VAZEILLES Marius [VAZEILLES Antonin, Annes, Francisque, Marius]

Par Jean Maitron, Guillaume Bourgeois

Né le 29 juillet 1881 à Messeix (Puy-de-Dôme), mort le 7 juin 1973 à Meymac (Corrèze) ; garde général des Eaux et Forêts puis pépiniériste ; sympathisant socialiste puis dirigeant communiste en milieu paysan, député en 1936 ; président du présidium du Conseil international paysan (1923) ; se désolidarise du PCF durant « la drôle de guerre », interné sous l’Occupation ; député de Corrèze en 1936.

Marius Vazeilles
Marius Vazeilles

Fils d’un garde forestier de Messeix, Marius Vazeilles fit des études primaires supérieures avant d’entrer à l’École professionnelle de sylviculture des Barres (près de Nogent-sur-Vernisson, Loiret) d’où il sortit premier à l’âge de vingt ans. Il devint instituteur dans le Puy-de-Dôme avant d’entreprendre un stage de garde domanial dans les forêts situées entre l’Isle-Adam et Beauvais (Oise). En 1910, Vazeilles fut nommé garde général des Eaux et Forêts à Mauriac (Cantal) à l’issue d’un stage à l’école secondaire des Barres. Le directeur de l’école, Léon Pardé, estimait son ancien élève : il le proposa au ministre de l’Agriculture, Jules Pams, pour la mise en valeur du plateau de Millevaches. Vazeilles fut donc nommé, en 1913, garde général des Eaux et Forêts, à Meymac.

Mobilisé en 1914 comme lieutenant, puis démobilisé et de retour en Corrèze, Marius Vazeilles s’intéressa passionnément à sa nouvelle mission. Il parcourait à bicyclette toutes les communes du plateau et observait, en même temps que la végétation et les possibilités sylvicoles, les formes du relief, les sites archéologiques, ainsi que l’habitat qui lui montrait l’aspect du peuplement d’autrefois et les villages disparus. Le grand géographe Albert Demangeon, visitant le Limousin, a rendu hommage à ses qualités d’observateur pénétrant et précis. Marius Vazeilles consigna, en 1917, les premiers résultats qu’il avait obtenus dans un ouvrage intitulé La Mise en valeur du plateau de Millevaches, réédité plusieurs fois depuis. Il y préconisait le reboisement à l’aide de résineux, mieux adaptés que les feuillus au rude climat du plateau.

Malgré la réussite de sa mission, Marius Vazeilles fut obligé de quitter Meymac en raison de ses désaccords avec Delmas, député-maire de la localité, qui voulait faire de lui son propagandiste avec la bénédiction d’autres personnalités politiques corréziennes, et parmi elles, le radical Henri Queuille. Vazeilles était socialiste mais ne souhaitait pas manifester ses idées compte tenu de ses obligations de fonctionnaire. Il avait entendu parler Jean Jaurès au cours de son service militaire et son amitié pour Alexandre Varenne* avait été déterminante dans sa formation politique. Il fut scandalisé par ses mutations arbitraires à Tulle (1918), puis à Bar-le-Duc (1919), et demanda sa mise en disponibilité de l’administration des Eaux et Forêts.

Marius Vazeilles se réinstalla alors à Meymac comme pépiniériste spécialisé dans la vente des résineux et comme expert forestier. Soucieux de poursuivre sa mission, qui était officiellement interrompue, il créa aux environs de Meymac un « arboretum » où il planta les espèces les plus diverses de conifères afin de connaître leur comportement sous le climat du plateau de Millevaches. Ses démêlés avec les politiciens locaux l’avaient poussé à adhérer au Parti socialiste dès 1918. Son influence était grande parmi les paysans de la région. Ils appréciaient l’homme affable dont la bienveillance, la simplicité d’allure, le visage plein de douceur souligné par sa longue barbe, donnaient à la parole une force prophétique.

Il fut candidat sur la liste socialiste aux élections législatives de 1919 et obtint 14 400 suffrages. Partisan enthousiaste de la Révolution russe, il fut délégué pour la Corrèze au congrès de Tours et se prononça, en décembre 1920, en faveur de l’adhésion à l’Internationale communiste.

Marius Vazeilles devint un actif dirigeant paysan du PC (SFIC) en même temps qu’un spécialiste parmi les plus compétents de la paysannerie française, étendant chaque jour sa connaissance des modes de culture au gré des régions qu’il visitait. En janvier 1921, il encouragea la création de syndicats paysans et fit paraître Le Travailleur de la terre. Le 12 mars 1922, quinze syndicats regroupant une cinquantaine de communes se réunirent en congrès à Tulle. La Corrèze s’affirmait comme le département fer de lance de l’action communiste au sein de la paysannerie et accueillait toutes les rencontres nationales de la Fédération des travailleurs de la terre : août 1922 à Meymac, février 1923 et février 1924 à Tulle.

Au cours de son Ve congrès, tenu à Sornac le 19 septembre 1924, la Fédération décida de prendre le nom de Fédération des paysans travailleurs : son organe mensuel, dont le premier exemplaire parut en octobre, s’appelant désormais Le Paysan travailleur. La prépondérance corrézienne s’affirmait au travers de ses vingt et un syndicats départementaux et de ses 2 100 membres sur les 3 100 que comptaient les effectifs nationaux ; il y avait en outre 511 » membres isolés » en Corrèze contre 487 dans le reste de la métropole et des colonies. Enfin, sur 3 500 lecteurs du Paysan travailleur (voir Jean Castel*), la répartition se faisait ainsi : Corrèze 2 807, Dordogne 180, Nièvre 131, Drôme 89, Saône-et-Loire 70. Marius Vazeilles était secrétaire à la propagande de la fédération (cf. Bulletin du Conseil paysan français, n° 1, février 1925). Il occupa cette fonction pendant plusieurs années ainsi que celles de président ou de vice-président de la Confédération générale des paysans- travailleurs. Infatigable durant toutes les années de l’entre-deux-guerres, Vazeilles joua un rôle-clef dans ce secteur, participant aux congrès de Montluçon (9 octobre 1937) et de Brive (5-6 mars 1939). Dans le PC, il céda cependant le pas à Renaud-Jean* du Lot-et-Garonne.

Parallèlement à son activité parmi les paysans, Marius Vazeilles jouait son rôle de dirigeant au sein du PC corrézien. Au congrès de Bugeat, tenu le 30 janvier 1921, il fut élu secrétaire fédéral, assisté de Clément Chausson*, Joseph Biaugeaud*, Antoine Jaucent*, Lebrot*, en tant que membres du bureau, et de François Aussoleil*, Victor Bordes*, Leymarie*, Lachaise* et Étienne Neyrat* comme simples membres (Le Travailleur de la Corrèze, 6 février). Vazeilles collabora au Bulletin communiste de 1921 à 1923. Le 6 septembre 1923, il préconisa notamment de s’en tenir à trois degrés en matière de réorganisation du parti : la section, la fédération ou région (groupant deux à quatre départements), et le centre. Il présida la séance du 26 juin 1926 du congrès national du PC tenu à Lille et assista à tous les autres congrès nationaux, intervenant notamment au cours de celui de Villeurbanne (22-25 janvier 1936). Il était également membre du comité exécutif du Secours rouge international (1928) et siégea au conseil d’administration de la Banque ouvrière et paysanne.

Marius Vazeilles participa également à de nombreuses initiatives de l’Internationale communiste. Il prit part, les 12-15 octobre 1923, avec Bouysse, de la Corrèze, à la Ire conférence internationale paysanne tenue à Moscou (Krestintern). Vazeilles présenta aux cent cinquante-huit délégués un rapport et lut, au nom du présidium de la conférence, le télégramme adressé à Lénine, alors malade. Un conseil paysan fut créé, qui comprenait 52 membres, dont quatre pour la France : Vazeilles, président du présidium du Conseil international paysan, et Pierre Verdier* pour la Corrèze, Auguste Angonin* pour l’Aube, Renaud-Jean pour le Lot-et-Garonne. On retrouve la trace de la participation de Marius Vazeilles, en mars 1930, au congrès européen paysan tenu à Berlin. Notons enfin que, les 27-29 août 1932, il assista au congrès international contre la guerre impérialiste tenu à Amsterdam et qu’il y fut élu membre dirigeant.

Candidat aux diverses élections législatives (1924, 1928, 1932), aux élections cantonales, sénatoriales en 1929 et 1938, membre du conseil municipal de Meymac dont il fut le seul élu communiste (1919-1925), Vazeilles ne fut élu député de l’arrondissement d’Ussel qu’en mai 1936, au détriment du républicain indépendant Rambaud, avec 4 395 voix au premier tour et 7 089 au second.

Marius Vazeilles avait été pressenti par Léon Blum* pour occuper le ministère de l’Agriculture au cas où le PC entrerait au gouvernement. Il était considéré à gauche comme un éminent technicien des questions de métayage et de fermage au sujet desquels il mit au point les lois en s’inspirant de l’exemple de l’Allier. Maurice Thorez* a dit de lui, en conclusion de la première édition de son autobiographie, Fils du peuple : « Un de nos meilleurs militants, Marius Vazeilles, élu en 1936 député de la Corrèze, évoque devant les paysans de sa région, à l’aide des vestiges découverts au sein de la montagne limousine, l’évolution qui, de la société antique à la société féodale, puis de la société féodale à la société capitaliste, conduit les éternelles victimes de l’exploitation de l’homme par l’homme à la société sans classe de l’avenir » (p. 205-206, 1937 ; ce passage de l’édition de 1937 fut supprimé après-guerre).

Marius Vazeilles était à Paris lorsqu’il apprit la signature du Pacte germano-soviétique. Il rentra à Meymac le 29 août 1939 dans le but de ressouder les militants du PCF puis vota les crédits militaires, le 2 septembre. Il envoya, le 2 octobre, son adhésion au Groupe ouvrier et paysan français, reconstitution parlementaire du Parti communiste dissous depuis le 26 septembre et fut arrêté à Meymac, le 8 octobre, dans le cadre de l’instruction concernant la lettre envoyée par Florimond Bonte* et Arthur Ramette* au président É. Herriot. Interné à la prison de la Santé et interrogé par le capitaine de Moissac, Marius Vazeilles se contenta d’appliquer les consignes de défense prônées par l’avocat des inculpés, Me Marcel Willard*. Compagnon de cellule de Auguste Béchard*, il écrivait durant l’hiver qu’ils y étaient « obligés de danser pour (se) réchauffer. C’est cependant peu convenable à notre âge. Mais comment faire autrement ? »

C’est de l’extérieur que parvint la nouvelle décisive. L’un de ses enfants, sa fille aînée Marguerite, employée municipale à Alfortville (Seine), connaissait bien son maire, l’un des parlementaires dissidents du PC, Marcel Capron* (voir Marcel Albert Capron*). Ce dernier lui avait indiqué, qu’en cas de condamnation solidaire, Marius Vazeilles serait le seul solvable puisque seul possesseur d’un bien connu. Maître Willard confirma à la fille de Vazeilles cette éventualité qui eût fait de lui le martyr financier du procès à venir. Ébranlé par cette perspective qui pouvait aboutir à la ruine de son expérience forestière, alors unique au monde, Vazeilles abandonna les services de Me Willard et confia son dossier à un avocat non communiste. Il ne se désolidarisa pas politiquement du PC avant le 23 février 1940 bien qu’il ait écrit dès le 12 au président de la Chambre des députés, Édouard Herriot, qu’il avait certes approuvé le Pacte germano-soviétique mais qu’il s’était refusé à soutenir « la politique et la diplomatie staliniennes », notamment à l’égard de la Finlande.

Déchu de son mandat de député le 21 janvier 1940, Marius Vazeilles fut condamné le 3 avril 1940 par le 3e tribunal militaire siégeant à Paris à quatre ans de prison avec sursis, à 4 000 F d’amende et à cinq ans d’interdiction de séjour. Condamné à nouveau le 22 mai 1940, par le tribunal correctionnel de Tulle, à un an de prison, 6 000 F d’amende et dix ans d’interdiction de séjour pour une autre affaire politique. Condamné une troisième fois le 12 juillet 1940 à un an de prison et 1 000 F d’amende avec confusion des peines, Vazeilles vendit maison et pépinière, ruiné par le paiement de 240 000 F d’amende sur plus du million et demi prévu — sa solidarité ayant fini par être levée le 10 juin 1941.

Sorti de prison le 3 août 1940, immédiatement interné à Saint-Angeau (Charente) puis à Saint-Paul-d’Eyjeaux (Haute-Vienne), Marius Vazeilles fut ensuite placé en résidence surveillée à Tauves (Puy-de-Dôme). Il ne retrouva Meymac qu’en août 1944. Le 30 décembre 1944, il fut exclu du PCF et dénoncé dans la brochure Espions... comme « complice des traîtres munichois et des agents de l’ennemi ». Marius Vazeilles recommença une brève carrière d’élu en devenant adjoint au maire de Meymac à la Libération, puis conseiller municipal de 1947 à 1949, Il abandonna ensuite toute activité politique pour se consacrer à sa pépinière et à des tâches purement intellectuelles : études forestières ou études d’archéologie préhistoriques et gallo-romaines. Il remit notamment en valeur un important site gallo-romain oublié, aux Cars, non loin de Meymac, en pleine montagne limousine.

Marius Vazeilles était marié et père de plusieurs enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article133901, notice VAZEILLES Marius [VAZEILLES Antonin, Annes, Francisque, Marius] par Jean Maitron, Guillaume Bourgeois, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 19 avril 2020.

Par Jean Maitron, Guillaume Bourgeois

Marius Vazeilles
Marius Vazeilles

ŒUVRE : Articles dans les journaux et revues cités. — « L’Action communiste à la campagne », Cahiers du militant, n° 9, 1925. — La Mise en valeur du plateau de Millevaches, 1917. — Manuel sur l’agriculture pastorale et forestière.

SOURCES : Arch. Nat. F7/13090, 13091, 13120, 13.261. — BMP, Mfm n° 30, 59, 221, 278. — Bulletin communiste, 1922-1923. — Cahiers du bolchevisme, 1925. — Le Mouvement social, n° 67, avril-juin 1969 (Ph. Gratton). — La Voix du peuple au Parlement, suppl. au n° 12 des Cahiers du bolchevisme, 1936. — Jean Jolly, Dictionnaire des Parlementaires français, 1889-1940, Paris, PUF, — Papiers M. Vazeilles. — Entretien de G. Bourgeois avec Marguerite Vazeilles. — Notes d’A. Perrier et de Jacques Girault. — Arch. RGASPI, Moscou, 5175/1/1697.

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