TRIBOLATI Madeleine

Par Joceline Chabot

Née le 23 mars 1905 à Paris, morte le 25 octobre 1995 à Paris ; employée ; permanente de la Fédération française des Unions des syndicats professionnels féminins ; secrétaire générale adjointe de la Fédération CFTC ; vice-présidente de la CFTC.

Fille d’un ouvrier et d’une femme de ménage, Madeleine Tribolati fréquenta l’école laïque car sa famille n’était pas catholique pratiquante. C’est par le biais des patronages qu’elle reçut les premiers rudiments d’une éducation catholique. A l’âge de treize ans, elle commença à travailler comme employée de bureau.

Ses contacts avec les milieux catholiques sociaux la sensibilisèrent à la doctrine sociale de l’Église. Bien que sa formation se résumât alors à quelques notions de base, elle fut rapidement convaincue de la nécessité de contribuer à la réalisation d’une plus grande justice sociale. Les syndicats féminins chrétiens lui parurent le lieu tout indiqué pour mettre en œuvre cet idéal. En octobre 1924, elle adhéra à la Fédération française des Unions des syndicats professionnels féminins, plus connue sous le nom de la Fédération du boulevard des Capucines.

Dès lors, Madeleine Tribolati fit preuve d’un enthousiasme qui ne se démentit pas — qualité sans doute indispensable pour surmonter les difficultés de la vie militante mais insuffisante pour assumer un poste de responsabilité au sein de l’organisation. En effet, dans le cadre d’une stratégie axée sur la négociation collective, les dirigeants de la fédération se devaient de posséder une connaissance complète des mécanismes et des lois régissant le monde du travail. C’est pourquoi, à l’instar des adhérentes qui désiraient jouer un rôle plus actif dans les syndicats, Madeleine Tribolati dut s’inscrire aux cours de formation organisés par l’École normale sociale (ENS), rue du docteur Blanche à Paris (XVIe arr.). L’ENS, dirigée par Andrée Butillard* et Aimée Novo, constituait alors un lieu privilégié d’échanges et de formation pour les militantes catholiques sociales. Pendant trois ans, Madeleine Tribolati suivit assidûment les cours du « 4e dimanche » destinés aux propagandistes des syndicats féminins. L’enseignement portait à la fois sur la doctrine sociale de l’Église et sur les différents aspects du droit du travail. Elle participa également aux sessions intensives de formation syndicale qui se tenaient tous les étés dans différentes villes de France. En 1928, elle passa avec succès l’examen des propagandistes qui clôturait le cycle d’études de trois ans sur l’encyclique Rerum Novarum.

A la fin des années vingt, Madeleine Tribolati travailla comme secrétaire sténo-dactylographe à l’Association internationale pour le progrès social, association de droit privé, et comme secrétaire juridique dans un cabinet privé. Période formatrice qui vint compléter l’enseignement reçu dans l’organisation syndicale.

En 1931, Madeleine Tribolati fut élue au conseil du syndicat des secrétaires sténo-dactylographes. La même année, elle devint déléguée des Jeunes au congrès annuel de la Fédération du boulevard des Capucines et, jusqu’en 1935, elle présida à plusieurs reprises la réunion spéciale des Jeunes. A cette occasion, elle rédigea de nombreux rapports portant sur des sujets aussi variés que « le travail des jeunes », « la formation professionnelle » ou « les loisirs ». Elle fut également déléguée à de nombreux congrès de la Fédération française des syndicats chrétiens d’employés et de la CFTC. En 1935, elle fut élue au conseil de la Fédération des employés.

Durant ces années, Madeleine Tribolati collabora à la rédaction de plusieurs articles pour la Travailleuse, l’organe de la Fédération du boulevard des Capucines ainsi qu’au bulletin de la CFTC, Syndicalisme. En 1935, dans une série d’articles parus dans la Travailleuse, elle chercha à définir la position des syndicats féminins chrétiens sur la question du travail des femmes et, plus particulièrement, du travail des femmes mariées. Suite à la montée du chômage, consécutive à la crise des années trente, cette mise au point s’avéra d’autant plus nécessaire qu’un discours dénonçant le travail des femmes et prônant le retour des mères au foyer se manifestait au sein même du mouvement social chrétien. Dans ces textes où l’on retrouve une somme d’informations sur l’évolution du travail féminin depuis le début du siècle, Madeleine Tribolati développa une argumentation autour de deux pôles : premièrement elle rappela la position traditionnelle de l’Église catholique sur « la place naturelle des mères au foyer », dans un deuxième temps, elle affirma, avec non moins de vigueur, le droit au travail pour toutes les femmes : « En vertu de quel droit et au nom de quel principe voudrait-on séparer l’humanité en deux camps, dont l’un aurait le privilège de prendre librement son essor, cependant que l’autre — pour éviter toute concurrence — se verrait forcé de limiter le sien ? » Elle termina son article en soulignant que le seul moyen d’éviter la concurrence entre les salaires féminins et masculins était d’appliquer le principe « à rendement égal, salaire égal ». Ces conclusions servirent de base à la rédaction d’un rapport qu’elle présenta à la réunion féminine qui précéda le XVIe congrès de la CFTC Les participantes à la réunion se prononcèrent contre toute interdiction légale du travail des femmes et reconnurent aux femmes le droit de vivre de leur travail ainsi que le droit de se former en vue de l’exercice d’une profession. Ce fut Madeleine Tribolati qui présenta les vœux adoptés à la réunion au congrès de la CFTC qui les prit en considération.

En 1936, elle devint permanente de la Fédération du boulevard des Capucines. Après les grèves de mai-juin 1936 et le vaste mouvement de négociations collectives qu’elles déclenchèrent, elle fut l’une des principales négociatrices pour les syndicats féminins. Dans un article paru dans la Travailleuse en septembre-octobre 1936, elle rappela le rôle des syndicats féminins dans les discussions entourant les accords et les conventions signés. Madeleine Tribolati insista sur le fait que, profitant d’une formation de premier ordre acquise au sein du mouvement syndical chrétien, les militantes avaient pu proposer des barèmes de salaires soigneusement établis et défendre ainsi plus adéquatement les intérêts des travailleuses. Elle fit partie du Conseil national économique en 1938-1940 (22e section professionnelle) au titre de la Fédération française des syndicats chrétiens d’employés.

Après la guerre et la défaite, elle dut chercher un emploi comme secrétaire. Au lendemain de la Libération, après la dissolution des syndicats féminins et l’exclusion de deux des principales dirigeantes, Madeleine Tribolati accepta de s’engager à nouveau dans l’action syndicale. Elle fut élue en 1946 secrétaire générale adjointe de la Fédération des employés et, en 1948, lors du au XXIVe congrès, vice-présidente de la CFTC. Elle participa aux négociations qui devaient donner naissance à la loi de 1950 sur le SMIG. Elle était depuis 1951 membre du Conseil économique et y resta jusqu’en 1958. Bien que les syndicats féminins aient disparu en tant que tels, elle poursuivit son action en faveur des travailleuses.

Licenciée de son poste à la Fédération des employés en 1963, à la veille de la déconfessionnalisation, elle redevint en 1965 vice-présidente à part entière de la CFTC et lutta pour la généralisation des retraites complémentaires qui fut obtenue en 1972. Elle prit sa retraite en 1975, devenant alors présidente d’honneur de la CFTC.

La carrière exceptionnelle de Madeleine Tribolati au sein du mouvement syndical témoigne de la profondeur de son engagement et de la qualité de la formation reçue.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article133109, notice TRIBOLATI Madeleine par Joceline Chabot, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 30 novembre 2010.

Par Joceline Chabot

SOURCES : La Travailleuse, 1926-1936. — L’Employé, 1935. — Arch. Gaston Tessier. — Témoignage de l’intéressée. — Le Monde, 31 octobre 1995.

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