TRILLES Lucien, Joseph

Par François Roux

Né le 23 décembre 1913 à Fourques (Pyrénées-Orientales), mort le 7 juin 1996 à Avignon (Vaucluse) ; menuisier ; militant communiste ; secrétaire de la 27e région unitaire du Bâtiment et Travaux publics ; secrétaire adjoint de l’UD du Vaucluse.

Fils d’ouvriers agricoles, Lucien Trilles perdit son père, "bon républicain" pendant la Première Guerre mondiale. Titulaire du CEP, il entra très jeune dans la vie active, se dota d’une culture d’autodidacte. Militant communiste depuis 1934, il était membre de la cellule Avignon-Nord (Vaucluse) et devint, en mai 1937, le gendre de Fernand Arnal*, secrétaire du rayon d’Avignon. Mais son activité fut plus syndicale que politique.

Secrétaire du syndicat CGTU du Bâtiment à Avignon et secrétaire régional de la 27e région fédérale des travailleurs du Bâtiment et des Travaux publics (Vaucluse et Basses-Alpes), Lucien Trilles participa, en janvier 1935, au congrès départemental d’unité CGTU-CGT à Avignon. Il fit partie de la délégation vauclusienne au congrès de Toulouse (2-5 mars 1936) avec Léon Mothes*, Louis Perret*, Tollet et Gaston Dijon*. Il fit partie du bureau de l’Union départementale de 1935 à 1939, secrétaire adjoint en 1935, 1936, 1938, puis écarté en 1939 avec quelques autres militants communistes.

Lucien Trilles fut le principal organisateur de la grève des ouvriers du Bâtiment en juin 1936 qui mobilisa, pendant un mois, 3 500 ouvriers ravitaillés en partie par les paysans de la région. Le mouvement s’élargit, le 10 juillet, avec une grève générale de solidarité, décidée par l’Union locale, malgré les essais de temporisation du bureau de l’Union départementale dont certains membres, socialistes, ne voulaient pas porter préjudice à la municipalité socialiste d’Avignon.

Désigné comme représentant ouvrier à la première commission départementale de conciliation, constituée le 10 juillet 1936, Lucien Trilles fut récusé par le préfet, peut-être à cause de sa participation à la « chaude » journée du 10 juillet, qui avait provoqué des échauffourées. Le 17 juillet, il signa avec Arnal, Dijon et Félix Escoffier*, la première convention collective, qui mettait fin à la grève du Bâtiment.

Au congrès de l’UD du 15 novembre 1936, qui vit démissionner les ex-confédérés du bureau, en présence de Racamond qui présidait, Lucien Trilles fit le rapport sur l’application des lois sociales du Front populaire. Remplacé par Léon Mothes comme secrétaire adjoint de l’UD en 1937, il resta membre du bureau et toujours secrétaire du syndicat du Bâtiment. A ce titre, il protesta auprès du préfet en janvier 1937 contre la représentativité du syndicat autonome qui venait de se constituer. Il se préoccupait de la répartition des crédits pour les grands travaux prévus par le gouvernement et du maintien du pouvoir d’achat des ouvriers, réclamant en février 1937, en dépit de la « pause », une augmentation de 10 %, à obtenir sans grève « par la négociation » ; Lucien Trilles était membre de la commission de conciliation avec ses amis Dijon, Mothes, Marius Francia* et Fernand Vigne*. C’est en qualité de secrétaire de la 27e Union régionale qu’il signa, en février 1937, la convention collective de l’industrie plâtrière en Vaucluse. Le 21 mars 1937, à Avignon, lors de la réunion de protestation contre les incidents de Clichy, il prit la parole le premier et stigmatisa l’action de la police. Au congrès de l’UD du 15 décembre 1937, présidé par Léon Jouhaux à Avignon, il retrouva son poste de secrétaire adjoint dans le bureau reconstitué pour 1938.

Cette année-là, il mêla l’action syndicale à l’action politique. Veillant comme toujours à l’application stricte des lois sociales, Lucien Trilles écrivit au président du Conseil Camille Chautemps, le 4 février 1938, pour protester contre le refus des patrons d’appliquer la sentence arbitrale consécutive à la grève du Bâtiment qui venait de se dérouler pour une augmentation de 16 %. Il se dressait en même temps contre les syndicats professionnels « réformistes », parfois avec violence, comme à l’usine de La Ramée à Entraigues, où des incidents eurent lieu en février 1938, le mettant aux prises avec l’organisation syndicale concurrente, parfois avec souplesse, multipliant les réunions de propagande, déclarant par exemple, en juin 1938, à une conférence d’information de l’Union locale d’Avignon : « Il ne faut pas traiter de fascistes les camarades qui se sont trompés (...), il faut les attirer à nous. »

Cependant Lucien Trilles participa aux grandes manifestations politiques de l’année : le 14 juillet, il était avec Dijon et quelques autres militants communistes à la tête du cortège de manifestants qui réclamaient le maintien du Front populaire et l’aide à l’Espagne républicaine et qui allaient se heurter aux gardes mobiles appelés par le maire socialiste Gros qui avait interdit le défilé. Il joua un rôle très actif dans la préparation de la grève du 30 novembre. Dès le 21 octobre 1938, à une conférence d’information de l’UD où s’affrontaient munichois et antimunichois, il présenta un ordre du jour d’inspiration communiste, nettement antigouvernemental. Délégué de l’UD, il présida une réunion de l’Union locale de Bollène, le 23 novembre, puis prit la parole au meeting de Pertuis, le 26 novembre : Lucien Trilles y prononça un discours violent, attaquant Daladier qui « avait trahi à Munich, en sacrifiant notre allié le plus sûr, pour lequel nous avons dépensé vingt milliards... », stigmatisant les décrets-lois Paul Reynaud qui portaient atteinte à la législation sociale du Front populaire refusant les heures supplémentaires, terminant par la lecture de quelques pages significatives de Mein Kampf et un appel à la grève générale.

Après l’échec de celle-ci, avait-il « perdu de son prestige » auprès des ouvriers, comme l’affirmait un rapport de police de juin 1939, qui reconnaissait sa grande influence due à son intelligence, à sa facilité d’expression, à son habileté ? L’action de Lucien Trilles, en 1939, semblait démentir en partie cette affirmation : il fut encore signataire de l’ordre du jour voté par l’UD le 2 mars 1939 protestant contre le chômage, les décrets-lois Reynaud, l’absence d’accueil des réfugiés espagnols en Vaucluse, mais le 4 juin 1939, au congrès de l’UD, en présence de Benoît Frachon, le bureau pour 1939 fut reconstitué sans lui, et sans Dijon. Quelques jours plus tard, il était poursuivi par la police et pénalisé, pour avoir pénétré sur le chantier du camp d’aviation d’Orange-Caritat et incité le personnel à faire grève : il s’agissait de manifester contre le renvoi d’un ouvrier communiste qui avait déclaré ne pas vouloir travailler « pour engraisser Daladier ». La police voyait dans tout cela une tentative de sabotage dirigée par la CGT.

Mobilisé en septembre 1939 au 7e génie d’Avignon, Lucien Trilles fut surveillé comme tous les membres du Parti communiste. En juillet 1940, après sa démobilisation, il s’installa comme menuisier à Avignon. Il fut arrêté en décembre 1940 par la police de Vichy. Emprisonné d’abord à Avignon, il fut interné ensuite au camp d’Oraison (Basses-Alpes), puis à Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) jusqu’en mai 1942. Libéré, mais refusant de signer la déclaration d’allégeance au régime de Vichy, il fut mis en résidence surveillée à Salon-de-Provence.

A la Libération, Lucien Trilles reprit ses activités syndicales et fut secrétaire de l’Union départementale CGT jusqu’en 1950. Restant membre du Parti communiste, il fut conseiller municipal d’Avignon en 1944 et vice-président du comité départemental de Libération, en qualité de représentant de la CGT.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article133144, notice TRILLES Lucien, Joseph par François Roux, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 14 mars 2011.

Par François Roux

SOURCES : RGASPI, 495 270 3516, autobiographie, Avignon, 28 octobre 1937, classé AS. — Arch. Dép. Vaucluse, 1 M 826, 842, 10 M 32, 33, 35, 36, 37. — A. Autrand, Le département du Vaucluse de la défaite à la Libération, mai 1940-25 août 1944, Avignon, 1965. — Témoignage de l’intéressé. — Note d’André Simon.

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