoignage de janvier 1996 avoir soutenu cette décision par pur opportunisme : il était facile de prévoir en décembre 1943 que la guerre était perdue pour Hitler et qu’il était donc nécessaire de prendre ses distances avec Vichy. Cependant il jugeait la Charte positive sur plusieurs points, notamment en ce qui concerne les comités sociaux d’entreprise qui avaient pour seule fonction de donner du pain à ceux qui n’en n’avaient pas. Toujours en 1996, il affirmait rétrospectivement son admiration pour le maréchal Pétain ainsi que son grand respect pour l’honnêteté dont n’avait cessé de faire preuve Pierre Laval*. Cet état d’esprit avait-il été réellement le sien ? Avait-il été partagé par d’autres membres de la Fédération ?

Quoi qu’il en soit, Jean-Baptiste Tomas fut permanent de la direction de la Fédération « légale » jusqu’à la Libération. Il fut ensuite secrétaire permanent du bureau provisoire de la Fédération réunifiée après août 1944 et, lors de la conférence-congrès des 23-24 avril 1945, il fut reconduit dans ce poste. Mais il choisit alors de quitter la Fédération CGT de l’Éclairage, non pas parce qu’il « craignai(t) la bagarre, comme on l’a dit...(mais parce que) il ne lui étai(t) pas possible de vivre dans une atmosphère frelatée et d’encaisser tous les jours les coups défendus » assénés par les communistes, comme il devait l’expliquer ultérieurement lors du congrès de fondation de la Force ouvrière des Industries de l’énergie électrique et du gaz (Lumière et Force, n° 3, juin 1948). Il devint alors le secrétaire de Louis Saillant*, secrétaire général de la Fédération syndicale mondiale (FSM) de 1945 à 1968, et conserva cette fonction jusqu’en 1947.

Après la scission de 1947, Clément Delsol* lui demanda de le rejoindre à la Fédération naissante pour le seconder. C’est ainsi que Jean-Baptiste Tomas fut élu secrétaire général adjoint de la Fédération lors de son congrès de fondation en juin 1948. Dès avril 1948, Jean-Baptiste Tomas avait désigné par FO parmi les orateurs nationaux chargés d’animer la fête du 1er mai dans les villes de province et de faire le principal discours. De même, le 1er mai 1949, il représenta le bureau confédéral à Metz et, en juillet 1949, il effectua une tournée en Algérie au cours de laquelle Roger Marçot, d’Alger, fut confirmé dans son rôle de responsable de la fédération des industries de l’électricité et du gaz pour la totalité de l’Algérie. Réélu secrétaire général adjoint lors du IIe congrès (octobre 1950), il quitta pourtant cette organisation trois mois plus tard. Ayant découvert lors de son passage à la FSM l’importance prise par la langue anglaise dans l’exercice des relations internationales, il avait demandé à la CGT-Force ouvrière de lui financer un séjour en Angleterre. Satisfaction put lui être donnée et il passa toute l’année 1951 outre-Manche, séjournant six mois à Oxford puis six mois à Londres. Il ne s’agissait d’ailleurs pas seulement d’un séjour linguistique puisqu’il mit cette année à profit pour étudier les industries électrique et gazière anglaises. À son retour, il rédigea un rapport sur ce sujet qui, selon lui, fut remarqué par la direction d’EGF. Il fut alors à nouveau sollicité pour prendre la place de secrétaire général de la Fédération, laissée vacante par le départ de Clément Delsol* lors du IIIe congrès (octobre 1952) mais affirme l’avoir abandonné à Charles Werbrouck* car ses préoccupations étaient « ailleurs » : il avait toujours conçu le syndicalisme comme « une philosophie » et n’avait jamais eu le goût des discussions interminables autour de revendications purement matérielles, préférant laisser cette tâche aux autres. Il se fit néanmoins élire au comité fédéral lors de ce congrès mais son activité syndicale sur le plan national devait s’arrêter là.

Lorsque fut mis en place un centre de formation des jeunes cadres aux relations humaines à Cébazat dans le Puy-de-Dôme, Jean-Baptiste Tomas en devint l’un des conférenciers, à raison d’une conférence tous les quinze jours, activité qui l’occupa de 1952 à 1954. Mais il quitta ce Centre de formation à la suite d’un désaccord avec son directeur. La direction de Gaz de France ayant alors remarqué ses talents de conférencier lui confia un poste d’adjoint au chef des relations humaines. Jouissant d’une totale liberté, disposant d’une voiture de fonction avec chauffeur, il donna alors des conférences dans toute la France durant plus de dix ans jusqu’à sa mise en inactivité. Il en profita pour assouvir sa soif de connaissances en suivant des cours à la Sorbonne et passa même un mois à Harvard. Il conserva cependant des liens avec la Fédération Force ouvrière et fut ensuite membre de son Groupement national des pensionnés (GNP).

Marié en décembre 1931 avec Jeanne Sidobre, à Béziers, il eut deux enfants dont l’un est décédé. Divorcé en 1941, il se remaria le 8 mars 1952 à Paris (VIIIe arr.) avec Denise Wurmser, agrégée d’anglais. Jean-Baptiste Tomas vivait en janvier 1996 en région parisienne, à Sainte-Geneviève-des-Bois.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132782, notice TOMAS Jean-Baptiste, Jules par Éric Belouet, Michel Dreyfus, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 24 avril 2016.

Par Éric Belouet, Michel Dreyfus

SOURCES : Procès-verbaux du CA de la Bourse du travail de Béziers. — FO Hebdo, hebdomadaire de la CGT-FO, 1er juillet 1948, 21 avril et 21 juillet 1949, 12 octobre 1950. — René Gaudy, Les porteurs d’énergie, Paris, Temps actuels, 1982. — B. Weiss, La Fédération légale de l’Éclairage CGT (1936-1944), mémoire de maîtrise, Paris VII, 1995. — Journal officiel, 29 mars 1942. — Témoignage de J.-B. Tomas recueilli le 19 janvier 1996 par Éric Belouet. — Témoignage d’A. Solié. — Notes de Louis Botella. — État civil de Béziers.

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