VALETTE Désiré

Par Justinien Raymond

Né et mort à Saint-Vallier-sur-Rhône (Drôme), 14 août 1881-28 septembre 1944 ; industriel ; membre du Parti socialiste ; maire de Saint-Vallier ; conseiller général ; sénateur de la Drôme.

Désiré Valette
Désiré Valette

Quand Désiré Valette naquit à Saint-Vallier, son père Louis-Philippe Désiré venait d’y créer une usine de petite céramique où il fabriquait, entre autres objets, des bouchons de bouteille de limonade. Sa mère était née Léontine, Rose, Bouchard de Ville. Désiré Valette fit ses études à l’ENP de Voiron (Isère), puis à l’École supérieure de commerce de Lyon, enfin au Laboratoire de la manufacture de porcelaine de Sèvres. Il était donc préparé à prendre la suite de son père à la tête de l’usine familiale sise à la sortie sud de Saint-Vallier et qu’il continua toujours par la suite à diriger personnellement.

Républicain, Désiré Valette adhéra d’abord au Parti radical : choix naturel d’un bourgeois libéral au début du siècle. Mais, dès 1906, il entra au Parti socialiste SFIO : ralliement plus tactique que doctrinal, toute la vie de Valette le prouve ; dans cette région qu’on qualifia de « ventre rouge de la Drôme » et qui deviendra son domaine politique, le Parti socialiste SFIO était une couleur électorale plus payante. Désiré Valette entra en contact avec l’animateur régional du Parti socialiste, Jules Nadi, qui venait de créer, en 1905, une loge maçonnique à Saint-Vallier. Valette en devint le vénérable et le demeura jusqu’à la dissolution de la F... M... en 1940. Il entra également à la Libre Pensée, association prospère dans la région, et à la Ligue des droits de l’Homme, tous mouvements où les socialistes côtoyaient les républicains bourgeois et qui étaient les vrais centres d’action de Valette. Sa situation de chef d’entreprise, son origine politique, ses tendances personnelles en faisaient un adhérent plus qu’un militant socialiste. Il se contentait d’accueillir dans son usine les militants ouvriers inquiétés par la répression patronale. Mais il improvisait avec aisance, avait des qualités oratoires qui le désignaient au rôle local de porte-drapeau du parti.

Aux élections municipales de 1906, Désiré Valette conduisit une liste socialiste : le 19 mai, il obtint 319 voix sur 879 suffrages exprimés et, le 26 mai, 364 sur 896. Le 5 mai 1912, la liste socialiste de Désiré Valette l’emporta dès le premier tour, lui-même en tête avec 455 voix sur 903 suffrages exprimés ; le 19 mai, il fut élu maire à l’unanimité. Le 3 août 1913, le canton de Saint-Vallier où une poussée à gauche se manifestait depuis la fin du Second Empire, l’élut conseiller général, au premier tour de scrutin par 2 661 voix sur 4 332 suffrages exprimés. Ainsi, D. Valette commençait une carrière de notable politique de gauche : il sera constamment réélu maire et conseiller général jusqu’à sa révocation par le gouvernement de Vichy en 1941.

Aux élections législatives du 16 novembre 1919, il figura sur la liste des candidats socialistes conduite par J. Nadi et ne fut pas élu. Le 6 janvier 1924, il fut encore candidat malheureux au sénat ; il se désista au second tour pour le candidat radical et tira bénéfice de cette attitude de discipline républicaine le 2 mars 1924 où, à l’élection partielle nécessitée par le décès du sénateur radical Reynaud, il fut élu sans opposition par la conjonction des voix socialistes et radicales. Au renouvellement sénatorial du 20 octobre 1929, Valette fut réélu par 369 voix sur une liste de coalition aux côtés des radicaux Perdrix et Lisbonne.

Au Sénat, il siégea à la commission des Douanes, s’intéressa aux questions de l’enseignement technique, des assurances sociales. Il ne prit jamais d’attitudes accusées. Il en était de même dans sa gestion municipale : il évitait les positions politiques affirmées pour s’attacher à des réalisations tangibles ; il créa un centre d’apprentissage, bâtit une Salle des Fêtes, organisa les fêtes cantonales de l’école laïque. Sa politique aurait pu porter l’étiquette radicale. Jamais il ne prit les responsabilités d’un militant socialiste ; il évitait les contacts avec la direction du parti et se refusait aux tournées de propagande en dehors des périodes électorales. Il n’avait rien d’un révolutionnaire et sa position sociale lui assurait une large audience dans la bourgeoisie. Un rapport préfectoral à la veille des élections sénatoriales de 1929 souligne cette position personnelle : « M. Valette, écrit le représentant du gouvernement, est membre du Parti socialiste, mais l’aménité de son caractère, sa loyauté, la modération qu’il apporte dans l’expression de la doctrine socialiste et dans les manifestations de son parti lui ont valu une situation privilégiée dans l’ensemble du département où l’on ne distingue pas de mouvement d’hostilité contre sa personne » (Arch. Dép.). Plus net encore, le préfet renchérit en 1938 : « M. Valette est un bourgeois cordial et bon vivant et qui n’est partageux qu’en doctrine » (ibid.). C’était à la veille de nouvelles élections sénatoriales. Valette était alors président du conseil des directeurs de Caisses d’Epargne de la Drôme. Mais alors les radicaux se divisèrent ; les plus à gauche, Lisbonne sénateur sortant, et Archimbaud député de Die, s’associèrent à Valette et tous les trois furent battus (Valette avec 321 voix sur 729 suffrages exprimés) par une liste radicale modérée : Perdrix, sénateur sortant, Dr Eynard et Rozier. Ce département traditionnellement de gauche commençait une évolution vers la droite qu’il a poursuivie depuis.

La carrière politique de Valette allait s’achever. Révoqué de tous ses mandats locaux en 1941, il regagna Saint-Vallier libéré le 25 août 1944 ; il y présida le comité de Libération quelques semaines avant sa mort.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article133478, notice VALETTE Désiré par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 3 août 2015.

Par Justinien Raymond

Désiré Valette
Désiré Valette

ŒUVRE : Valette écrivit quelques articles dans La Drôme socialiste.

SOURCES : Arch. Dép. Drôme, 11 M ; 8 M. — Collection de La Drôme socialiste. — Arch. Mun. Saint-Vallier. — Renseignements recueillis par M. Gardelle auprès de MM. L. Rey, A. Delage et Frachon de Saint-Vallier, et, par écrit, auprès de Mme Vve Désiré Valette.

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