VALLÉE Lucien

Par Jean-Paul Nicolas, Gilles Pichavant

Né le 20 mai 1906 à Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), disparu le 21 juin 1940 dans des conditions jamais élucidées (en juin 1940 était incarcéré à Caen, prison de Beaulieu) ; ouvrier des produits chimiques ; militant syndicaliste CGT révélé en 1936 ; militant puis permanent communiste.

Lucien Vallée photo campagne electorale de 1937, retrouvée dans son autobiographie du komintern.
Lucien Vallée photo campagne electorale de 1937, retrouvée dans son autobiographie du komintern.

Fils de commerçants, son père brocanteur fit faillitte et devint manoeuvre, Lucien Vallée fut exempté du service militaire pour endocardite chronique. Ouvrier à la Compagnie bordelaise des produits chimiques, il adhéra au Parti communiste en juillet 1935. Il fut aussitôt secrétaire de cellule puis, en janvier 1936, secrétaire du rayon de Quevilly-Elbeuf et membre du bureau régional. Très actif pendant les grèves de juin 1936, sa compétence fut appréciée des ouvriers : "j’étais délégué de mon usine et pendant les grèves j’ai pu assurer la visite de toutes les usines de Quevilly et de Couronne, mes camarades refusant de discuter avec le Directeur en mon absence" (autobiographie, 1937).
Il fut secrétaire adjoint du syndicat CGT des Produits chimiques de Rouen en 1937 et 1938. La même année, il suivit pendant un mois les cours de l’école centrale du Parti communiste et eut une appréciation favorable : « Effort soutenu. A fait des progrès réels. Ponctuel, discipliné et bon esprit de Parti. Apte à être utilisé centralement à l’organisation (mars 1938, RGASPI). Il fut élu conseiller général de Grand-Couronne le 17 octobre 1937. Au premier tour il obtint 1788 voix (36,4%) ; au 2e tour, face à un candidat du PSF, il obtint 4671 voix ( 65,8%). Devenu permanent communiste, il siégea à partir de 1938 au bureau de la Région Basse-Seine. Il écrivait dans Le Prolétaire Normand et en assurait la responsabilité juridique comme gérant directeur.
Ayant refusé de renier ses attaches avec le parti communiste dissous, Il fut déchu de son mandat de conseiller général, le 31 janvier 1940.
Pendant la drôle de guerre, Lucien Vallée, devenu totalement clandestin à Rouen, assuma la périlleuse tâche de diriger clandestinement le parti communiste (interdit), en Seine-Inférieure aux côtés d’André Pican. (Georges Déziré étant, dans cette période, éloigné, mobilisé sous les drapeaux). Lucien Vallée assuma ce rôle aussitôt après l’annonce du pacte du 23 août 1939. Avec André Pican qui était mobilisé près de chez lui dans une caserne rouennaise, ils appliquèrent, plus ou moins bien reliés au "Centre" , une ligne mêlant patriotisme et jacobinisme, se conformant malgré tout à la ligne officielle de la guerre impérialiste émanant du komintern.
Nicolas Aubin nous rappelle quelle était la composition du bureau régional du PCF, Place St Marc à Rouen, en 1938 et 1939 : Secrétaire régional Déziré Georges, puis 6 membres : Pican André ; Vallée Lucien ; Poujol Roger ; Canton René ; Canton Louis ; Bizet Alfred. Même si Georges Déziré reste un cas particulier puisque assassiné par les siens dans une villa à Chatou en 1942, tout ce bureau va disparaître tragiquement : ceux qui n’ont pas été fusillés soit Roger Poujol et Alfred Bizet, sont morts en déportation. Reste Lucien Vallée qui, lui, fut vu les dernières fois par André Pican au bagne politique de Beaulieu, seconde prison de Caen où ils étaient tous deux enfermés.
A la fin de la drôle de guerre, Lucien Vallée fut arrêté le 9 avril 1940, chez le militant Marius Eisenbarth qui le cachait chez lui à Oissel, sur mandat du tribunal militaire de la troisième région. Incarcéré à la maison d’arrêt de Rouen, accusé de détention de tracts et d’activité communiste. Le 9 juin 1940 il fut dirigé vers Caen à la centrale de Beaulieu, lieu de détention de politiques pour toute la France. André Pican, incarcéré avec lui en juin 1940, a décrit dans son "manuscrit" une scène de violence extrême de la part des gardes chiourmes sur quelques détenus et particulièrement sur la personne de Lucien Vallée. Contrairement à André Pican, il semble que Lucien Vallée ne bénéficia pas de l’ouverture des portes de Beaulieu à l’arrivée des Allemands. On n’a pas de preuve qu’ "il aurait été remis aux autorités allemandes et dirigé vers une destination inconnue". Tout ce qu’on sait est qu’ Il a disparu le 21 juin 1940.
Plus tard, le mardi 10 février 1942, la police parisienne des Brigades spéciales qui avait repéré par filatures André Pican et Félix Cadras et s’apprêtait à les arrêter (le 17 février 1942), prit en filature un homme portant béret qui avait rendez-vous avec Félix Cadras à la Porte d’Italie. Cet homme parvint à semer les policiers qui le filaient. L’inspecteur responsable de cette filature signalait à la fin de son rapport que l’homme : "...aurait quelque ressemblance avec la photo du nommé Vallée Lucien".
Le 16 juin 1948 , il fut déclaré décédé par le tribunal civil de Rouen "à une date postérieure au 21 juin 1940, en un lieu inconnu". Son décès en Belgique dans un hôpital, est probablement une rumeur qui n’est attestée par aucun témoignage ou aucune archive.
Le 6 décembre 1945, le conseil municipal de Petit-Quevilly décida à l’unanimité que le Parc municipal des Chartreux prendrait le nom de Lucien Vallée. Au final, seule la rue où il demeurait, 2 rue de l’Hospice à Petit-Quevilly, prit le nom actuel de rue Lucien Vallée.
Avec la mention "Conseiller général Victime des nazis".

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article133521, notice VALLÉE Lucien par Jean-Paul Nicolas, Gilles Pichavant, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 8 avril 2022.

Par Jean-Paul Nicolas, Gilles Pichavant

Lucien Vallée photo campagne electorale de 1937, retrouvée dans son autobiographie du komintern.
Lucien Vallée photo campagne electorale de 1937, retrouvée dans son autobiographie du komintern.
Rue Lucien Vallée Petit-Quevilly. Au fond, la Chartreuse Saint Julien.
Rue Lucien Vallée Petit-Quevilly. Au fond, la Chartreuse Saint Julien.

SOURCES : Arch. Dép. Seine-Maritime, 4 MP 2887, 1M 313, et Journal de Rouen des 11 et 18 octobre 1937. — RGASPI, Moscou, 517 1 1887 ; 495 270 4907, arch. du Komintern . — AD et etat-civil de Rouen . — Renseignements communiqués en 2011 par Françoise Leprieur (née Vallée) petite fille de Lucien Vallée. — Le manuscrit Pican in revue Communisme n° 55/56 (1986). — Boîte PPP BS2 Affaire Cadras-Pican Février 1942. — Mémoire de maîtrise de Nicolas Aubin (Univ. Rouen) p.111. Le pacte germano-soviétique et ses répercutions en Seine-Inférieure. — AM de Petit-Quevilly noms des rues. — Notes de JP Nicolas.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable