TROCMÉ Louis

Par Yves Le Maner

Né le 13 mars 1881 à Saint-Quentin (Aisne), mort le 15 août 1963 à Valenciennes (Nord) ; peintre-plâtrier ; militant syndicaliste et coopérateur du Nord ; secrétaire de l’Union locale CGT de Valenciennes, délégué régional de la Fédération du Bâtiment.

Fils d’un tisseur, Louis Trocmé, peintre en bâtiment, travailla successivement à Reims, à Roubaix, puis à Lille avant de venir en 1908 à Valenciennes (Nord) pour poser la verrière du musée municipal. Il décida de se fixer dans cette ville. Il avait été mêlé très jeune aux luttes syndicales et s’était lié d’amitié avec Léon Jouhaux* et Jean Lebas*. « Syndicaliste révolutionnaire hervéiste », ainsi qu’il se définissait lui-même, Trocmé prit la direction du syndicat du Bâtiment et devint secrétaire de l’Union des syndicats ouvriers de l’arrondissement de Valenciennes, peu après sa création, le 31 octobre 1909. Permanent à la Bourse du Travail, il se spécialisa dans les problèmes juridiques. Entré à la commission administrative de l’Union départementale CGT avant 1914, il accéda au bureau de l’UD au lendemain de la guerre.

Louis Trocmé fut l’un des hommes-clés de la scission syndicale dans le Valenciennois. Ses hésitations et ses volte-face dans la période 1920-1922 traduisent bien le désarroi idéologique de nombreux militants syndicalistes révolutionnaires (anarcho-syndicalistes dans le cas de Trocmé) face à une situation nouvelle engendrée par la guerre, la Révolution russe et l’échec de la stratégie de grève générale. Président de la seconde journée du IVe congrès de l’UD-CGT du Nord (Dunkerque, 1er et 2 août 1920), il refusa de prendre parti pour l’un des deux groupes (socialiste et communiste) en voie de constitution au sein de l’UD et réaffirma son attachement aux principes de la Charte d’Amiens.

Tenté par le communisme dans les premiers mois de l’année 1921 (il s’était affilié au CSR de Valenciennes), Louis Trocmé renonça bien vite à cette expérience et rejoignit le camp des « majoritaires » de la CGT. Ainsi, lors du Ve congrès de l’UD (Lille, 26 juin 1921), où il représentait plusieurs syndicats de Valenciennes (Alimentation, Cordonniers, Tailleurs, Électricité, etc), il s’opposa à Lauridan, chef de file des « minoritaires ». Quelques semaines plus tard, il entra à la commission exécutive provisoire du Comité intersyndical des régions dévastées dont le but était d’endiguer les progrès des communistes dans les organisations du Bâtiment dans les départements du Nord de la France. Cette même année, il fut choisi comme délégué de la Fédération du Bâtiment pour la région Nord (1re région) — voir E. Vaillant*. Louis Trocmé assura la direction de l’Union locale confédérée de Valenciennes jusqu’à la réunification de 1935 ; il s’occupa également de la gestion de plusieurs syndicats de métier dont le Bâtiment et les Métaux. Sa grande connaissance de la législation du Travail lui valut d’être choisi en 1930 comme responsable de la caisse d’Assurances sociales « Le Travail » pour Valenciennes. Après la nationalisation de cette caisse, il dut attendre deux ans avant de trouver un emploi à la caisse primaire d’Assurances sociales de Valenciennes.

Sa conception de l’action syndicale avait progressivement évolué par rapport à ses options syndicalistes révolutionnaires d’avant la Première Guerre mondiale. Louis Trocmé se montra en effet de plus en plus favorable aux négociations avec le patronat, repoussant la grève à l’exception des situations d’extrême gravité. Élu trésorier général de l’UL-CGT unifiée des syndicats de la région de Valenciennes en 1935 (voir Maurice Patou*), il conserva cette fonction jusqu’en 1939, date à laquelle il fut mis en minorité par les communistes. Il perdit à cette occasion son siège de délégué de la 3e Région (Valenciennes) à la commission administrative de l’UD du Nord, poste qu’il détenait depuis près de trente ans. Jusqu’en 1940, il ne conserva plus dès lors que le secrétariat du syndicat du Bâtiment de Valenciennes.

Pendant l’entre-deux-guerres, Louis Trocmé s’intéressa également à la coopération. Il avait été l’un des fondateurs de « La Solidarité » de Valenciennes, qui avait fusionné en 1928 avec l’UDC. de Denain, et avait été désigné pour faire partie du comité général de l’UDC. ainsi que de sa commission d’études.

Très hostile à l’immixtion des partis politiques dans les affaires syndicales, Trocmé allait à contre-courant d’une évolution accélérée depuis 1921. Tout en conservant ses convictions libertaires — il refusa toujours de se présenter à une élection autre que corporative —, il accepta de collaborer à la presse socialiste régionale, mais se contenta d’y traiter des problèmes strictement juridiques concernant le syndicalisme.

Louis Trocmé rejoignit la CGT-Force ouvrière lors de la scission de 1946-1947 et assura pendant deux ans le secrétariat de l’Union locale CGT-FO de Valenciennes. Il siégea également à la commission administrative et au bureau de l’Union départementale de la nouvelle confédération dans ses premières années d’existence.

Louis Trocmé consacra la fin de sa vie à la lecture, toujours convaincu de l’émancipation ouvrière par l’éducation, qu’il professait depuis sa jeunesse. A sa mort, le vieil anarcho-syndicaliste laissait une très riche bibliothèque, patiemment constituée pendant plus de soixante années de militantisme.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article133169, notice TROCMÉ Louis par Yves Le Maner, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 30 novembre 2010.

Par Yves Le Maner

SOURCES : Arch. Nat. F7/13610. — Arch. Dép. Nord, M 595/35, 595/38 A et B, 595/40. — Arch. Dép. Pas-de-Calais, M 2372. — Éclairage et Force motrice, septembre-octobre 1922. — La CGT et le mouvement syndical en France, Paris, CGT, 1925. (icono). — M. Ieria, Les Militants ouvriers du Valenciennois de 1919 à 1939, Mémoire de Maîtrise, Lille III, 1974.

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