VERDIER Guillaume, Jacques

Par Claude Pennetier

Garçon de salle au casino de Luchon (Haute-Garonne) puis ouvrier électricien ; militant syndicaliste révolutionnaire de Decazeville (Aveyron) ; secrétaire de l’UD-CGT de l’Aveyron (1919-1921) ; membre du comité central des Comités syndicalistes révolutionnaires ; signataire du Pacte des syndicalistes anarchistes (1921).

Guillaume Verdier (1919)
Guillaume Verdier (1919)
cc F7/13775

En 1910, Guillaume Verdier était membre du Parti socialiste à Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne), et se revendiquait de sa tendance insurrectionnelle. Dans La Guerre sociale du 2 février 1910, il soutint l’idée de Miguel Almereyda de créer un Parti révolutionnaire regroupant les « socialistes insurrectionnels, les syndicalistes révolutionnaires et les communistes libertaires ».

« A l’heure de mon initiation syndicaliste — je parle d’il y a longtemps — je suis né, je me suis développé suivant mes facultés dans un milieu exempt de toute industrie, vierge non seulement de la chose syndicaliste mais du mot. Mais, vers 1900, je lisais les idéologues du syndicalisme qui traduisaient bien le mouvement ouvrier français... » C’est en ces termes que Guillaume Verdier, originaire de Bagnères-de-Luchon, parla de lui-même lors du congrès national CGT d’Orléans, en 1920.

Selon certaines sources, après avoir été garçon de salle dans un casino, Guillaume Verdier travailla à la Société pyrénéenne d’énergie électrique d’où il fut renvoyé en janvier 1917 puis, bien que réformé, fut mobilisé le 26 février 1917 aux Houillères de Decazeville (service électrique). Lorsqu’en février 1917, le syndicat local des métallurgistes fut reconstitué par dix-neuf militants, Verdier n’était pas du nombre car il avait été sanctionné et envoyé à Rodez (L’Éclaireur, 23 mars 1918). De retour le 1er mars 1917, il s’affirma en quelques mois comme l’animateur du syndicat des métallurgistes, qui passa de 131 membres à la mi-mai à plus de 2 000 en septembre. Selon la police, Verdier s’affirmait pacifiste et partisan de Lénine. Renvoyé en août sous les drapeaux pour avoir critiqué son contremaître dans la presse socialiste, il put revenir à Decazeville.

En septembre, Guillaume Verdier devint secrétaire permanent du syndicat local des Métaux dont l’essentiel des effectifs provenait de l’entreprise Commentry-Fourchambault. Le préfet de l’Aveyron affirmait alors que « Verdier était à l’abri de la répression car il était dégagé de toutes obligations militaires et appointé par le syndicat » (Arch. Nat. F7/13357) et ajoutait dans un rapport du 4 septembre 1917 : « Les anciens dirigeants du syndicat, momentanément éclipsés, ne manqueront pas de faire tous leurs efforts pour ruiner au plus tôt son influence néfaste et ramener leurs camarades aux méthodes de sage revendication qu’ils avaient adoptées jusqu’à aujourd’hui » (Arch. Nat. F7/13357). Privilégiant les relations avec les délégués d’atelier, la direction de Commentry-Fourchambault refusait de recevoir toute délégation syndicale dirigée par Verdier, prétextant qu’il n’appartenait pas à la compagnie. En novembre 1917, 1 500 membres du syndicat votèrent le principe d’une grève de 24 h. pour obtenir la reconnaissance de leur syndicat. En relation avec Alphonse Merrheim, Guillaume Verdier se rendit à Paris pour rencontrer le secrétaire de Louis Loucheur, ministre de l’Armement, mais sa démarche n’aboutit à rien.

Bénéficiant du soutien complet du syndicat des métallurgistes qui déposa une liste de quinze revendications, dont la présence du syndicat dans les négociations, Verdier conduisit la grève des 10-11 avril consécutive à un nouveau refus de la direction de recevoir le syndicat. L’usine fut occupée et les grévistes firent fonctionner les services essentiels. Le préfet conseilla à la direction d’accepter une rencontre. Ce succès fut amoindri par la division naissante au sein des ouvriers de l’entreprise dont certains ateliers présentèrent leurs propres candidats aux élections des délégués d’ateliers.

Le 1er octobre 1918, les dissidents fondèrent un syndicat de mécaniciens qui fut soutenu par celui des mineurs de Decazeville dont les dirigeants reprochaient à Guillaume Verdier une vie sentimentale trop dissolue. Déjà en août 1918, un groupe d’ouvriers animé par Adrien Girou* avait demandé la démission de ce « tard venu parmi nous, qui avait acquis une certaine popularité par ses paroles creuses et des mots vides de sens » (L’Éclaireur, 10 août 1918). Cependant la Fédération des Métaux se refusa à reconnaître le nouveau syndicat.

Cette crise ne semble pas avoir affaibli l’autorité de Guillaume Verdier qui de l’automne 1918 au printemps 1919 organisa des actions dans plusieurs services de l’usine. Son influence dans l’Union départementale CGT était sensiblement égale à celle des anciens cadres syndicaux de l’Aveyron et des querelles personnelles avec le secrétaire Albert Rives* rendaient impossible la cohabitation. Au congrès départemental du 15 septembre 1918, Rives quitta la salle suivi des délégués mineurs de Decazeville et des cheminots de Capdenac. Guillaume Verdier fit voter le transfert de l’UD à Cransac et approuva l’élection de Broussal* au secrétariat.

Du 6 au 14 mai 1919, Verdier dirigea la nouvelle grève des métallurgistes mais le patronat tint bon, la signature d’un accord avec les délégués mineurs (voir Victor Mazars*) l’ayant garanti contre une éventuelle extension du mouvement. Le 8 mai, Merrheim s’était rendu à Decazeville mais il désapprouvait les objectifs que Verdier tentait de réaliser : l’abandon, par la direction, du contrôle de l’usine au profit du syndicat. Une troisième grève en juin, déclenchée en l’absence de Verdier à propos de la journée de 8 h., n’eut pas plus de succès.

En effet, à la suite d’une réunion tenue le 16 juin, au cours de laquelle il avait demandé l’amnistie pour tous les prisonniers politiques et militaires, la démobilisation immédiate et la fin de l’intervention en Russie, Guillaume Verdier fut interdit de parole dans les réunions syndicales par les autorités militaires. Néanmoins, il prit la parole devant une foule de 1 500 personnes réunies devant le siège du syndicat. Venu à Paris, il se heurta à l’hostilité des dirigeants de la fédération. Isolé, le syndicat de Decazeville dut capituler et 133 syndicalistes furent licenciés.

Délégué à la propagande de l’UD et responsable de l’hebdomadaire du syndicat des métallurgistes, le Syndicaliste, Guillaume Verdier constata au congrès du 7 septembre 1919 : « Non seulement j’ai eu les forces bourgeoises et policières contre moi, mais [...] il y eut aussi, dans le département, des syndicats qui m’ont fermé les portes de leurs assemblées, d’autres qui ne m’ont jamais fait appeler. Je déclare donc que s’il me fallait continuer mon mandat dans ces conditions, je me retirerais » (Le Syndicaliste, 27 septembre 1919). Il accepta cependant le secrétariat de l’UD qui siégea à Rodez. Délégué à la conférence confédérale de Clermont-Ferrand (décembre 1917), Verdier participa au congrès confédéral de Lyon (15-21 septembre 1919) et se joignit à la minorité groupée autour de Pierre Monatte*, Gaston Monmousseau*, Fernand Loriot, etc.

Guillaume Verdier s’installa à Rodez avec sa compagne Yvonne Vidalenq. En octobre, il fut convoqué au tribunal correctionnel de Villefranche-de-Rouergue, pour avoir contrevenu aux lois sur l’organisation des syndicats, le syndicat n’ayant pas déposé ses statuts à la mairie et Verdier n’étant pas métallurgiste. Le tribunal prononça la dissolution du syndicat.

En septembre 1919, Guillaume Verdier avait animé le 15e groupe de la Fédération des Métaux réuni à Pamiers (Ariège) et fit voter une résolution désapprouvant la modération de la fédération : le congrès s’opposait « à toute politique syndicaliste qui ne s’inspirerait pas des principes de la lutte de classes et qui ne serait pas orientée résolument vers la prise de tous les pouvoirs de la nation par les syndicalistes, pour rendre libre l’exercice des droits de contrôle et de gestion de la production » (Le Syndicaliste, 6 septembre 1919). C’est sur cette base que Verdier intervint au congrès national des Métaux (10-13 septembre 1919). Au Comité confédéral national d’avril 1920, il déposa un ordre du jour de grève illimitée pour le 1er Mai.

Présent à Decazeville au début de la grève des mineurs du 1er Mai, Guillaume Verdier fut frappé par un ordre d’arrestation du préfet. Le maire de Decazeville, l’avocat Paul Ramadier*, dénonça la validité du mandat et le commissaire ne put procéder à l’arrestation. Signe de sa popularité, une foule de 1 500 personnes accompagna Verdier au siège du syndicat. Poursuivi pour son rôle pendant le mouvement de mai, Verdier fut inculpé de « complot contre la sûreté de l’État ». Arrêté une première fois à Decazeville, il fut libéré par une cinquantaine d’ouvriers qui envahirent l’Hôtel de ville. Le 16 octobre 1920, il fut interpellé en plein congrès de l’UD à Capdenac-Gare. L’Éclaireur du 27 novembre 1920 annonça cependant que Verdier avait été mis en liberté provisoire, le juge n’ayant pu l’associer au « complot ».

Représentant les ouvriers agricoles de Millau, Guillaume Verdier fut délégué au titre de la Fédération de l’Agriculture au congrès national de la CGT tenu à Orléans (27 septembre-2 octobre 1920). Il prit la parole lors de la cinquième journée et se réclama à la fois de Marx, Bakounine et Proudhon, rappela le sens de la Charte d’Amiens pour critiquer la "nationalisation industrialisée", revendication mise en avant par Léon Jouhaux* et déclara : « ... Au moment où la Révolution russe a surgi, c’était-là l’application de notre syndicalisme défini dans la Charte d’Amiens qui dit : "Suppression du salariat et du patronat par l’expropriation du capitalisme". » Il présenta sa propre motion dans laquelle il invitait les organisations syndicales "émanation directe des producteurs" constituant « les fondements même de la révolution », à instaurer un pouvoir nouveau dont la CGT serait l’exécutant par le contrôle sur la production. Sa motion, soutenue par Henri Sirolle*, ne recueillit que 44 mandats contre 1 515 à celle du bureau confédéral et 552 à celle des minoritaires présentée par François Mayoux*, Joseph Tommasi* et Victor Godonnèche. Verdier s’affirmait comme l’un des chefs de file des « syndicalistes purs ».

Guillaume Verdier était également membre de la Fédération socialiste de l’Aveyron. Est-ce lui qui avait été assesseur au congrès fédéral du 30 septembre 1917 ? Verdier appela à voter socialiste lors des élections législatives de novembre 1919. Partisan de l’adhésion à l’Internationale communiste, il fut d’abord en minorité dans l’Aveyron : au congrès fédéral du 15 février 1920 sa motion obtint 141 voix contre 166 à celle des « reconstructeurs ». Au congrès fédéral du 19 décembre, il défendit à nouveau l’adhésion à l’IC et déclara qu’il était pour l’action avec les anarchistes favorables aux Soviets ; la motion du Comité de la IIIe Internationale auquel il appartenait depuis avril 1920 au moins, recueillit 282 voix, celle de Jean Longuet* 174 et celle de Léon Blum* 7 (L’Éclaireur, 2 décembre 1920). Il signa la motion présentée par le Comité de la IIIe Internationale et la fraction Cachin-Frossard en vue du congrès de Tours.

Devenu militant communiste, Guillaume Verdier créa le 29 janvier 1921 le comité syndicaliste révolutionnaire de l’Aveyron, mais au congrès départemental du 3 avril 1921, perdit le secrétariat de l’UD sous l’assaut conjugué de Paul Ramadier, maire de Decazeville, Victor Mazars*, secrétaire du syndicat des mineurs de cette ville et Élie Pagès*, secrétaire de la Bourse du Travail de Millau. Ils lui reprochaient notamment un "trou" de six mille francs dans la caisse de l’UD (Arch. Nat. F7/12974). Verdier quitta alors l’Aveyron. Désormais, son action allait s’exercer à l’échelle nationale.

Guillaume Verdier siégea au comité central des CSR dont il fut l’un des secrétaires, avec Pierre Besnard et Augustin Quinton*. Collaborant dès 1920 avec Pierre Besnard, il avait présenté avec ce dernier un projet de Confédération syndicaliste révolutionnaire au cours d’une réunion des minoritaires de la CGT. En février 1921, il fut l’un des initiateurs du Pacte secret des anarchistes qui s’engageaient à promouvoir l’élection de militants syndicalistes révolutionnaires, autonomistes et fédéralistes aux postes de direction des CSR et de la CGT. Délégué en juillet 1921 au congrès de Lille organisé par les minoritaires de la CGT, il désapprouva publiquement les membres des CSR qui avaient approuvé, lors du congrès constitutif de l’Internationale syndicale rouge à l’été 1921, la liaison organique entre l’IC et l’ISR (voir Joseph Tommasi*). De 1919 à 1921, il collabora à La Vie ouvrière.

Militant du Syndicat du Bâtiment de la Seine, Guillaume Verdier fut délégué en mai 1921 avec Henri Jouve* au congrès de la Fédération du Bâtiment à Dijon. Il assista également au VIIe congrès de l’Union départementale des syndicats ouvriers de l’Eure, le 23 octobre 1921 à Évreux, délégué du syndicat textile de Louviers. Présent à la réunion des syndicalistes communistes convoquée à « La Bellevilloise », par le Comité directeur du PC afin d’examiner la politique syndicale du parti, Verdier y défendit, seul, l’idée d’une entente entre parti et syndicat fondée sur » l’égalité parfaite ».

En novembre 1921, lors du IIe congrès des syndicats unitaires de la Seine, Guillaume Verdier prit la parole au nom des CSR pour, à nouveau, se référer à la Charte d’Amiens afin de critiquer l’idée de subordination du syndicat au parti. Entré à la commission exécutive provisoire de la CGTU en décembre, il ne fut pas délégué au congrès de Saint-Étienne (25 juin-1er Juillet 1922). Dès lors son rôle au sein de la nouvelle confédération devint marginal. En décembre 1921, il collabora alors à un numéro spécial du Prolétaire dont H. Jouve était le gérant.

En 1922, Guillaume Verdier était membre du Syndicat unique du Bâtiment. Il avait vraisemblablement déjà quitté le Parti communiste. Il protesta contre son éviction de la commission administrative de la CGTU. En septembre 1923, le Bulletin communiste dénonça Verdier comme étant passé par les Métaux, le Bâtiment, la Voiture-Aviation "à la recherche d’une insaisissable fonction syndicale". Pourtant à l’issue du IVe congrès de la CGTU de la Seine (décembre 1923) et d’une séance extraordinaire (24 janvier 1924), Guillaume Verdier fut désigné (voir F. Antourville*) pour établir une plate-forme "de propagande et d’actions" avec les Jeunesses syndicalistes. Dans le courant de cette année, Verdier semble avoir poussé le SUB à passer à l’autonomie. Un des secrétaires de la commission exécutive de l’Union fédérative des syndicats autonomes de France, en 1925, il y exerçait la fonction d’archiviste l’année suivante (voir Célestin Lentengre*).

Soupçonné en raison de son radicalisme d’être un provocateur ou un indicateur, le bruit courut que Guillaume Verdier serait devenu commissaire de police à Lyon. L’absence de tous documents administratifs fait justice de cette rumeur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article134059, notice VERDIER Guillaume, Jacques par Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 18 octobre 2022.

Par Claude Pennetier

Guillaume Verdier (1919)
Guillaume Verdier (1919)
cc F7/13775

SOURCES : Arch. Nat. F7/12974, 12977, 13357, 13651, 13979, 13973. — Arch. PPo. 296. — D. Reid, « Guillaume Verdier et le syndicalisme révolutionnaire aux usines de Decazeville (1917-1920)", Annales du Midi, n° 166, avril-juin 1984. — Syndicalisme révolutionnaire et communisme. Les archives de Pierre Monatte, Paris, 1968 — Christian Gras, Alfred Rosmer et le mouvement révolutionnaire international Paris, Maspero, 1968. — Annie Kriegel, Aux origines du communisme français, 1914-1920, 2 tomes, Paris, Mouton, 1964. — Arch. Jules Humbert-Droz, Origines et débuts des Partis communistes des pays latins, 1919-1923, Dordrecht, 1970. — Samuel Jospin, La CGT-SR à travers son journal Le Combat syndicaliste, Mémoire de Maîtrise, Paris I, 1974. — C.r. Ve congrès CGTU de la Seine. — L’Éclaireur, 1917-1921. — Le Syndicaliste, 1919. — Le Populaire d’Eure-et-Loir et de l’Eure, 29 octobre 1921. — Bulletin communiste, 17 novembre 1921, 13 septembre 1923. — L’Humanité, 22 mai 1924. — La Voix du travail, août 1926 — Notes de J. Charles et Guillaume Davranche.

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