TOURNÉ André, Sébastien, Joseph

Par André Balent

Né le 9 août 1915 à Villelongue-de-la-Salanque (Pyrénées-Orientales), mort le 18 octobre 2001 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; maraîcher viticulteur à Villelongue-de-la-Salanque (Pyrénées-Orientales) ; militant JC puis communiste ; volontaire en Espagne républicaine ; résistant FTPF à Lyon (Rhône) ; conseiller général des Pyrénées-Orientales (de Perpignan-Est, 1947-1953 ; de Prades, 1955-1979) ; vice-président du conseil général des Pyrénées-Orientales ; conseiller municipal de Perpignan (1947-1959 ; 1989-1993) ; député communiste des Pyrénées-Orientales (1946-1958 ; 1962-1968 ; 1973-1986).

André Tourné, (1915-2001)
André Tourné, (1915-2001)
Extrait de Sentis, op. cit., 2011, p. 25. Cliché retouché par André Balent.

Fils de Sébastien, André, Joseph Tourné, propriétaire, et de Anna Mariette, sans profession, âgés respectivement de trente-trois et vingt-neuf ans en 1915, André Tourné devint pupille de la Nation à la suite d’un jugement du tribunal civil de première instance de Perpignan du 16 juin 1928. Sa commune d’origine, Villelongue-de-la-Salanque était connue comme étant un fief clérical et monarchiste, bien que, depuis la Seconde République au moins, les "Rouges", aussi, y eussent aussi été nombreux et actifs. Villelongue fut l’une des quelques — rares — communes du département qui tentèrent de s’opposer aux inventaires, en 1906, après le vote de la loi de séparation de l’Église et de l’État. De sa fréquentation de catholiques pratiquants, André Tourné acquit la conviction qu’il fallait faire preuve de tolérance avec eux : il mit ces principes en pratique, lorsque, élu député à partir de 1946, il réussit à conquérir l’estime d’électeurs catholiques ruraux.

Viticulteur et maraîcher, il travaillait dans la propriété familiale. Il adhéra aux Jeunesses communistes dès 1929. En 1933, il était secrétaire de la région du Midi des JC. Il milita dès 1934 à partir de sa création, dans les rangs de la région communiste des Jeunesses communistes des Pyrénées-Orientales bientôt nommée "région catalane". En 1936, il était devenu secrétaire de la Région catalane des Jeunesses communistes. Il suivit à Paris des cours pour les militants paysans du PCF puis à l’Université ouvrière. En 1935, il accéda au comité central des Jeunesses communistes. Il suivit également un stage de formation politique de l’Internationale communiste en URSS.

Il se trouvait en Espagne lorsque les généraux rebelles initièrent leur tentative de coup d’État (18 juillet 1936). Il représentait le comité central des JC à un rassemblement de la jeunesse à Madrid. Du 19 juillet 1936 au début octobre de cette même année, il fut volontaire en Espagne républicaine, puis d’octobre à novembre 1938, appartint au bataillon des Jeunesses socialistes unifiées (JSU) d’Espagne. Il intégra les Brigades internationales (BI) dès leur formation. Il participa, dans le bataillon des JSU puis dans les BI, à la bataille de Madrid, en particulier aux rudes combats de la cité universitaire. Il dut revenir en France en 1937 afin d’effectuer son service militaire. Libéré de ses obligations militaires françaises, il revint en Espagne où il combattit à nouveau en 1938, au mois d’octobre et de novembre en Catalogne dans le bataillon des JSU.

À partir d’octobre 1938, alors qu’il était membre du comité central des Jeunesses communistes, il écrivit dans Le Travailleur catalan, organe hebdomadaire de la Région catalane du PC. Le 1er janvier 1939, le comité de la Région catalane l’élut à son bureau.

En 1939, André Tourné fut mobilisé au 18e bataillon de chasseurs alpins. Affecté en Alsace, il fut blessé à deux reprises pendant la bataille de France : une premièrefois en novembre 1939, puis à Laveline-devant-Bruyère (Vosges) le 21 juin 1940. Fait prisonnier, André Tourné le demeura jusqu’en octobre 1943 date à laquelle il fut rapatrié sanitaire après avoir été atteint de troubles oculaires. Devenu militant du PC clandestin et des FTPF dans le département du Rhône, il participa à l’organisation de la résistance armée. Il devint responsable militaire des FTPF du Rhône (COR, "commissaire aux opérations régional") il se trouvait depuis plusieurs semaines à Lyon (Rhône) lorsque commencèrent les combats de la libération de cette ville. Auparavant, les unités résistantes sous ses ordres s’étaient efforcées de désorganiser le système de transmission et de transports des forces allemandes. Le 24 août 1944 commencèrent les opérations militaires de la résistance de Lyon avec l’objectif de libérer la ville, en liaison avec le soulèvement de Villeurbanne. À la tête de ses hommes André Tourné, lieutenant-colonel des FFI connu sous le pseudonyme de "colonel Petit" ou "colonel Lepetit", prit une part active aux opérations militaires. Le 27 août, alors que les combats faisaient rage, il reçut sept blessures. Il dut être amputé de sa main gauche et sa main droite criblée par des éclats d’un projectile, dut être amputée de trois doigts. Il fut cité à l’ordre de l’Armée, reçut la Croix de guerre 1939-1945 avec palmes et fait chevalier de la Légion d’honneur pour son action dans la résistance rhodanienne. Il fut par la suite promu au rang d’officier de cet ordre. Il fut homologué lieutenant-colonel FFI.

À partir de 1944 et jusqu’aux années quatre-vingts, André Tourné joua un rôle important au sein du PCF dans les Pyrénées-Orientales. Grand travailleur, maitrisant parfaitement les dossiers qui lui tenaient à coeur (viticulture et agriculture départementales, aménagements économiques, anciens combattants), il était très proche de ses électeurs dont il défendait les intérêts avec persévérance, il acquit au fil des ans une grande popularité. Au plan départemental, il fut un des challengers de l’’"homme fort" du conseil général, Léon-Jean Grégory. Au plan parlementaire, il fut un rival et un opposant des deux ténors départementaux que furent Arthur Conte et Paul Alduy.

André Tourné fut élu conseiller général du canton de Perpignan-Est mais fut battu dans ce même canton à l’occasion du scrutin d’octobre 1951. Colistier de Léo Figuères lors des élections aux première et deuxième Assemblées constituantes (21 octobre 1945 et 2 juin 1946), il fut élu député aux élections législatives du 10 novembre 1946. Réélu député aux élections du 17 juin 1951 et du 2 janvier 1956, il fut battu aux élections législatives de novembre 1958, par le candidat de la SFIO, Arthur Conte, dans la circonscription de Perpignan-Prades. Il retrouva son siège de député, dans cette circonscription, en novembre 1962. A nouveau réélu en 1967, il fut battu une seconde fois en juin 1968 par son vieux rival Arthur Conte, qui avait alors rejoint les rangs de l’UDR. Tourné fut cependant réélu à Perpignan-Prades en mars 1973 et en mars 1978. En 1973, il aurait normalement dû être élu président du conseil général des Pyrénées-Orientales, l’union de la gauche ayant, sur le papier, triomphé et le PCF s’étant placé en tête des partis de gauche à l’issue du second tour. Mais la "maladie" providentielle de Jacqueline Alduy (Voir Triaire Jacqueline, épouse Alduy*) et de Michel Sageloli, respectivement conseillers généraux socialistes des cantons d’Arles-sur-Tech et de Céret permirent la réélection à la présidence de l’assemblée départementale de Léon-Jean Grégory*.

Élu conseiller municipal de Perpignan en octobre 1947 comme tête de la liste d’Union républicaine et de défense des intérêts de Perpignan, André Tourné, tête de la liste d’Union ouvrière et démocratique aux élections municipales d’avril-mai 1953, fut, après le notaire Delcos, le second élu de Perpignan. Le Parti communiste, en conservant 11 des 12 sièges précédemment détenus au conseil municipal, maintenait ses positions. En avril 1955, il succéda comme conseiller général du canton de Prades au socialiste SFIO Joseph Rous. Jusqu’en mars 1979, date à laquelle il ne se représenta pas, Tourné conserva, de scrutin en scrutin, son siège de conseiller général de Prades.

En 1971, conduisant lors des élections municipales, une liste d’union des partis de la gauche à Prades, André Tourné fut battu ainsi que tous les membres de sa liste (voir Jean Font). Tourné fut à nouveau candidat à la députation dans la 2e circonscription des Pyrénées-Orientales (Perpignan-Prades) les 14 et 21 juin 1981 et l’emporta au 2e tour sur François Benedetti, réalisant le 21 juin 1981 le meilleur score électoral de toute sa carrière. En 1986, il conduisit la liste du PC aux élections mais ne fut pas réélu en raison de la progression du Front national. Il fut tête de la liste communiste aux élections municipales de mars 1989. Cette liste fusionna au second tour avec la liste socialiste conduite par Robert Marty. Ce mandat fut interrompu en 1993 par la dissolution du conseil municipal.

Depuis de nombreuses années déjà, André Tourné dont l’activité parlementaire était intense, occupait le poste de président national de l’ARAC. En 1949, il appartenait au bureau de l’AVER.

Ses divers mandats politiques et associatifs n’empêchèrent pas André Tourné d’exercer également des responsabilités au sein de la fédération des Pyrénées-Orientales du PCF. Il fut jusqu’aux années 1970 un inamovible membre du bureau fédéral, en particulier de 1953 à 1968 inclus. Il suivait de très près la gestion de l’hebdomadaire fédéral, Le Travailleur catalan.

Ayant pris sa retraite politique en 1993, André Tourné mourut en 2001. Il fut inhumé au cimetière de Villelongue-de-la-Salanque.

André Tourné se maria avec Marie-France (Anna, dans l’acte de mariage) Kuper le 13 novembre 1944 à Lyon (IVe arrondissement). Celle-ci était née le 22 août 1920 à Budapest (Hongrie), dans une famille juive originaire de la Pologne russe (d’avant 1918) qui émigra en France, en Lorraine d’abord, puis en Normandie où elle commença des études à l’école normale. Réfugiée à Toulouse (Haute-Garonne) en 1940, elle fut radiée de l’école normale (lois anti-juives de Vichy) ; elle adhéra au PC en 1941 à Toulouse. Agent de liaison du PC en Haute-Garonne elle fut mutée à Lyon (Rhône) où elle fit la connaissance d’André Tourné, lieutenant FFI ; qu’elle épousa. Elle s’occupa des Vaillants des Pyrénées-Orientales avant qu’ils ne fussent installés à Via (Voir Catala Jean) à Via. Le couple eut deux enfants. Leur fils Claude-Émile, devint un médecin obstétricien gynécologue réputé qui s’établit à Céret (Pyrénées-Orientales) ; militant du PCF, il a adhéré au Pôle de la renaissance communiste en France (PRCF) dont il était (2015), un des animateurs dans les Pyrénées-Orientales. Il mourut le 31 mai 2017.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132925, notice TOURNÉ André, Sébastien, Joseph par André Balent, version mise en ligne le 14 septembre 2015, dernière modification le 14 juin 2018.

Par André Balent

André Tourné, (1915-2001)
André Tourné, (1915-2001)
Extrait de Sentis, op. cit., 2011, p. 25. Cliché retouché par André Balent.

SOURCES : Arch. AVER. — Arch. A. Marty S1. — Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 163 J, fonds André Tourné ; 94 W 82, élections législatives des 23 et 30 novembre 1958. — Arch. com. Villelongue-de-la-Salanque, état civil, acte de naissance d’André Tourné et mentions marginales. — Arch de la fédération du PCF des Pyrénées-Orientales, partiellement publiées par Georges Sentis (Éléments pour un dictionnaire des militants communistes des Pyrénées-Orientales dans les années 1945-1968, Lille, Marxisme / Régions, 1998). — Le Travailleur catalan, 15 août 1936, 22 octobre 1938, 7 janvier 1939 ; de 1944 à 2001. — "Un jeune héros", Front uni, 3, 16 décembre 1944. — Roger Bernis, Les Pyrénées-Orientales sous la IVe République, Thèse de droit (dactylographiée), Montpellier, 1971. — Léo Figuères, Jeunesse militante, chronique d’un jeune communiste des années 30-50, Paris, Éditions sociales, 1971. — Georges Cogniot, Parti pris, 2 vol., Paris, 1976 et 1978. — Louis Monich, Histoires rocambolesques de l’élection cantonale 1976 en Roussillon, Perpignan, Trabucaire, 1996, 191 p. — Georges Sentis, Les communistes et la résistance dans les Pyrénées-Orientales. Biographies, Lille, Marxisme / Régions, 1994, 182 p. [p. 29] ; Habitants des Pyrénées-Orientales combattants des Brigades internationales & milices antifascistes, Perpignan, Marxisme / Régions, 2011, 48 p ; [p. 25, p. 40]..

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