TURPAIN Albert, Camille, Léopold

Par Alain Dalançon

Né le 2 décembre 1867 à La Rochelle (Charente-Inférieure/Charente-Maritime), mort le 29 septembre 1952 à Iteuil (Vienne) ; professeur à la Faculté des Sciences de Poitiers, inventeur de la TSF ; militant socialiste et coopérateur.

Albert Turpain
Albert Turpain
Portrait peint par Degorce en 1937

Albert Turpain était le petit-fils de Jean Turpain (1791-1871), armateur, président de la Chambre de commerce de La Rochelle. Son père, Gustave Turpain, né en 1835, était capitaine au long cours et ancien officier de marine ; sa mère, Augustine Barraud, était sans profession.

Après l’école privée Fénelon à La Rochelle, il étudia à l’école primaire supérieure de Bordeaux, port auquel son père était attaché. Orphelin de son père, mort en mer Méditerranée à bord du navire Le Grenadier en mars 1883, il dut travailler comme surnuméraire au bureau des Postes et Télégraphes de Bordeaux Fondaudège, durant près de trois ans, tout en préparant le baccalauréat qu’il obtint en 1887. En même temps, il réussit aux concours pour une bourse entière de licence à la Faculté des Sciences de Bordeaux, puis pour une bourse d’agrégation en 1891. À 23 ans, en 1891, il était licencié ès sciences de physique et de mathématiques et devint préparateur dans cette faculté en 1894.

En novembre 1894, dans les caves de la faculté, en présence d’une quinzaine de ses collègues, il réalisa les premières expériences de transmission d’un message Morse par ondes hertziennes sur 25 m, dont il rendit compte dans les Annales de l’Université de Bordeaux en avril 1895. Mais son invention de la télégraphie sans fil, deux ans avant l’inventeur officiel, Marconi, ne fut jamais reconnue.

Après une période de maladie, il reprit en 1897 ses expériences et soutint en 1899 une thèse sur les oscillations électriques. La même année, il épousa le 16 janvier à La Rochelle, Ernestine Méhaignery, fille d’un négociant, avec laquelle il eut quatre enfants : Jean-Albert, Marthe, Germaine et Jane.

Chargé des fonctions de maître de conférences de physique à la Faculté des Sciences de Poitiers (Vienne) en 1901, il fut nommé maître de conférences en 1902, puis professeur de physique et d’électricité industrielles en 1907 (chaire créée). Il consacra toutes ses recherches à des applications pratiques dans de nombreux domaines : multi-communication par téléphone, observation et prévision des orages, applications de la houille blanche dans la motoculture, brevets sur l’imprimerie et le cinéma. Dès 1901, il déposa un brevet d’un compteur d’électricité réduisant les factures en heures creuses. Il était en effet militant socialiste et coopérateur attentif aux conditions de vie du peuple.

Membre du Cercle d’études sociales de la Vienne d’obédience possibiliste, puis du Parti socialiste SFIO après sa création, il écrivit en 1907 une brochure, Les progrès du socialisme allemand, collabora à la presse socialiste locale (Le socialiste de la Vienne) de 1910 à 1914, prêta son concours aux conférences socialistes et aux réunions publiques. À partir de 1910, il prit en charge la fonction de trésorier de la fédération de la Vienne. Il transforma une ligue d’une vingtaine de consommateurs de Poitiers, dont il fut nommé président en 1912, en une Association coopérative qu’il continua à diriger pendant la Première Guerre mondiale pour lutter contre la vie chère. Aux élections municipales de 1912, il conduisit la liste socialiste et afficha en 1913 son hostilité à la loi sur le service militaire de trois ans. Pendant la guerre, il se mit à la disposition des autorités civiles et militaires (gardes civiques, radiographie dans les hôpitaux).

En 1917, il eut maille à partir avec Eugène Audinet, secrétaire de la Bourse du travail et trésorier adjoint de la fédération socialiste, qui avait voté le 27 mai 1917 au congrès de Paris la motion unanime approuvant le voyage à Stockholm, alors qu’il avait été mandaté pour voter contre. Alfred Turpain critiqua violemment cette position dans le quotidien local L’Avenir de la Vienne : pour lui, il fallait aller à Berlin et non à Stockholm. Il semble d’ailleurs avoir suivi Gustave Hervé après 1919, et il participa au dernier congrès fédéral de Châtellerault en 1920.

Il poursuivit son engagement dans la coopérative de consommateurs qui réunit progressivement 5 500 sociétaires avec 35 magasins, dont celui de Lavoux, en 1930. Au « bas prix antisocial », il préférait « les meilleurs produits au prix le plus juste ».
Il poursuivit également son travail de pédagogue (rédactions de manuels) et de vulgarisateur en physique, tout en menant ses recherches. Le 16 janvier 1935, il réalisa l’une des premières émissions de télévision, en transmettant des images de Guy de Belleville, célèbre musicien de l’époque, à son domicile à Poitiers, 7 rue Théophraste Renaudot, en présence du préfet, d’élus, d’universitaires, depuis son laboratoire de la faculté, situé à quelques centaines de mètres, rue de l’Université. Cette expérience ne le fit pas reconnaître comme un des précurseurs dans ce domaine. En 1935, la presse locale annonça sa candidature aux élections sénatoriales. Assesseur du doyen depuis 1910, chevalier de la Légion d’honneur en 1923, il prit sa retraite en 1937 en bénéficiant de l’honorariat.

Il n’eut de cesse de faire reconnaître son rôle d’inventeur, notamment de la TSF. En février 1943, la Cour d’appel de Poitiers lui avait octroyé le droit de ne pas citer Édouard Branly dans un livre sur L’histoire de la Télégraphie sans fil (TSF), lui rendant par là-même la paternité de la TSF. Mais, saisie par le fils de Branly, la Cour de Cassation cassa cet arrêt en 1950, brisant ainsi l’espoir du vieux professeur retraité, a qui en outre avait été retiré en septembre 1945 l’honorariat de son grade sur proposition du Conseil supérieur d’enquête. Il avait en effet été signalé à la commission d’épuration pour avoir présidé en décembre 1943 une réunion publique à Poitiers de l’académicien Georges Claude, encourageant la politique de collaboration. Malade, il ne vint pas à la séance du 15 juillet 1945 et écrivit qu’il avait « cédé à la demande du Préfet » de présenter « le savant et non l’homme politique ». Le professeur à la Faculté des Sciences qui l’avait accusé, confirma cependant, avec d’autres témoins, ses idées collaborationnistes.

Albert Turpain n’a qu’une épitaphe sur sa pierre tombale, dans le cimetière d’Iteuil : « précurseur de la TSF ». Son nom ne figure dans aucun manuel scolaire ; son premier récepteur de TSF resta cependant longtemps exposé au Palais de la Découverte, à Paris. Les universitaires poitevins ont tenu à lui dédier une rue dans le campus. Et Jacques Marzac, qui a retrouvé les archives du savant à Iteuil en 1993, lui a consacré plusieurs études, un livre, des conférences, visant à lui redonner « une place juste entre le silence et la gloire ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article133286, notice TURPAIN Albert, Camille, Léopold par Alain Dalançon, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 4 février 2020.

Par Alain Dalançon

Albert Turpain
Albert Turpain
Portrait peint par Degorce en 1937
Photo au début des années 1930

ŒUVRE : 45 références dans le fichier data BNF en 2020 dont : Recherches expérimentales sur les oscillations électriques (thèse, 1899). — La télégraphie sans fil et les applications pratiques des ondes électriques, 2e éd. 1908 .— Téléphonie (1909). — Télégraphie (1910). — La lumière (1913). — Leçons de physique, 2 vol. 1920.

SOURCES : Arch. Nat. F7/13622, F17/, 24648, 16899. — Arch. Dép. Charente-Maritime, état civil. — JO, lois et décrets (13 août 1887, 25 juillet 1901, 31 décembre 1903, 24 juillet, 8 novembre 1907, 4 octobre 1923, 4 août 1937, 29 septembre 1945). — Arch. J. Gaumont-G. Prache. — Qui êtes-vous ? Annuaire des contemporains, notices biographiques, vol III, G. Ruffy, 1924. — Le Coopérateur de France, 11 décembre 1937. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes, III, p. 97. — Compère-Morel, Grand Dictionnaire socialiste, p. 992. — Jacques Marzac, Albert Turpain, un homme de science au service de l’homme du peuple, Ed. Le Pictavien, 2011. — Jean-Marie Augustin, Gérard Simmat, Poitiers en 1916 (Centre Presse, 31 août 2017). — DBMOF notice par Justinien Raymond.— Notes de Jacques Girault.

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